Vacances d’été : un aller-simple pour les enfants sans papiers


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Dans un mois, c’est les vacances. Et le début de l’angoisse pour des milliers d’enfants scolarisés et leurs parents, que le ministère français de l’Intérieur prévoit de reconduire à la frontière après leur avoir octroyé un sursis, en octobre dernier, par voie de circulaire. Critique à l’égard de ce règlement temporaire, le Réseau éducation sans frontières est décidé à empêcher tout éloignement à partir du mois de juillet.

« Vive les vacances, vive l’insouciance… ». C’est ce que dit la chanson, mais pour des milliers d’enfants scolarisés en France, la fin de l’année scolaire sera, cet été, synonyme d’angoisse, de démarches administratives et peut-être, au bout du combat, de reconduite à la frontière. Le 31 octobre dernier, le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a demandé aux préfets par voie de circulaire de ne pas exécuter les arrêtés de reconduite à la frontière (APRF) émis contre des parents d’enfants ou des enfants scolarisés, majeurs ou non, jusqu’aux grandes vacances. Il insistait alors sur le « caractère exceptionnel de cette admission provisoire au séjour, qui ne saurait s’étendre au-delà des termes de l’année scolaire en cours et ne doit pas être renouvelée ».

Du coup, la belle victoire du groupe scolaire Olivier Métra, à Paris, qui a obtenu vendredi dernier l’annulation de l’APRF de Nasr El Khouly, un Egyptien père de deux enfants et vivant en France depuis 1993, apparaît comme un sursis. Toute l’école de sa fille aînée, âgée de trois ans et demi, s’était mobilisée depuis dix jours, avec le soutien du Réseau éducation sans frontières (RESF), pour empêcher son éloignement. Un sursis… à moins que les militants ne parviennent à pérenniser la situation du père de famille, comme ils l’ont fait, à la rentrée dernière, avec un ressortissant chinois qui a obtenu un permis de séjour d’un an avec permis de travail, après avoir pourtant été renvoyé dans son pays, et en janvier dernier avec une Algérienne qui a bénéficié d’un titre de séjour de dix ans.

La circulaire pas toujours appliquée

Des cas qui restent exceptionnels. Créé le 26 juin 2004 et constitué d’enseignants, de parents d’élèves, de syndicalistes et de simples citoyens, RESF a, dès la publication de la circulaire du 31 octobre 2005, dénoncé le sursis ainsi offert aux familles vivant irrégulièrement en France et demandé leur régularisation. Le collectif est né après que quelques professeurs se soient aperçus de l’efficacité de leur mobilisation pour obtenir la régularisation d’élèves sans papiers. « La seule présence de professeurs, pas forcément jeunes, accompagnant les enfants à la préfecture, modifie radicalement le regard des guichetiers », expliquait, en novembre dernier, Richard Moyon, l’un des enseignants à la base de l’initiative, à [Afrik->8988
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. Rennes, Paris, Lyon, Brest, Toulouse, dans toute la France, jusque dans les villages, des citoyens se sont mobilisés pour venir en aide à des voisins dont ils ignoraient les conditions de vie.

Mais la tâche qui les attend à la fin du mois de juillet est exceptionnelle. « Au moins 10 000 enfants scolarisés » sont concernés, selon le collectif, qui précise que l’estimation est bien incertaine tant les élèves sans papiers, par peur ou par honte, rechignent à dévoiler leur situation. La circulaire a fait baisser le nombre d’APRF exécutées, mais toutes les préfectures ne l’ont pas appliqué (elles n’y sont pas contraintes), n’hésitant pas à mettre en rétention des pères d’enfants scolarisés, voire des mères et des enfants. L’intervention d’associations auprès du ministère de l’Intérieur a parfois permis d’éviter l’éloignement, mais pas toujours. Pierre Cordelier, membre de RESF, préfère pointer la « duplicité » du ministre avec les préfets plutôt que sa coopération. « Parce qu’il faut faire du chiffre ».

Les vacances et après ?

Lundi, Nicolas Sarkozy a demandé aux préfets, réunis place Beauvau, d’informer « les étrangers en situation irrégulière dont un ou plusieurs enfants sont scolarisés » des modalités possibles de « retour volontaire ». « Il est nécessaire que, de manière personnalisée, chacune de ces familles dispose de toute l’information utile pour choisir de retourner volontairement dans son pays d’origine lorsque l’année scolaire sera achevée », a-t-il estimé. Le pécule, a-t-il rappelé, a été augmenté à « 2 000 euros pour un adulte seul, 3 500 pour un couple, auxquels s’ajoutent 1 000 euros par enfant mineur jusqu’au troisième, puis 500 euros par enfant ».

« Peut-être craint-il l’arrivée des vacances, comme nous, mais pour d’autres raisons, commente Pierre Cordelier. Il a fait des promesses et il devra bien faire quelque chose. Mais à moins d’engager l’armée… » En tout cas, le ministre ne devra pas compter sur la chaleur de l’été pour exécuter plus facilement les APRF : « Nous allons monter un réseau de vigilance, avec des chaînes téléphoniques… explique le militant. Nous nous sommes engagés dans une telle bagarre que nous ne pouvons pas aller en vacance comme ça, en laissant les choses se faire. »

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