Rwanda-RDC : Kigali claque la porte de la CEEAC lors du sommet de Malabo


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Paul Kagame, Président du Rwanda
Le Président du Rwanda, Paul Kagame

La tension entre la RDC et le Rwanda s’est une fois de plus étalée au cours du 26e sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) tenu samedi à Malabo. Cette fois-ci, le pays de Paul Kagame a décidé de quitter l’organisation sous-régionale.

Le Rwanda a annoncé, samedi 7 juin 2025, sa décision de se retirer de la CEEAC, à la suite du 26e sommet de l’organisation tenu à Malabo, en Guinée équatoriale. En toile de fond : un différend aigu avec la RDC et une crise institutionnelle sur la présidence tournante de l’organisation. Un nouvel épisode qui illustre les fractures profondes qui minent les institutions régionales en Afrique centrale.

Un retrait spectaculaire et politique

Le retrait du Rwanda a été annoncé dans un contexte de vives tensions entre Kigali et Kinshasa, exacerbées par la prolongation, pour une année supplémentaire, de la présidence de la CEEAC par le Président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema. Selon Kigali, cette décision bafoue le principe de rotation établi par les textes fondateurs de l’organisation. Le Rwanda devait en effet prendre la présidence tournante cette année, mais cette transition a été « différée à un autre moment », selon le communiqué final du sommet.

La réaction rwandaise ne s’est pas fait attendre. Les autorités de Kigali ont dénoncé dans un communiqué « l’instrumentalisation de la CEEAC par la République démocratique du Congo, avec le soutien de certains États membres », tout en regrettant « l’échec de l’organisation à faire respecter ses propres règles ».

Un différend bilatéral aux conséquences régionales

Ce retrait illustre la montée des tensions entre Kigali et Kinshasa, deux capitales déjà engagées dans un bras de fer géopolitique autour de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC, où les autorités congolaises accusent le Rwanda de soutenir le mouvement rebelle du M23. Kinshasa, de son côté, aurait fait valoir, selon un commissaire cité par l’AFP, qu’il lui serait « impossible de participer aux activités de la communauté si elles étaient présidées par le Rwanda ».

Ce bras de fer diplomatique a donc débouché sur une impasse institutionnelle pour la CEEAC. En évitant une présidence rwandaise, l’organisation a tenté de préserver la participation de la RDC, au prix d’une rupture avec Kigali. Ce choix met en lumière la difficulté de concilier la diplomatie régionale avec les réalités géopolitiques, alors que plusieurs États membres sont engagés dans des rivalités souvent irréconciliables.

Une communauté fragilisée

Créée en 1983, la CEEAC regroupe 11 États membres avec pour mission de promouvoir l’intégration économique, la paix et la sécurité en Afrique centrale. Mais l’organisation reste marquée par une faible cohésion, une gouvernance souvent contestée, et une efficacité limitée. L’épisode de Malabo en est un révélateur : les décisions sont prises dans un contexte d’absence ou de méfiance entre membres clés, et les procédures institutionnelles apparaissent aisément manipulables.

La décision de lancer une zone de libre-échange intra-communautaire à partir du 30 août 2025, adoptée lors de ce même sommet, a été reléguée au second plan par la crise politique. Un lancement qui risque de pâtir de l’absence du Rwanda, acteur économique majeur de la sous-région.

Quelles conséquences ?

Le retrait du Rwanda pourrait ouvrir une période d’instabilité institutionnelle au sein de la CEEAC. Il pose également la question de l’avenir de l’intégration régionale en Afrique centrale, où les conflits interétatiques, les crises internes (comme au Tchad ou en République centrafricaine), et la faible légitimité des instances régionales freinent les dynamiques d’unité.

D’un point de vue diplomatique, le geste de Kigali constitue une mise en garde claire contre toute tentative d’isoler le Rwanda au sein des instances régionales. Il marque aussi une volonté d’affirmer sa souveraineté face à des mécanismes perçus comme biaisés. Reste à savoir si cette rupture est définitive ou si une médiation sera engagée dans les semaines à venir.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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