Uemoa : un poste de contrôle express pour faciliter le transport routier


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Un poste de contrôle frontalier qui réunit les services de deux pays en un seul lieu ? C’est l’une des trouvailles de l’Union économique et monétaire ouest-africaine pour améliorer le transport des marchandises par la route, la voie la plus utilisée dans la zone. Mais le premier né, à Cinkansé entre le Togo et le Burkina Faso, n’est toujours pas opérationnel depuis 2010.

Quatre vingt-dix pour cent des échanges intracommunautaires dans la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), dont les chefs d’Etat se réunissent ce samedi au Mali, s’effectuent par la route. Entre les tracasseries routières et l’état déplorable des axes dont seulement 10% sont bitumées, la facilitation du transport routier est devenue un impératif au sein de l’union. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) ont mis en place un programme régional de facilitation des transports dont l’un des cinq aspects concerne la création de postes de contrôles juxtaposés (PCJ). L’objectif de ces postes de passage, qui ne sont pas postes douaniers de plein exercice (on ne peut pas y faire de gros dédouanements) est de regrouper les services de contrôle aux frontières de deux pays sur un même site. Le Leitmotiv de ces postes : harmonisation, simplification et automatisation des procédures, selon le commissaire Ibrahim Tamponé de l’Uemoa, en charge du département de l’aménagement du territoire communautaire, des transports et du tourisme. « Quand vous êtes à la frontière entre le Sénégal et le Mali, vous êtes contrôlés avant et après par chaque pays. Mais vous faites les mêmes formalités de part et d’autre », explique Serigne Thiam Diop, secrétaire général de l’Union des conseils des chargeurs africaines (UCCA). Les formalités devraient être ainsi réalisées aux postes de contrôles juxtaposés en « une heure, au lieu d’une journée ou deux », affirme Ibrahim Tamponé.

Aux origines des postes de contrôles juxtaposés

En 1997, un diagnostic a été fait au sein de l’Uemoa et a pointé la redondance des contrôles aux frontières. Le concept de poste de contrôles juxtaposés voit ainsi le jour pour mettre fin à la duplication constatée dans ces procédures. Le poste de contrôles juxtaposés permet de les harmoniser, de les simplifier et de les moderniser, en d’autres termes, les automatiser. Chaque administration représentée à Cinkansé est reliée à sa base dans son pays. L’Uemoa a profité de l’existence de cette structure pour mettre en place, en ce qui concerne le fret, une base de données. Ces informations sont aujourd’hui indisponibles. En 2008, le schéma architectural des postes de contrôles juxtaposés a été adopté mais le projet de Cinkansé est différent du fait de sa qualité de projet pilote.

L’Uemoa prévoit au total la création de dix-sept postes dont onze seront financés par l’Union, pour 51,6 milliards de F CFA, et les six autres par ses partenaires. Pour l’heure, seul le poste de contrôles juxtaposés de Cinkansé, entre le Togo et le Burkina, est achevé. Construit sur sept hectares, chaque pays y dispose d’une zone de contrôle exclusif considéré comme une partie du territoire national. Le poste dispose d’un scanner pour les conteneurs, d’un pèse-essieux pour le contrôle des surcharges, d’un système informatique qui centralise les données. En outre, une nouvelle technologie radio, concentrée dans un macaron, permettra, à partir du poste, un suivi des véhicules et des marchandises transportées par satellite. Des questions techniques, notamment la sécurisation des communications téléphoniques et informatiques ont été par ailleurs réglées avec la mise en place de lignes satellitaires sécurisées. Coût global de Cinkasé, y compris les mises à niveau : « 6 à 7 milliards », affirme Ibrahim Tamponé.

