RDC : rapport choc sur les prisons du Tanganyika


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Prison
Un homme en prison (illustration)

Dans un rapport sans concession présenté devant la plénière, le vendredi 30 mai 2025, la commission sociale de l’Assemblée provinciale du Tanganyika a levé le voile sur la situation alarmante des établissements pénitentiaires de cette province du sud-est de la République démocratique du Congo.

Les conditions de détention dans les pénitenciers de la province du Tanganyika en RDC sont exécrables. C’est la conclusion du rapport de la commission sociale de l’Assemblée provinciale. Manque d’eau, de nourriture, d’hygiène, d’infrastructures et de personnel : un tableau accablant qui soulève de graves interrogations sur le respect des droits fondamentaux des détenus et sur la capacité de l’État à garantir l’ordre et la sécurité dans ses propres murs.

Un système carcéral à l’abandon

Selon les constats de la commission, la majorité des prisons de la province est dans un état de délabrement avancé. Les bâtiments ne répondent plus aux normes minimales d’habitabilité : toitures effondrées, cellules insalubres, absence d’électricité, douches et latrines hors service ou inexistantes. En parallèle, les détenus sont privés de soins médicaux adéquats et souffrent de malnutrition chronique, faute de dotations suffisantes pour leur alimentation.

« Il ne s’agit plus seulement d’un problème logistique, mais d’une véritable crise humanitaire silencieuse à laquelle nous assistons », alerte un député provincial sous couvert d’anonymat. « Nous risquons non seulement des drames humains, mais aussi des évasions à répétition qui mettent en péril la sécurité publique », poursuit-il.

Un terrain propice aux évasions

Les défaillances sécuritaires figurent en effet parmi les préoccupations majeures soulevées par la commission sociale. L’absence de clôtures sécurisées, le sous-effectif criant du personnel pénitentiaire et la vétusté des installations font des prisons du Tanganyika de véritables passoires. Le rapport pointe notamment une série d’évasions récentes, rendues possibles par le manque de surveillance et par des complicités facilitées par les conditions de travail déplorables des agents de l’administration pénitentiaire.

« Certains établissements fonctionnent avec deux ou trois gardiens pour des centaines de détenus », déplore la commission. « Dans ces conditions, la moindre tension peut dégénérer et les prisonniers dangereux peuvent s’échapper sans grande difficulté », insiste-t-elle.

Recommandations urgentes

Face à ce constat accablant, la commission a formulé une série de recommandations urgentes au gouvernement provincial et, par extension, aux autorités nationales. Elle appelle notamment à :

  • la réhabilitation complète ou la relocalisation des prisons jugées irrécupérables ;
  • l’installation de systèmes d’approvisionnement en eau potable accessibles à tous les détenus ;
  • l’affectation en urgence de personnel supplémentaire, formé aux normes internationales des droits humains ;
  • la construction de latrines, de douches et de clôtures adaptées pour améliorer l’hygiène et la sécurité ;
  • la dotation de fonds de fonctionnement pour garantir une alimentation décente, l’accès aux soins médicaux et la fourniture régulière de médicaments ;
  • le transfert des détenus considérés comme dangereux vers des établissements de haute sécurité.

Une responsabilité partagée

Si la commission pointe du doigt les carences du gouvernement provincial, elle appelle aussi à une prise de responsabilité de la part du ministère national de la Justice et des Droits humains. « Ce qui se passe dans les prisons du Tanganyika n’est pas un cas isolé. C’est un miroir de la crise structurelle que traverse l’ensemble du système pénitentiaire congolais », rappelle un militant d’une ONG locale.

À Kalemie comme ailleurs, les appels à réformer en profondeur la politique carcérale se multiplient. Mais sur le terrain, les actes tardent à suivre les discours. Faute de volonté politique et de moyens budgétaires, les détenus continuent de croupir dans des conditions qui s’apparentent souvent à des traitements inhumains ou dégradants.

En attendant, la commission sociale de l’Assemblée provinciale espère que son rapport agira comme un électrochoc. Reste à savoir si les autorités répondront à l’appel ou si les prisons du Tanganyika resteront les angles morts d’une justice rendue aveugle par l’oubli.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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