Soraya Zekalmi, de l’Algérie à l’Inde


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Une Algérienne qui devient chanteuse indienne: voilà qui n’est pas courant ! On sait que les Arabes furent les premiers à maîtriser les routes de la Soie et des Indes, avant les routes maritimes pratiquées par les Portugais et autres Européens. Voilà une leçon d’histoire musicalement rappelée par Soraya Zekalmi, dont l’album Darshan (autoproduction) vient de paraître, tant les liens entre la musique indienne et la musique arabe sont évidents, enracinés dans l’Histoire, dérivés du même ADN.

Soraya Zekalmi est née en Algérie, vit en Belgique, et a découvert l’Inde et sa musique en 1994, à l’occasion d’une initiation spirituelle. Elle tombe amoureuse de ces mélodies si proches à son oreille et à sa sensibilité, elle qui chantait déjà des chants arabes. Elle entreprend alors un apprentissage poussé, notamment auprès de Dhruba Ghosh, l’un des maîtres du sarangi, ce violon indien traditionnel, qui lui enseigne la musique classique de l’Inde du Nord – la région de l’Inde où l’influence musulmane est la plus importante.

Aujourd’hui l’Algérienne Soraya chante, en ourdou nous supposons, ou dans une toute autre langue du continent indien, des chants qui relèvent de la tradition indienne classique. Pourquoi s’en étonner, à l’heure de la mondialisation, puisqu’aujourd’hui des Japonais et des Chinois jouent et chantent Debussy ou Mozart à la perfection? Nous restons toutefois admiratifs de cet apprentissage, qui n’est pas seulement musical, mais aussi culturel et linguistique.

D’une culture à l’autre

Le premier titre de l’album Darshan s’ouvre par quelques “doum takata – takata doum takata ….” scandés par une voix masculine, typiques de la musique indienne, avant que le chant de Soraya ne s’élève, dans cette langue qu’elle a apprise. Nous avons beaucoup aimé “Ik pyaar”, qui diffuse une infinie sérénité: la sagesse indienne, mise en musique?… Et quand Soraya chante en arabe classique un Mouwashah, poème musical de l’époque classique andalouse (“Moushah”), la pièce vient s’insérer aussi harmonieusement qu’un meuble marquetté de nacre le serait dans un salon indien, ou qu’une pièce de soie dorée le serait sur un caftan marocain: car le rythme du morceau, lent et qui évoque une longue avancée au rythme de la marche dans le désert (celui du Rajasthan est redoutable!), pourrait tout aussi bien être arabe qu’indien…

Et, nous faisant cette réflexion, nous avons eu une intuition, une hypothèse: et si c’était le paysage, ces immenses déserts – d’Arabie, du Sahara ou du Nord de l’Inde – qu’il fallait traverser, en chantant sans doute pour passer le temps comme le font les hommes et les femmes depuis toujours pour accompagner leurs tâches fastidieuses, si c’étaient ces longues traversées qui expliquaient l’extraordinaire longueur des chansons arabes – et des ragas indiens?… Nous laissons la réponse aux chercheurs patentés. Et nous vous invitons à découvrir une artiste qui a su, au début du XXI° siècle, raviver des liens musicaux anciens de plusieurs siècles entre l’Inde et le Monde arabe, comme on le voit dans les miniatures mogholes et persanes du XVIII° siècle, qui montrent des scènes musicales similaires… L’artiste est soutenue par le centre Wallonie-Bruxelles Musiques, qui travaille à faire connaître des artistes belges hors de leurs frontières.

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