Sahara occidental : Obama doit choisir


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La question du Sahara occidental fait débat aux Etats-Unis. La semaine dernière, deux rapports, l’un élaboré par des experts en matière de politique étrangère, et l’autre par des sénateurs, ont exhorté le président américain, Barack Obama, à se positionner sur l’avenir de cette région. Depuis plus de trente ans, ce territoire non autonome, situé au sud du Royaume chérifien, est au centre du conflit entre le Maroc et l’Algérie. Convoité pour ses richesses naturelles, le Sahara occidental représente un intérêt économique majeur pour les pays du Maghreb et les Etats-Unis, lesquels préconisent, en matière de politique étrangère, l’approvisionnement en énergie et la lutte anti-terroriste.

Lors de son discours d’investiture, le président américain avait assuré qu’il voulait en finir avec la stigmatisation des musulmans et la détérioration de l’image des Etats-Unis dans le monde islamique. « Au monde musulman : nous voulons trouver une nouvelle approche fondée sur l’intérêt et le respect mutuels », avait-il lancé en janvier dernier. Aujourd’hui, les sénateurs américains, qui n’ont pas oublié ces belles promesses, l’exhortent à se positionner.

Les Etats-Unis et le Sahara occidental : une longue histoire

Leurs doléances ? le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Quatre membres de cette institution ont appelé, dans une lettre adressée à Barack Obama et son administration, à soutenir le peuple du Sahara occidental, territoire non autonome situé au sud du Maroc, dans l’exercice de son droit à l’autodétermination « à travers un référendum libre, juste et transparent ». Pour donner plus de poids à leurs propos, les sénateurs Russel D. Feingold, James M. Inhofe, Edward M. Kennedy et Patrick J. Leahy ont, par ailleurs, rappelé que la Cour internationale de justice avait déjà reconnu en 1975 le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Ce dossier épineux traine donc sur le bureau ovale depuis un certain temps. Sous l’ère Bush, la secrétaire d’Etat américaine, Condoleeza Rice, lors de sa tournée d’adieu en septembre dernier, avait souligné la nécessité de régler au plus vite le conflit au Sahara occidental. Depuis plus de trente ans, ce territoire est revendiqué par le Maroc et la République arabe sahraouie démocratique (RASD) fondée par le Front Polisario en 1976. Un mouvement indépendantiste soutenu financièrement, militairement et diplomatiquement par l’Algérie.

Le Maghreb, un enjeu pour Obama

Cette région, convoitée par l’Algérie et le Maroc, représente un enjeu pour les Etats-Unis en matière d’approvisionnement en énergie et de lutte contre le terrorisme, les principaux axes de la politique étrangère énoncés par Barack Obama. Le rapport intitulé «Pourquoi le Maghreb compte-t-il», élaboré notamment par le «Potomac Institute for Policy Studies» (PIPS) basé à Washington, et le département gestion des conflits à la School of Advanced International Studies (SAIS) rappelle à l’administration américaine sa position : l’autonomie sous souveraineté marocaine. Pour eux, pas question de laisser le choix du statut politique aux Sahraouis. Trop dangereux. « Si le territoire devenait indépendant, (…) il ferait partie des pays les plus pauvres, puisqu’il n’a aucune terre arable et peu de ressources naturelles », note cette étude. Dans ces conditions, difficile de promouvoir l’indépendance du Sahara occidental. Mais la vraie raison est ailleurs.

Sahara occidental, le nouvel eldorado américain ?

L’autonomie du Sahara occidental, sous souveraineté marocaine, préconisée par ce panel d’experts en politique étrangère, dont l’ancienne secrétaire d’Etat, Madeleine Albright, pourrait bien être une solution « intéressée ». Car elle garantit les intérêts économiques des Etats-Unis dans la région. « Cette intégration régionale en Afrique du Nord va soutenir une série d’intérêts américains qui sont au centre de la poursuite stratégique de la stabilité, la sécurité et des objectifs économiques », explique cette étude rendue publique le mardi 31 mars.

Le Sahara occidental détient de nombreuses richesses naturelles comme le pétrole, la pêche, et le phosphate qui représentait plus de 60 % des exportations en 2007, selon la CIA factbook. Une aubaine pour les Etats-Unis qui ont signé en 2006 un accord de libre échange avec le Maroc censé favoriser et multiplier les exportations et les importations entre les deux pays. En 2008, les exportations marocaines vers les Etats-Unis se sont élevées à 812 millions de dollars, ce qui représente une croissance de 42% par rapport à l’année précédente. En somme, une bonne affaire pour le Royaume chérifien et l’Oncle Sam.

L’impasse algérienne

En préconisant l’autonomie du Sahara occidental, les experts américains ont choisi leur camp. Celui du Royaume chérifien. L’Algérie n’a pas eu gain de cause et son soutien au droit à l’autodétermination n’a pas été approuvé. « Même si [l’Algérie] est un important allié des Etats-Unis en raison de son pétrole et de son gaz, cela ne doit, en aucun cas, permettre de bloquer une issue positive au conflit du Sahara occidental », précise le document. Le soutien algérien au peuple sahraoui serait-il perçu comme un caprice ? En tout cas, pour calmer le jeu, le rapport préconise une solution des plus juteuses : un accord de libre échange avec les Etats-Unis… Difficile en effet pour l’administration américaine de se défaire du soutien de ce pays. L’Algérie représente un allié précieux pour les Etats-Unis en matière de lutte anti-terroriste. Reconnu pour son expérience dans la lutte contre les groupes islamistes armés, il est un atout pour une Amérique qui cherche des alliés arabes dans ce combat.

Aux Etats-Unis comme au Maghreb, la question du Sahara occidental fait débat. Depuis plus de trente ans, le conflit s’englue dans des négociations infructueuses. Barack Obama et son « Yes we can! » semblent représenter un espoir pour son dénouement. En janvier dernier, le chef d’Etat sahraoui, Mohamed Abdelaziz, déclarait : « nous avons l’impression que, durant la présidence Obama, l’indépendance du Sahara occidental sera enfin reconnue et que ce pays fera son entrée au sein des Nations unies ». Il ne reste plus qu’à attendre…

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