Sidy Samb : « Je rends hommage à la musique africaine dans mon nouvel album Sunu »


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?Avec son neuvième album « Sunu », le chanteur sénégalais Sidy Samb, véritable star en Espagne, nous plonge au cœur des sonorités traditionnelles africaines. L’artiste, à la voix rocailleuse et au timbre unique, le dit aisément : il s’est inspiré de la musique des quatre coins du continent pour mieux rendre hommage à la musique africaine. Dans ce nouvel opus, il parle de paix, de spiritualité, ou encore des valeurs de partage. Rencontre avec un artiste simple, hors norme?s.

Arborant toujours un style vestimentaire soigné, Sidy Samb a le sourire facile. Lui, issu d’une fratrie de cinq enfants, qui ont tous réussi dans le domaine artistique, est le fils de la célèbre chanteuse et griotte sénégalaise Daro Mbaye. Natif de la région de Louga, avant de devoir aller vivre dans la bouillonnante capitale sénégalaise, Dakar, il est né, aime-t-il, dans la musique, qui était omniprésente dans son environnement familial. Le père de famille de trois enfants (huit ans, cinq ans et deux ans), a surtout fait ses armes en Espagne, son deuxième pays, où il a réussi à trouver sa place après s’y être allé pour la première fois en 1992, à Séville. Il s’y adapte très vite, forme son groupe de musique et multiplie les collaborations, développant un style de musique unique, mêlant le flamenco et des sonorités africaines. Sidy Samb n’est pas qu’un artiste authentique, il est aussi un redoutable chef d’entreprise, qui a créé son studio d’enregistrement à Dakar, mais également une grande maison de location et de sonorisation et lumières sur scène. Une manière aussi pour lui de participer au développement de son pays en offrant des emplois à quelques uns de ses concitoyens.

AFRIK.COM : P?ourquoi ?avez-vous fait le choix de faire un album entièrement traditionnel ??

?Sidy Samb : Au Sénégal, le mbalaax pur et dur est la principale musique écoutée par les populations. Je pense que tout artiste se doit de proposer autre chose surtout lorsqu’on a la chance de vivre à l’étranger. Voilà pourquoi, pour ce neuvième album, j’ai proposé des sonorités traditionnelles, une façon pour moi aussi de rendre hommage à la musique africaine, qui est riche. Je fais d’habitude, dans ma musique, un mélange de flamenco avec des sonorités africaines que je peux même mêler parfois à la musique irlandaise. Mais cette fois, je voulais quelque chose de différent. J’avais déjà attendu longtemps avant de penser à aller tourner en Afrique avec un album typiquement africain. ?J’avais aussi envie de montrer cette facette africaine à mon public pour qu’il sache que l’Afrique a beaucoup de couleurs et de sonorités ainsi que des mélodies très rythmées.

Donc vous visez plutôt un public international, car les Sénégalais ont plus l’habitude d’écouter du mbalax…

?Malheureusement oui. Mais ?il y ?a un public minoritaire mélomane en Afrique qui consomme aussi mes album?s,?? tout comme cela se fait en Europe et aux Etats-Unis?. ?La preuve est qu’on a commencé une tournée en Espagne?. Cela fait maintenant? 20 ans? que je mène une? carrière en Espagne?.?

Vous chantez dans plusieurs langues africaines : lingala, peulh, wolof, bambara… Pourquoi ce choix dans cet album? ?
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L’?idée de l’album ?est de ?prendre ?des ?sonorités de chaque coin? et? essayer de se baser sur les rythmes de chaque partie du continent puis de ?faire un mélange de tout cela?.? Encore une fois, c’est une façon de rendre hommage à toutes ces musiques issues des quatre coin du continent.

?Vous donnez aussi une grande place à la religion dans cet album, où vous chantez Serigne Touba, guide spirituel des mourides. Quelle place occupe la religion dans votre vie ??

?La religion a une part très importante dans ma vie. On est des musulmans, des mourides. Et c’est un plaisir de rendre hommage à notre chef spirituel Ahmadou Bamba. Le titre Allah par exemple parle de quelqu’un qui est franc?, sincère avec sa foi et? toujours connecté à Dieu?. ?

?Q?u’est-ce qui vous inspire au quotidien ?

?Tout ce qu’il y a autour de moi m’inspire notamment? l’Afrique en gén?é?ral?. Chaque moment?, ?chaque bruit?,? chaque chose, ?tout peut être source d’inspiration. ?J’aime composer et réfléchir à ma musique dans la tranquillité, le calme, sans pour autant courir de gau?c?he à droite?.?

?Racontez-nous vos débuts dans la musique ???

