Sénégal : La démocratie en question


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Au lendemain d’un grand rassemblement du M23 et alors que les Etats-Unis et la France appellent Abdoulaye Wade à passer la main, Madické Niang, le ministre des Affaires étrangères du Sénégal avait rendez-vous avec la presse.

Alors que la presse internationale et sénégalaise se déchaînent, les autorités sénégalaises minimisent la mobilisation du M23 (lire l’article : 10.000 Sénégalais dans la rue pour dire non à Abdoulaye Wade) et appellent à tourner la page pour « aller à des élections libres, démocratiques, transparentes et crédibles dans un climat apaisé ». Ce mercredi, Madické Niang a convoqué l’ensemble des journalistes au ministère des Affaires étrangères pour donner sa version des faits. « Le gouvernement constate que certains candidats et une partie de l’opposition ont choisi de s’engager dans des actes de violence pouvant remettre en cause la paix civile tout en déstabilisant les institutions de la République, observe le ministre. Face à cette attitude anti-démocratique, le gouvernement invite tous les acteurs au respect de l’Etat de droit. » Avant d’ajouter : « Nous sommes prêts à assurer la liberté d’expression, mais dans les limites de la loi. Il n’est plus question que des gens profitent de manifestations pour installer l’horreur. »

Madické Niang s’est d’abord attelé à défendre le verdict rendu par les cinq « sages ». « Le Conseil constitutionnel est la seule instance juridictionnelle ayant compétence pour examiner les candidatures à l’élection présidentielle », rappelle le ministre. Selon lui, les cinq membres du Conseil, « d’éminents juristes dont la compétence avérée est reconnue internationalement », ont délibéré « en toute indépendance ».

Depuis la validation vendredi soir de la candidature d’Abdoulaye Wade à un troisième mandat, au moins quatre personnes dont un policier ont été tuées en quatre jours. Hier, la dispersion par les forces de l’ordre d’un grand rassemblement a causé la mort d’un étudiant, Mamadou Diop. « La police tue, Wade marche sur des cadavres pour rester », titre ce matin le journal La Tribune. Dans l’après-midi, des heurts ont d’ailleurs éclaté lorsqu’un groupe d’étudiants de l’université Cheikh Anta Diop a voulu sortir du campus pour aller assister à la levée du corps de leur camarade décédé. Les affrontements, jets de pierres contre gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc, se sont poursuivis dans l’après-midi.

« Prenez votre retraite, monsieur Wade »

Depuis plusieurs jours, les critiques se multiplient par rapport à l’obstination d’Abdoulaye Wade, 86 ans. Mardi, le quotidien français Le Monde avait sonné la charge en appelant le chef de l’Etat sénégalais à quitter le pouvoir dans un éditorial au vitriol intitulé « Prenez votre retraite, monsieur Wade ». Vers 23h30 sur la télévision Walfadjri, le fils et porte-parole du khalife de Léona Niassène a demandé à Wade de se retirer pour « préserver la paix du Sénégal ».

Lundi, les Etats-Unis, par la voix de William Burns, numéro 2 du département d’Etat, avaient déjà estimé que « la décision du président Wade de solliciter un troisième mandat pourrait mettre en péril la démocratie, le développement démocratique et la stabilité politique que le Sénégal a bâtis sur le continent au cours des décennies ». Évoquant de « prétendues positions », Madické Niang a indiqué que le Sénégal n’avait « de leçon de démocratie à recevoir de personne » et n’accepterait « pas de diktat » de l’étranger. « Il faut que ces pays apprennent à nous respecter », dit-il. « Le Sénégal est un pays souverain », insiste le ministre pour qui le pays reste une « démocratie majeure » et un « exemple en Afrique ». Mercredi après-midi, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé en personne, en a remis une couche en expliquant que la France souhaitait un « passage de générations » en précisant que « le message a été entendu à Dakar ».

Alors que la campagne électorale démarre officiellement dimanche, la pression internationale s’accentue sur le président sortant. Mais, à l’intérieur du pays, le M23, rassemblement hétéroclite et terriblement divisé d’associations citoyennes déterminées à en découdre et de partis politiques plus soucieux de défendre leurs propres intérêts, se fissure de partout au fur et à mesure qu’approche le scrutin. Réuni en « comité de crise », le mouvement du 23 juin doit décider de la suite à donner à la contestation.

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