« U-Carmen eKhayelitsha » Ours d’or à Berlin


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U-Carmen eKhayelitsha est le premier film africain à être récompensé à la Berlinale. Il a en effet remporté l’Ours d’or du meilleur film, samedi, lors du 55e festival du cinéma de Berlin (Allemagne). Le jury a été séduit par la version sud-africaine de Carmen, le célèbre opéra de George Bizet. L’œuvre inédite a ravi la vedette à deux autres films africains traitant du génocide de 1994 au Rwanda, et notamment au Sometimes in April de l’Haïtien Raoul Peck, qui faisait figure de favori.

And the winner is[[<*>Et le gagnant est…]]… U-Carmen eKhayelitsha ! Le film du réalisateur britannique Mark Dornford-May a remporté l’Ours d’or du meilleur film samedi dernier lors du 55e festival du cinéma de Berlin. Une première pour lui et, plus largement, pour le cinéma africain, primé pour la première fois depuis que la Berlinale existe. Peut-être là une façon de récompenser les productions cinématographiques africaines et asiatiques que le jury a tenu à faire connaître. Trois films africains étaient en compétition : U-Carmen eKhayelitsha, Sometimes in April de l’Haïtien Raoul Peck et Hotel Rwanda de l’Américain Terry George. Au final, le jury s’est laissé séduire par la version sud-africaine de Carmen, le célèbre opéra de George Bizet. Au détriment de la « fiction documentaire » Sometimes in April qui, d’après des bruits de couloirs, était fortement pressentie pour glaner la plus prestigieuse récompense.

Premier long-métrage tourné en xhosa

Mark Dornford-May avait déjà réalisé une « version théâtre » de Carmen à Londres (Angleterre) et en Afrique du Sud. C’est la « version grand écran » de 2h02 qui lui apporté la consécration. Le jury, présidé par le cinéaste allemand Roland Emmerich, a primé une adaptation résolument décalée de Carmen. Décalée, parce que l’histoire d’amour passionnée entre Carmen et Don José ne se déroule pas en 1820 dans les environs de Séville (Espagne), mais en 2004 dans le township (banlieue noire) sud-africain de eKhayelitsha.

Le réalisateur britannique, dans une interview accordée à l’Agence France Presse, a expliqué : « Nous avons filmé certaines scènes dans des décors et tout le reste dans le township. (…) Les acteurs expliquaient aux passants ce que nous étions en train de faire. Leur réaction a été fantastique : ils étaient très enthousiastes que leur township soit utilisé pour tourner un film. (…) Les gens nous ont soutenus de façon extraordinaire et nous n’avons eu aucun problème de bruit ou d’incidents. »

Autre spécificité de U-Carmen eKhayelitsha : l’opéra est chanté sur la musique originale en xhosa, l’une des onze langues nationales de l’Afrique du Sud, ce qui en fait le premier long-métrage tourné dans cet idiome, selon Reuters. De quoi laisser pantois les habitants de eKhayelitsha. Mark Dornford-May, dont les propos sont rapportés par l’Agence France Presse, raconte : « On pouvait voir la réaction sidérée des habitants du township quand ils se sont rendus compte que nous tournions en xhosa. »

Le talent de Paulina Malefane salué

Paulina Malefane, la Carmen de U-Carmen eKhayelitsha, avait quelques prédispositions pour jouer l’héroïne du fameux opéra. Elle est originaire de eKhayelitsha, mais, surtout, elle a déjà interprété plusieurs fois le rôle de Carmen sur les planches. Sa prestation lui vaut les éloges de Frédéric Strauss de Télérama, un hebdomadaire culturel français. Il écrit qu’« un vrai charme opère tout au long du film, qui doit beaucoup à son interprète principale (…), une Carmen énergique, drôle, insolente et surtout séduisante comme il se doit ».

Le quotidien français Le Figaro semble aussi avoir apprécié le spectacle de la chanteuse lyrique. Selon lui elle « méritait le prix d’interprétation au même titre que la Rwandaise Carole Karemera et l’Américaine Debra Winger Sometimes Comes April », en précisant que « le jury leur a préféré l’actrice allemande Julia Jentsch, 27 ans, elle aussi remarquable pour son rôle dans Sophie Scholl, les derniers jours, film du réalisateur Marc Rothemund ».

La récompense de Carmen est une surprise, malgré un film auquel certains reconnaissent du talent et une fidélité par rapport à l’œuvre originale. Il semblerait en effet que ce soit le Sometimes in April de Raoul Peck, qui traite comme Hotel Rwanda du génocide au Rwanda de 1994, qui était fortement prisé. Hubert Heyrendt, du journal La Libre Belgique, fait partie de ceux qui n’ont pas n’a pas compris le choix du jury. Il estime que la récompense de U-Carmen eKhayelitsha est « étrange », car c’est une œuvre qui « ne parvient (…) pas à toucher, offrant une vision plutôt exotique et humoristique de Carmen ». Une décision, selon le critique, encore plus incompréhensible que l’Afrique était « également représentée par le poignant ‘Sometimes in April’ ». Peut-être que ce film connaîtra lui aussi son heure de gloire.

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