VIH et discrimination positive


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La société française de téléphonie mobile Orange envisage de recruter, au Cameroun, des séropositifs. L’initiative s’inscrit dans un plan de lutte gouvernemental contre la discrimination des porteurs du virus VIH/sida. L’opération devrait durer trois ans et coûter plus de 146 000 euros.

Embaucher des séropositifs. C’est le but que s’est fixé, il y a un mois, la société de téléphonie française Orange au Cameroun, dans le cadre d’un plan gouvernemental de lutte contre la discrimination des malades. L’objectif du groupe : aider les porteurs du VIH/sida à assumer leur statut sérologique et soutenir les efforts de prévention au sein de l’entreprise. L’opération, prévue pour durer trois ans, constituera la mesure phare du plan anti-sida que l’entreprise compte mettre en place.

Recommandation qui effraie

Pour faire reculer la discrimination sur le lieu de travail, le Comité national de lutte contre le sida (CNLS), le ministère de la Santé et le Groupement interprofessionnel du Cameroun (Gicam) recommandent aux entreprises du pays d’embaucher des séropositifs. La mesure ne fait pas l’unanimité. Certaines compagnies estiment que la santé instable des malades risque de déstabiliser la productivité de l’entreprise. Autre barrière, les employeurs n’envisagent ou ne peuvent pas payer la couverture sociale du personnel atteint.

Au ministère de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance Sociale, on explique simplement que « la discrimination des séropositifs n’existe pas, parce que les employés ne révèlent pas qu’ils sont porteurs du virus. Et les entreprises n’ont pas pour habitude de demander le test du sida lors d’un entretien. Ce qui les intéresse, c’est de savoir si la personne est apte à accomplir le travail pour lequel elle postule ».

Orange n’était également pas très favorable à la mesure, mais pour d’autres raisons. « Nous savons que des séropositifs travaillent pour nous. Nous ne savons pas qui ils sont parce que nous avons toujours refusé de demander les tests de dépistage. Alors nous ne trouvions pas l’idée d’aller en chercher à l’extérieur très utile », explique Jacqueline Mekongo, directrice des ressources humaines chez Orange.

Lister les chômeurs séropositifs

Par la suite, la société française a considéré qu’au vu de la progression de l’épidémie (le taux de prévalence avoisine les 12% chez les personnes en âge d’avoir des relations sexuelles), elle devait reconsidérer sa politique. « Aujourd’hui, nous voulons que les séropositifs n’aient plus honte, qu’ils ne se cachent plus et qu’ils puissent dire ‘je suis atteint, mais j’assume. Je peux vivre et travailler avec le virus’ », souligne Jacqueline Mekongo.

Mais Orange a bien spécifié au ministère de la Santé, au CNLS et au Gicam que le programme qu’elle envisage de mettre en place doit être strictement encadré. Elle a demandé, fin novembre, au CNLS d’établir une liste des chercheurs d’emploi séropositifs, en s’assurant de leur statut sérologique. Si l’organisme accepte la proposition, Orange pourra recruter parmi les personnes répertoriées celles correspondant au profil recherché. Toutefois, pas question d’embaucher en masse.

Pas de favoritisme

Et les entretiens d’embauches seront aussi rigoureux que ceux des postulants en pleine santé. « Nous n’allons pas les pouponner. Le CNLS nous transmettra les CV se rapprochant le plus de nos attentes. Comme dans une procédure normale, nous ferons des tests, trierons les candidatures ou chargerons un cabinet de recrutement de le faire. Le but de l’opération, est de les traiter comme les autres. Nous les prendrons en fonction de ce qu’ils peuvent apporter à l’entreprise et pas seulement parce qu’ils seront séropositifs », assure la directrice des ressources humaines chez Orange. Une discrimination positive qui ne dit pas son nom.

Une fois les tests de sélection passés avec succès, le nouveau salarié travaillera à temps plein.
Toutefois, le groupe de téléphonie tient à préciser, qu’à cause de leurs fragilité physique, « les séropositifs ne seront pas embauchés en tant que techniciens ou commerciaux. Des métiers qui demandent une énergie et des déplacements constants. Ils seront plutôt placés aux postes administratifs ou de communication interne. Voire à la prévention contre le sida au sein de l’entreprise ».

Prévention tache d’huile

Auparavant, Orange faisait passer sur la messagerie interne des messages destinés à mettre en garde, surtout les jeunes, contre les risques du sida. La société offre depuis ses débuts une couverture sociale qui couvre 100% des hospitalisations. Elle rembourse les médicaments, y compris les antirétroviraux, à hauteur de 80%. Appréciable, compte tenu que le prix du traitement sida pouvait atteindre, en août dernier, environ 43 euros par mois et par personne (soit 28 000 FCFA, mais, selon la Pana, le prix serait descendu, début janvier, à 7 000 FCFA).

Ces trois années de recrutement spécial seront le point fort d’une stratégie interne de prévention. Avec les quelque 146 351 euros (96 millions de FCFA) qui devraient être alloués à l’opération, Orange va notamment profiter de l’expertise du CNLS pour faire circuler des prospectus, créer des affiches, former des pairs éducateurs (des personnels qui souhaiteraient sensibiliser leurs collègues au fléau) ou encore organiser des réunions et des débats. Une fois par an, les familles de tous les employés seront conviées à une journée de sensibilisation.

Au bout du plan triennal de recrutement, Orange espère « que 80% du personnel et de leurs familles se seront imprégnés du danger que représente le sida. Mieux, qu’ils agissent comme des freins à sa propagation en se présentant systématiquement aux campagnes de dépistage et qu’ils participent spontanément aux initiatives de prévention ». En somme, Orange s’oriente vers une prévention mobile.

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