Shootback : les douleurs du Kenya photographiées par les enfants des bidonvilles


Lecture 5 min.
Julius_pregwomanshacks72.jpg

L’exposition « Shootback » fait escale à la galerie parisienne d’Agnès b. jusqu’au 30 mai. Initié en 1997, le projet conçu par la photographe américaine Lana Wong, au Kenya, a permis à des dizaines d’enfants des bidonvilles de la capitale de s’exprimer à travers la photographie et de réussir.

Colle.jpgExit les décors cartes postales des safaris. Place à la réalité des bidonvilles. L’air absent, un garçon sniffe d’une main un pot de colle. Pourquoi? « Pour ne pas se sentir trop honteux quand il mendie de l’argent car quand il est sobre, il a honte ». Shootback veut présenter des clichés « poignants, drôles, étonnants ». L’aventure a commencé en 1997. La photographe américaine Lana Wong vivait à Nairobi depuis cinq ans lorsqu’elle a eu l’idée du projet Shootback. Elle se lance dans l’aventure avec Francis Kimanzi, figure clef de l’équipe de football local, le Mathare Youth Sports Association (MYSA), d’où sont issus la plupart des participants. Equipés de simples appareils photo en plastique, une trentaine de filles et garçons du bidonville de Mathare âgés de 12 à 17 ans ont photographié leur vie quotidienne pendant deux ans. Aucune restriction n’est donnée aux enfants : le but est de raconter leurs histoires en s’exprimant librement à travers la photographie. Alors des sourires font parfois leur apparition. Mais « ici, les images exposées sont plutôt négatives car c’est ce que les jeunes veulent montrer pour témoigner » des difficultés qu’ils traversent, explique Mohamed Dahir, 24 ans, ancien participant de Shootback.

Shootback au cœur des violences post-électorales kenyanes

james_platoonsLR.jpgL’exposition donne une grande place aux violences politico-ethniques qui ont secoué le Kenya après l’élection présidentielle du 27 décembre 2007. Les bidonvilles de Nairobi n’ont pas été épargnés. Le bilan est lourd : près de 1 500 morts et 300 000 déplacés. Certains clichés relatent cette effusion de sang. « C’était ma manière de manifester ma colère », confie Julius Mwelu, 22 ans, présent jeudi à l’occasion de l’inauguration parisienne. Les violences sont aujourd’hui terminées. Mais jusqu’à quand? Le jeune photographe assure que « Mathare reste une bombe à retardement. Tout peut péter ».Julius_pregwomanshacks72.jpg

Une nouvelle génération est née

Julius est l’un des premiers participants au projet Shootback. Il avait 13 ans et comme ses copains du bidonville le plus grand et le plus peuplé de Nairobi, il n’avait jamais touché à un appareil photo. « Shootback a changé ma vie », confie Julius. Comme lui, Mohamed assure que sans Shootback, il n’en serait pas là aujourd’hui. Plus jeune, sa famille fuit la guerre civile somalienne et vient s’installer à Mathare. Il n’avait jamais entendu parler d’un quelconque projet, il aimait bien trop le football qu’il pratiquait sans relâche jusqu’à ses 13 ans. Une chance pour lui comme il le dit : « Si je ne m’étais pas cassé une jambe lors d’un match, je n’aurais probablement jamais intégrer Shootback », estime t-il.

La réussite leur sourit : une belle revanche sur la vie

girlcleaningloresok.jpgRien ne prédestinait ces enfants du bidonville de Mathare à un avenir aussi prometteur. « La plupart ont réussi », affirme Lana Wong évoquant le parcours de Mohamed et Julius. Aujourd’hui, ils sont tous deux photojournalistes. Julius travaille pour les Nations Unies a fondé « Mwelu », une fondation chargée d’enseigner la photographie aux jeunes des bidonvilles. « Il y a beaucoup de jeunes à qui aucune chance n’a été donnée. Mon but est de les révéler », dit t-il. Julius a décidé de rester à Mathare. Ce n’est pas le cas de Mohamed qui vit aujourd’hui à Londres. Il est le premier de sa famille à étudier à l’université et travaille comme paparazzi. Mohamed est aussi le directeur artistique du magazine de mode africain Sheeko. De nombreux autres de leurs camarades ont aussi réussi à décrocher des places dans de grands journaux comme Daily Nation, le plus répandu au Kenya. Bien sûr d’autres enfants sont venus les remplacer. Mais Shootback s’élargit aujourd’hui à la formation vidéo et une séance de projection est prévue pour ce jeudi 22 mai.girlontrashlores.jpg

Après Londres, Berlin et New York ou encore Bamako, Paris était un « passage obligé » pour Shootback. « Puis ce sera au tour du Japon, de Hong-Kong et peut-être même, croisons les doigts, de la Chine ! », déclare Lana Wong tout sourire. Mais au-delà des exhibitions internationales, les photos sont aussi exposées à Mathare, point de départ du projet. Le détour chez Agnès b. vaut la peine d’être fait.

Shootback : photos d’enfants des bidonvilles de Nairobi

Exposition chez Agnès b. du 15 au 30 mai, 17 rue Dieu (Paris 10eme), métro République. Entrée libre, du lundi au vendredi de 10h à 19h.

Pour plus d’informations :

Le site de la fondation Mwelu

Suivez Afrik.com sur Google News Newsletter