Risques d’implosion politique


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Bukavu, ville ex-rebelle, province du Sud-Kivu,éprouve de grandes difficultés à s’arrimer au convoi de la transition politique de l’après-guerre. Ville poudrière, elle n’arrête pas de dévoiler journellement des caches d’armes que gèrent un pouvoir local ou des individus, à l’insu de Kinshasa, la capitale. Le général Prosper Nabyolwa, nouveau commandant de la région militaire, dépêché par Kinshasa, se heurte à une épineuse contradiction entre sa logique militaire et les réalités d’un terrain extrêmement sensible.

De notre correspondant Kambale Juakali.

On croyait la transition politique bien partie en RDC, les réalités de terrain démentent les professions de foi des plus optimistes. Quand ce ne sont pas les incompatibilités d’humeurs entre ministres qui gangrènent le bon fonctionnement de l’équipe gouvernementale, ce sont les provinces ex-rebelles qui rappellent au gouvernement central que la réunification physique du pays est très loin de devenir une réalité. Bukavu, la capitale de la province du Nord-Kivu et fief des célèbres rebelles Tutsi-Banyamulenge, ne rate aucune occasion de défier le nouveau pouvoir établi à Kinshasa.

En témoignent les nombreuses caches d’armes que découvre, quasi-journellement, le nouveau commandant de la 10e région militaire, affecté dans la province du Nord-Kivu dans le cadre de la réunification des armées. Il y a quinze jours, le général Prosper Nabyolwa, avait réussi à faire évincer de son poste le gouverneur de la province pour n’avoir pas déclaré de nombreuses d’armes de guerre découvertes dans l’une de ses propriétés. Aujourd’hui, c’est chez un major, sans aucune responsabilité militaire, que de nouvelles caches d’armes sont découvertes. L’affaire du major Joseph Kasongo défraie la chronique à Kinshasa au point d’ébranler la structure gouvernementale.

Embarras du chef d’état-major des forces terrestres

Mardi dernier, le RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie) a convoqué une conférence de presse à son quartier général de Kinshasa; Conférence au cours de laquelle il a ouvertement et véhément menacé d’arrêter toutes ses activités au sein des différentes institutions politiques si le major Joseph Kasongo, « kidnappé » à Bukavu par le Président de la république n’était pas relâché et transféré à Bukavu. Le discours était très ferme et peu diplomatique. Il reproche au Président Joseph Kabila un comportement « qui frise le terrorisme d’Etat digne d’un Etat-voyou ou de dictature sanguinaire». Le major Kasongo avait été amené à Kinshasa par le général Nabyolwa qui estimait que la récidive relevait d’une atteinte à la sécurité de l’Etat. Pendant ce temps, la ville de Bukavu était en ébullition car, en signe de protestation contre l’arrestation et le transfert du major Kasongo, ses compagnons d’armes, avec à leur tête le colonel Jules Mutebusi, commandant en second de la région militaire, avaient pris d’assaut et saccagé la résidence du général Nabyolwa.

Compte tenu de la gravité de la situation, le chef d’état-major des forces terrestres, le général Sylvain Buki a fait le déplacement de Bukavu, jeudi, afin d’étudier la situation sur place et d’établir les différentes responsabilités. Le RCD estime qu’avant de transférer le major à Kinshasa, le général aurait dû en avertir les autorités civiles de la province, ou au moins, la juridiction militaire de la place. Par contre, l’acte du colonel Mutebusi de monter un escadron militaire contre son supérieur hiérarchique, le général Nabyolwa, relève ni plus ni moins d’une mutinerie. Le général Buki doit se trouver d’autant plus embarrassé qu’il est issu de l’ex-rébellion du RCD/Goma. Le major Kasongo a dû être rapatrié à Bukavu par les soins de la Monuc (Mission des Observateurs des Nations Unies au Congo). Il a la particularité d’être, comme le colonel Jules Mutebusi, de souche rwandaise et d’avoir été condamné par la Cour d’Ordre Militaire de Kinshasa dans le dossier de l’assassinat du président Laurent Désiré Kabila en janvier 2001. Ce qui fait dire au sénateur Mende Omalanga que certaines politiciens, au Sud-Kivu et au Nord-Kivu, continuent de recevoir leurs ordres de Kigali en dépit de l’évolution de la situation politique à Kinshasa.

Kinshasa indignée

Dans la capitale congolaise, l’opinion générale se dit indignée de la manière dont sont dirigées les affaires de l’Etat. « Ce sont autant de fausses affaires, juste pour distraire l’opinion », a déclaré Julien Lubunga, journaliste et analyste politique. D’une manière générale, la population de Kinshasa n’a pas apprécié le ton injurieux de la réaction du RCD envers le chef de l’Etat congolais. « Quelle que soit la gravité de la situation, tout homme politique doit observer des égards envers le chef de l’Etat », réagit-on dans d’autres milieux politiques de Kinshasa. Les ressortissants du Sud-Kivu ont organisé une marche de protestation sur les artères de la capitale pour exprimer leur indignation sur la situation causée, disent-ils, par le RCD « incapable de s’organiser pour les échéances électorales qui arrivent en juin 2005. Pour eux, l’épouvantail du Rwanda reste toujours brandi sur le Sud-Kivu, théâtre principal des deux dernières guerres.

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