
En l’espace de deux jours, deux footballeurs professionnels évoluant dans le championnat local ont perdu la vie dans des conditions tragiques. Fadiouf Ndiaye, défenseur et capitaine de son équipe l’Union Sportive de Ouakam et Anto Camara qui devait se rendre en Allemagne après y avoir passé des tests. De quoi interpeller sur l’assistance médicale lors des rencontres de championnat. Un problème longtemps pointé du doigt par les amateurs et professionnels du sport. Ces décès donnent des sueurs froides.
Les décès s’enchaînent sur les terrains de football du Sénégal. Des décès qui interpellent. Afrik.com a tenté d’en savoir plus sur la question qui commence à inquiéter. Mame, journaliste sportif aux nombreuses années de terrain, d’expérience, revient sur la question. « Oui, il y a deux morts. L’un, c’était au championnat de Ligue 1, lors du match contre Oslo, et l’autre, lors d’un tournoi communautaire ». S’agissant du cas de Fadiouf Ndiaye, « le capitaine de L’US Ouakam, après avoir disputé les 45 premières minutes, a été sorti. Après, il a été transporté à l’hôpital et en cours d’évacuation, il a succombé. L’autre cas, c’était à Ziguinchor, non pas lors d’un match officiel mais un match amical entre copains. Ce dernier, par contre, il est décédé en plein match ».
Négligence des autorités compétentes et des dirigeants de club ?
Peut-on parler d’une négligence de la part des autorités compétentes et des dirigeants de club ? « Oui, dans ce cas de figure, je peux dire que les responsabilités sont partagées. Surtout que moi, je suis témoin du cas du capitaine de l’US Ouakam qui est décédé. Je peux même dire qu’il est décédé devant moi ». Des signes étaient visibles avant la rencontre ? Mame précise : « Lui, bien avant le match, il se tordait de douleur. Arrivé au regroupement, dans le vestiaire, il était calme, ce qui était inhabituel d’après ses coéquipiers. D’habitude c’est lui qui animait le vestiaire, mais ce jour, il était calme ».
Et de poursuivre : « En plus, quand il a senti la douleur, il a continué de jouer. À la mi-temps, il ne pouvant plus supporter la douleur, il s’est jeté à terre… L’un de ses coéquipiers est venu le voir pour lui demander ce qui se passait, pour voir ce qui n’allait pas. Il lui a répondu que c’est juste un courant d’air. Et qu’après s’être passé de la pommade, ça ira. Le gars lui a répondu, il faut mettre la pommade et vite se remettre dans la partie « parce que ce matche-là, on ne doit pas le perdre ».
« Il y a eu un manque d’assistance »
« Ensuite, comme ça, ils sont partis au vestiaire. Le gars qui s’adressait à lui, d’ailleurs c’est son remplaçant. C’est aussi le vice-capitaine de l’équipe. On a recommandé au capitaine de céder sa place pendant que les autres joueurs regagnaient la pelouse pour la deuxième mi-temps… On l’a laissé dans le vestiaire d’où il est sorti pour remettre le brassard à son remplaçant avant d’y retourner. C’est à ce moment que les choses se sont passées », laisse-t-elle entendre.
« Après, il y a eu un manque d’assistance. Parce que j’ai vu moi-même, les délégués de l’évacuation, aller parler aux délégués du match. Pour qu’ils prennent leurs responsabilités et évacuer le joueur. Ce qui a viré à la dispute. Ils l’ont finalement transporté mais le capitaine a rendu l’âme. Mais quand le joueur est décédé, les dirigeants du club ont laissé la rencontre se poursuivre avant d’en informer le vice-capitaine », poursuit-elle.
Un manque d’assistance médicale au sein du football local
« Dès qu’il a appris la nouvelle, le gars est tombé en transe. C’est comme ça que nous avons tous reçu l’information. Mais pour dire vrai, les responsabilités sont partagées. Parce que les dirigeants lors de l’évacuation savaient que leur joueur n’était pas dans les conditions pour jouer ce match. La Ligue aussi doit prendre ses responsabilités et prendre toutes les dispositions pour avoir des ambulances médicalisées lors des matchs… C’est la raison pour laquelle je me permets de dire que les responsabilités sont partagées ».
A la suite de ces drames, des clubs ont réagi. « L’AS Linguère l’a annoncé à travers les réseaux sociaux. Les dirigeants de l’AS Linguère ont dit que désormais, ils vont mettre des défibrillateurs à disposition lors des rencontres stade. Pour éviter que de pareils cas se reproduisent… Les joueurs qui sont dans ce championnat, s’ils étaient contrôlés ou s’il n’y avait pas de négligence, auraient pu être sauvés. Il faut avouer qu’entre le malaise et l’évacuation, du temps s’est écoulé. Ils ont pris beaucoup de temps pour l’évacuer », déplore notre interlocutrice.
« Je ne veux pas que mon fils devienne un autre Marc Vivien Foe »
Pour Mme Badji, dont le fils a entamé un parcours dans une école de football pour devenir professionnel, l’inquiétude est de mise. « Mon fils veut devenir footballeur professionnel et je l’encourage dans ce sens. Seulement, je ne suis pas tranquille. Parfois, j’ai envie de lui demander d’arrêter, tellement j’ai peur, vu le nombre de décès sur les terrains de football. J’ai vraiment peur pour mon fils », lance la femme, la quarantaine, visiblement inquiète.
« Nul n’est maitre de son destin, certes. Mais à voir ces jeunes qui s’affalent sur les terrains de football, sans explications et contre toute attente, cela donne des sueurs froides. Et très sincèrement, je ne veux pas que mon fils devienne un autre Marc Vivien Foe. Rien que le fait d’y penser, j’ai les larmes aux yeux. Je pense aux familles éplorées, les espoirs perdus de ces personnes qui croyaient en l’avenir jugé prometteur de leur proche disparu subitement », lance-t-elle la voix cassée, au bord des larmes.