?M?oi je suis griot de mère et ?de ?père?. M?a mère ?est ?une chanteuse ?très connue au Sénégal, ?Daro Mbaye?. C’est elle qui m’a en partie transmis le goût de chanter. Dans ma famille, tout le monde chante, la musique est donc omniprésente. Chez moi, au réveil, on entend les tam-tam et les griots chanter à haute voix. Je pense donc que ma voie était toute tracée. En musique, on apprend toujours des choses. Je ne me considère pas comme un musicien sénégalais, mais comme un Sénégalais qui fait de la musique.

Pouvez-vous revenir sur votre enfance, qu’on imagine très rythmée par la musique ?

On est cinq dans ma famille, je suis le seul chanteur. Mais tous mes frères et sœurs sont dans le domaine artistique ou de la danse. Quand on était tout petit, on a même monté un groupe de musique à Louga, d’où l’on est originaire. C’était une grande famille de griot à cette époque et la musique c’était tous les jours. Quand tu te lèves, tu entends tes tantes chanter en cuisinant… Maintenant, avec la modernisation, ces grandes familles de griots, qui accueillaient tout le monde, sont quasiment devenues nucléaires. Mais on en retrouve encore dans les régions parfois. Voilà dans quelle ambiance j’ai grandi. Puis ma mère a été affectée au théâtre national Daniel Sorano, où elle se représentait régulièrement. On ?ét?ait donc obligé de tous démén?a??ger? à Dakar. J’avais ?cinq? ans? à l’époque?, j’ai donc grandi pratiquement à Dakar. N’empêche, je me rendais régulièrement à Louga?.?

?Racontez-nous votre aventure en l’Espagne, où vous vous êtes aussi réalisé. Comment tout a commencé ??

?Je suis allée en Espagne en 1992, à Séville, puis j’y suis resté. J’y ai pris des cours de chant, de danse, de percussion. Et l’on m’a proposé de monter un groupe de musique qui mêle des sonorités flamenco et africaines. J’adorais le flamenco, c’est une musique qui m’a tout de suite parlé. Mais à l’époque, c’était très mal vu de mélanger le flamenco à la musique africaine et beaucoup ne comprenaient pas notre démarche. Mais lorsqu’on a sorti notre premier opus, ça a cartonné ! Le succès était au rendez-vous, on a enchaîné avec d’autres albums et commencé à nous faire un nom petit à petit et à avoir une véritable place sur la scène musicale en Espagne.? L’Espagne est vraiment une zone que je maîtrise très bien. Je parle même couramment espagnol, je fais aussi beaucoup de duos avec des artistes espagnols, qui sont nombreux à me proposer des collaborations car ils veulent mêler la musique africaine au flamenco.

?Quels sont les ?artistes ?qui vous ont ?inspiré ?

?J?’écoute tout?,? j’aime la bonne musique?.? ?E?n Afrique, pas mal d’artistes de renom tels que ?Salif ?K?eita?,? ?Y?oussou ?N?dour?,? ?B?aba ?M?aal, ?I?smael L?ô? et bien d’autres? m’ont inspiré.?

?Quel est votre regard sur la musique sénégalaise actuelle ??

?Elle me semble un peu morte. Le mbalax domine toujours dans le pays, mais peine à s’exporter hors des frontières du Sénégal. Lorsqu’on fait du mbalax, on est très limité car la musique reste juste locale. Lorsqu’on est un artiste, on doit pouvoir s’internationaliser. ?Hormis cela, l’autre problème que la musique rencontre au Sénégal, c’est la piraterie. Tu sors un album maintenant et en moins d’une heure, tu le retrouves dans la rue en train d’être vendu. Il faut que les radios, télévisions, proposent aussi d’autres types de musique à la population, car à force de passer que le mbalax, certains s’imaginent qu’il n’y a pas d’autres types de musique que l’on peut écouter au Sénégal, ce qui est faux.

?Vos étiez très proche de ?Doudou Ndiaye Rose?, récemment décédé. Quels souvenirs gardez-vous de lui ??

?C’est mon grand-père parce le père de ma mère et lui étaient frères. Je jouais même souvent avec lui sur les percussions. Il était aussi un véritable ami pour moi, il venait me voir dans mon studio à Dakar. Il venait voir toutes ces œuvres dans mon studio. C’est vraiment un grand homme, très ouvert et très posé. J’étais d’ailleurs avec lui la veille de sa mort. Nous étions ensemble à l’enterrement de Sing Sing, un autre grand artiste et griot, et le lendemain on m’a annoncé son décès. ?Il était vraiment incroyable, plein d’énergie, infatigable. Tous les matins, il prenait sa corde à sauter et s’entraînait comme un véritable sportif, sans oublier son fameux laax (bouillie de mil), qu’il mangeait toutes les nuits. Vraiment le Sénégal a perdu un grand monsieur, qui est irremplaçable.

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