Paris, La Haye, Malabo : les enjeux diplomatiques d’un hôtel de luxe


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Teodorin obiang
Teodorin Obiang

Nouvelle passe d’armes à La Haye entre Paris et Malabo : la Guinée équatoriale exige la restitution de l’hôtel particulier de son vice-président, saisi par la justice française dans le cadre de l’affaire des biens mal acquis. Une bataille juridico-diplomatique qui cristallise les tensions entre la France et les dirigeants africains accusés de pillage des ressources publiques.

Ce mardi 15 juillet, un feuilleton politico-judiciaire à forte charge symbolique s’est invité devant la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye. En cause, un hôtel particulier situé avenue Foch à Paris, confisqué par la justice française après la condamnation pour corruption de Teodoro Nguema Obiang Mangue, vice-président de Guinée équatoriale et fils du chef de l’État.

Face à la France, la Guinée équatoriale réclame la restitution de la propriété, qu’elle tente à nouveau de faire reconnaître comme une mission diplomatique. Une affaire dans laquelle prestige, immunité et justice internationale s’entrechoquent.

Une saisie retentissante au nom de la lutte contre les biens mal acquis

L’affaire remonte à plusieurs années, lorsque les autorités françaises s’appuient sur une loi de 2010 visant les fortunes illégalement acquises par des dirigeants étrangers pour s’attaquer au patrimoine fastueux de « Teodorin ». L’hôtel particulier saisi, estimé à plus de 100 millions d’euros, comprend un cinéma privé, un hammam, des sanitaires en or et du marbre à profusion. En 2021, la justice française condamne le vice-président équato-guinéen à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende pour blanchiment, détournement de fonds publics et abus de biens sociaux.

42 avenue Foch
42 avenue Foch

Déjà en 2016, la Guinée équatoriale avait tenté de faire valoir que le bâtiment abritait son ambassade en France, dans l’espoir de bénéficier de l’immunité diplomatique offerte par la Convention de Vienne. Mais la CIJ avait alors rejeté cet argument, jugeant que la désignation du lieu comme mission diplomatique n’avait été faite qu’a posteriori, et rappelant que le pays disposait déjà d’une ambassade officiellement reconnue à Paris.

En 2024, le différend refait surface, et Malabo dépose une nouvelle requête auprès de la CIJ, accusant les autorités françaises d’avoir récemment changé les serrures de plusieurs portes du bâtiment. Elle exige désormais un accès « immédiat, complet et sans entrave » au lieu, qu’elle considère comme appartenant à son domaine diplomatique.

Un nouveau round devant la plus haute juridiction de l’ONU

Ce mardi, les deux parties présentent leurs arguments à la CIJ. La Guinée équatoriale ouvre les débats le matin, suivie de la France l’après-midi. Le pays d’Afrique centrale réclame cette fois-ci des « mesures conservatoires« , des ordonnances d’urgence visant à empêcher toute action irréversible dans l’attente d’un jugement définitif.

Ce rebondissement a lieu alors que la CIJ est déjà saisie de plusieurs affaires de portée mondiale, dont la plainte de l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide présumé à Gaza ou l’épineux dossier du changement climatique. Si ses décisions sont juridiquement contraignantes, leur application reste toutefois sujette à la bonne volonté des États concernés, comme l’a montré l’inefficacité de son injonction faite à la Russie de cesser son invasion de l’Ukraine.

Derrière cette confrontation judiciaire, c’est tout un rapport de force qui se dessine. La Guinée équatoriale accuse Paris d’ingérence et de mépris diplomatique, quand la France défend son engagement contre l’enrichissement illicite et la corruption transnationale.

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