Tchad : Déby va aux élections malgré la menace rebelle


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Le premier tour des élections présidentielles se déroulera bien mercredi, au Tchad, trois semaines après la tentative de coup d’Etat avorté de la rébellion tchadienne. Les Etats-Unis et l’Union Africaine, favorables à un report permettant la tenue d’un dialogue national, n’ont pas été entendus. Soutenu par la France dans son obstination, Idriss Déby Itno est sûr de remporter un scrutin boycotté par l’opposition.

L’opposition tchadienne ira unie au boycott des élections présidentielles du 3 mai. La diplomatie américaine, l’Union Africaine, l’église épiscopale tchadienne… tous ont fait part de la nécessité d’entamer le dialogue avec l’opposition avant d’aller aux urnes, mais rien n’y a fait. Idriss Déby Itno a terminé dimanche une campagne qui n’aura duré qu’une semaine. Tenue pour l’essentielle à N’Djamena, celle-ci l’a mené à Mongo, au centre et Am Timan, à l’est, deux villes brièvement conquises par la rébellion lors de sa tentative avortée de renverser le régime, début avril. « Je vous promets que votre pays va devenir un champion », a-t-il lancé en jean, tee-shirt blanc et casquette, dimanche, à ses supporters venus l’écouter dans un stade de la capitale, rapporte Associated Press. Il faisait allusion à l’augmentation des ressources du Tchad depuis son accession au statut de pays producteur de pétrole.

Il a également défendu ses seize années au pouvoir, mettant notamment en avant l’instauration d’une démocratie qui a donné lieu aux premières élections pluralistes en 1991. Les 20 partis d’opposition réunis au sein de la Coordination pour la défense de la Constitution (CPDC) n’ont pourtant aucune confiance dans les scrutins organisés par les autorités. Ils n’ont d’ailleurs pas attendu l’offensive rebelle pour appeler leurs militants à ne pas s’inscrire sur les listes électorales, en 2005, et à boycotter le référendum constitutionnel approuvé le 6 juin. Celui là même qui autorise aujourd’hui le Président sortant à se représenter une troisième fois.

Déby ouvert aux discussions… après les élections

« Nous avions appelé à un forum de réconciliation nationale entre les autorités, l’opposition démocratique et l’opposition armée afin d’organiser des élections libres et transparentes. Tous les partenaires internationaux étaient prêts à financer un recensement transparent, mais le Président Déby a refusé », regrette Mahamat Ahmat, chargé des relations extérieures du CPDC. De nouveau, la coordination a fait d’un dialogue national le préalable à l’organisation des élections présidentielles. Mais, « comme l’ambassadeur de France au Tchad, le seul qui l’ai suivi », indique Mahamat Ahmat, le Président tchadien a justifié son entêtement par la nécessité d’éviter « un vide constitutionnel ». « C’est un risque très grave », avait-t-il estimé le 19 avril dans une interview au quotidien français Le Figaro.

De son côté, l’Union Africaine, qui termine une mission d’enquête sur le soutien présumé de Khartoum aux rebelles tchadiens, semble s’être ralliée à la position des opposants. Une « consultation populaire peut toujours être reprogrammée alors qu’il est un peu hasardeux de faire l’économie du dialogue », a estimé Pierre Péré, le chef de la délégation. Quant à Donald Yamamoto, sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines : « Il n’est pas trop tard pour suspendre l’organisation de ces élections. Nous travaillons avec les acteurs pour qu’ils entament un dialogue constructif », a-t-il déclaré mardi dernier après un entretien avec le Président Déby. En fin de semaine dernière, le général Mahamat Ali Abdallah Nassour, ministre de l’Administration du Territoire, a indiqué que la porte restait ouverte au Fuc : « Nous pouvons parler de leur participation à la construction du pays, d’une amnistie, de l’intégration de leurs forces dans l’armée… » mais ils devront reconnaître le résultat des élections du 3 mai. Une contrepartie inenvisageable en l’état actuel des choses.

« Déby contre Déby »

Le risque, mercredi, c’est aussi celui d’une nouvelle attaque du Fuc (Front uni pour le changement). Toujours dans son interview au Figaro, Idriss Déby Itno avait fait part de son intention de rapidement (« d’ici à deux jours, ces armes arriveront ») se réarmer, accusant le Soudan de faire de même avec ses protégés de la rébellion tchadienne. « Aujourd’hui, à N’Djamena, les expatriés ont tous quitté la ville, beaucoup de Tchadiens sont allés se réfugier au Cameroun et ceux qui ont un domicile secondaire, dans les villages, s’y sont rendus », assure Mahamat Ahmat.

Idriss Déby Itno affrontera mercredi son ministre de l’Agriculture, Albert Pahimi Padacke (UNDR, l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau), le vice-ministre de la Décentralisation, Mahamat Abdoulaye (MPDT, pour la Paix et le Développement du Tchad), Delwa Kassire Coumakoye (Viva – Rassemblement national pour le développement et le progrès), déjà candidat en 1996 et en 2001, et Ibrahim Koulamallah (Mouvement socialiste africain rénové). Deux candidats membres du gouvernement et deux autres issus de partis qui lui sont favorables. Ce qui fait dire à Mahamat Ahmat, et à beaucoup d’autres, qu’« il n’y aura pas d’élection. C’est Déby contre Déby ».

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