Sebabougou : l’ONU alerte sur des exécutions sommaires au Mali


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Sebabougou

À Sebabougou, au Mali, une opération militaire menée en avril par les FAMA et le groupe Wagner aurait fait plusieurs dizaines de morts parmi des civils, principalement peuls. Des experts de l’ONU dénoncent des exécutions sommaires et des disparitions forcées, pointant de possibles crimes de guerre, alors que le silence des autorités maliennes fait polémique.

Une centaine d’arrestations, des dizaines de corps retrouvés en décomposition, et toujours aucun compte rendu officiel détaillé. Le 12 avril dernier, dans le village malien de Sebabougou, une opération militaire conjointe entre les Forces armées maliennes (FAMA) et des mercenaires du groupe Wagner aurait tourné au carnage. Plusieurs experts des Nations unies dénoncent aujourd’hui des exécutions sommaires et des disparitions forcées, soupçonnant de possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Un marché devenu traquenard sanglant

Ce jour-là, l’agitation habituelle du marché de Sebabougou, dans la région de Kayes, est interrompue brutalement. Des dizaines d’hommes, majoritairement issus de la communauté peule, sont interpellés par les militaires maliens et leurs partenaires russes. Selon les experts onusiens, une partie des personnes arrêtées aurait été transférée au camp militaire de Kwala, dans la région voisine de Koulikoro, où elles auraient été torturées puis exécutées sommairement.

Des témoins affirment que les détenus étaient interrogés sur leurs supposés liens avec des groupes terroristes. Une semaine plus tard, entre les 21 et 22 avril, des proches partis à leur recherche découvrent avec horreur plusieurs dizaines de corps en décomposition aux abords du camp. Beaucoup portaient des signes de torture.

Une indignation internationale, un silence national

Eduardo Gonzalez, expert indépendant sur les droits humains au Mali mandaté par l’ONU, s’est dit « profondément préoccupé » par l’absence totale de transparence de la part des autorités maliennes. Malgré ses sollicitations, il affirme n’avoir reçu « aucune information concrète » sur les personnes tuées ou disparues. Le gouvernement malien, de son côté, a seulement admis avoir mené des opérations du 11 au 15 avril dans la zone, et affirmé avoir « neutralisé » des membres de groupes armés terroristes.

Mais pour les Nations unies, cela ne suffit pas. Le manque d’enquête sérieuse, l’impunité apparente et la répétition de tels abus constituent un signal d’alerte majeur. Les experts pointent également la responsabilité pénale potentielle des commandants militaires maliens et de leurs partenaires étrangers, au premier rang desquels le groupe Wagner ou son successeur, Africa Corps.

Le spectre des crimes internationaux

Pour les spécialistes des Nations unies, ces exécutions extrajudiciaires présumées et disparitions forcées pourraient relever de la justice internationale. Si le Mali se montre incapable ou refuse de mener une enquête indépendante et transparente, la Cour pénale internationale pourrait ouvrir une nouvelle instruction sur ces faits. Les experts rappellent que la responsabilité ne s’arrête pas aux exécutants : les autorités hiérarchiques peuvent être poursuivies si elles ont ordonné, couvert ou laissé faire ces crimes.

Cette affaire intervient dans un contexte sécuritaire toujours tendu, où les opérations antiterroristes servent trop souvent de couverture à des représailles ciblées contre certaines communautés, notamment peules. À Sebabougou, au-delà des chiffres, ce sont des familles entières qui restent sans nouvelles de leurs proches.

Appel à la justice et à la vérité

Les experts onusiens exhortent aujourd’hui le Mali à ouvrir sans délai une enquête crédible, indépendante et transparente. Les familles des victimes ont droit à la vérité. Les auteurs de ces actes, qu’ils soient maliens ou étrangers, doivent répondre de leurs crimes devant la justice. Car à Sebabougou, comme ailleurs, aucune stratégie sécuritaire ne saurait justifier l’effacement brutal de dizaines de vies humaines.

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