Un dispositif encore inexploité

Pourtant, les 45 bureaux réservés à chaque pays dans le tout nouveau poste de Cinkansé attend encore les 145 agents burkinabè et togolais qui représenteront la police, la douane, les eaux et forêts, les services de santé, vétérinaire et phytosanitaire. Il aurait dû être opérationnel depuis novembre 2010 mais il reste une question majeure à régler : celle de la caution unique. « Pour chaque pays qu’un marchandise traverse, explique Ibrahim Tamponé, il faut une caution qui est au moins égale aux droits et taxes qui pourraient être perçues sur la marchandise en cas de problème. Nous voulons qu’il y ait une caution unique, c’est ce que nous souhaitons mettre en place. Si on veut que les gens travaillent ensemble, il faut qu’on mette en place le TRIE (pour Convention relative au transit routier inter-Etats des marchandises [[Elle a été signée le 29 mai 1982 à Cotonou, entre les Etats membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao)]]). Ce qui implique de mettre en place le système de caution unique. Pourquoi depuis 1982 (date de son instauration) le TRIE n’est pas appliqué (seuls trois Etats sur 15 membres de la Cedeao l’appliquent) ? C’est parce qu’il y a des difficultés mais nous avons l’ambition de les surmonter à l’Uemoa . Le poste nous en offre la possibilité puisque les douanes de deux pays différents y sont réunis.»

Second problème évoqué par le commissaire Tamponé : «La résistance des chauffeurs parce que nous avons prévu des redevances par catégorie de camions car des prestations sont fournies, comme le contrôle de gabarit, de charge à l’essieu… ». Cependant, « au niveau de l’Uemoa, ajoute-t-il, ce n’est pas un problème puisque ces redevances peuvent être revues ».

Quelques chiffres sur le transport routier en zone Uemoa

 90% des échanges intracommunautaires effectués par la route. Réseau routier de 274 416 km dont 26 753 km bitumés.

 Faible densité du réseau: 7,8 km pour 100 km² pour la zone Uemoa, comparativement à 40 km pour 100 km² pour l’Afrique et 400 km pour 100 km2 pour l’Europe.

 Tracasseries routières dues mauvais état des véhicules

 Corruption routière: 95 à 146 milliards de FCFA/an, représente au moins 8% des coûts généralisés des transports.

 Pratique systématique de la surcharge : 40 à 90% des camions sont en surcharge.

 Dégradation précoce des routes, durée de vie de la route réduite : 5 à 10 ans au lieu de 15 ans.

 Coûts supplémentaires d’entretien et de réhabilitation : 30 à 40 milliards FCFA/an/pays.

Source : Uemoa

Les postes de contrôles juxtaposés constituent la promesse d’une petite révolution que de multiples imprévus, en dépit de la concertation permanente de l’Uemoa avec ses membres, et leur manque « d’audace » dans l’application des mesures adoptées retardent. Car ces nouvelles structures devraient mettre fin à certaines pratiques. « Plus personne ne peut passer ailleurs que par le poste de contrôles juxtaposés, assure Ibrahim Tamponé. Et si vous le passez, c’est que vous êtes en règle. Si vous ne l’êtes pas, vous déchargez la marchandise à vos frais. Si vous transportez des marchandises prohibées, le scanner le détectera. A la station de pesage, les gabarits hors normes seront exclus ». Avec l’informatisation des procédures, ces postes constituent un moyen de lutte contre les fraudes.
« Ce que nous faisons ne se fait nulle part ailleurs, souligne Ibrahim Tamponé. Idéalement, il ne devrait pas y avoir de postes de contrôles. Mais comme ce n’est pas le cas, les postes de contrôles juxtaposés nous permettent de les rationaliser tout en créant des pôles de développement, une façon aussi de décongestionner les capitales[…] ». Un hôtel a déjà vu le jour à Cinkansé.

Pour Serigne Thiam Diop, le poste de contrôles juxtaposés est une « bonne initiative », mais qui doit être mise en œuvre « rapidement ». « Cela fait des années qu’on en parle, ajoute-t-il ». Celui de Cinkansé, devrait être opérationnel « d’ici quelques mois », au cours de 2011, promet-on à l’Uemoa.

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