Tunisie : Ennahda sur des braises ardentes


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En Tunisie, la déchirure au sein de la coalition au pouvoir se poursuit. Celle d’Ennahda ne fait que commencer…

Le projet de remaniement gouvernemental réfléchi par le Premier ministre tunisien, Hamadi Jebali, continue de diviser la coalition au pouvoir. Ce dernier, issu de la frange modérée du parti islamiste Ennahda, a annoncé qu’il quitterait son poste s’il ne parvenait pas à créer, dans le milieu de la semaine, un gouvernement composé de technocrates. Une idée que rejettent formellement les conservateurs « Ennahdistes ». Une opposition de taille, puisque c’est à l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), où justement le parti islamiste est majoritaire, 89 sièges sur 217, de valider le gouvernement qu’entend former Jebali.

En voulant « imposer » son gouvernement avec ou sans l’aval de l’ANC, le Premier ministre prend des risques. Ce « forcing non-démocratique » a même fini par fâcher les « alliés » d’Ennahda au sein de la coalition. Mais en réalité, son choix de ne pas suivre l’avis de l’ANC est, dans le contexte actuel, totalement démocratique. Selon la loi d’organisation provisoire des pouvoirs publics, le Premier ministre peut en effet « créer, modifier et supprimer les ministères et les secrétariats d’Etat, et fixer leurs attributions et prérogatives, après délibération du Conseil des ministres et information du président de la République ». Et en l’intronisant à la tête du gouvernement en décembre 2011, l’ANC lui a, de fait, octroyé ce droit.

Ennahda, une crise attendue

Ce que réclament les « alliés » d’Ennahda au pouvoir, c’est-à-dire le CPR, mené par le président Moncef Marzouki, et Ettakatol, dont le président de l’ANC, Mustapha Jaafar, est le Secrétaire général, est l’abandon par Ennahda des ministères régaliens. Une revendication que refuse strictement le bord conservateur du parti. En signe de protestation, trois ministres et deux secrétaires d’Etat de la coalition gouvernementale, membres du CPR, ont annoncé leur démission. Les cadres du parti présidentiel ont toutefois refusé de les acter. Déterminés, les cinq ministres doivent rendre leur décision définitive ce lundi. Elle fait suite à l’ultimatum lancé une semaine auparavant pour presser un remaniement gouvernemental.

La division au sein même d’Ennahda, qui dure publiquement depuis mercredi, mène la troïka vers l’implosion. Jusqu’à lors, car majoritaire, c’était uni que le parti islamiste imposait ses décisions au sein de la coalition. Mais suite au bras de fer entre conservateurs et modérés, le risque de fissure est bien présent.

Hamadi Jebali ne flanche pas. Selon lui, les ministères de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères, doivent être cédés à des technocrates pour garder une impartialité la plus totale. Les « Ennahdistes » radicaux ont prévenu qu’ils descendraient dans la rue pour défendre la « légitimité des urnes ». Une guérilla interne qui ne semble pas prête à être résolue.

Division islamiste, boycott, opposition… Un cafouillage politique qui ne permet pas de poursuivre la rédaction de la nouvelle Constitution qui dure maintenant depuis des mois, faute de consensus. Or, sans loi fondamentale, la tenue de nouvelles élections ne peut avoir lieu. Tout un patatrac qui agace sérieusement la population en attente de réformes économiques et sociales significatives.

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