RDC : Félix Tshisekedi, un allié dangereux ou un stratège politique ?


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Félix Tshisekedi et Joseph Kabila
Félix Tshisekedi et Joseph Kabila

Le Président congolais, Félix Tshisekedi, a réussi à se défaire de ses principaux alliés : d’abord Vital Kamerhe et ensuite Joseph Kabila. Un coup de maître ou une haute traîtrise ?

En 2011, Renaud Dély et Henri Vernet ont publié un livre intitulé Tous les coups sont permis. Dans cet ouvrage qui scrute la politique française, de Mitterrand à Sarkozy, les auteurs démontrent que « la politique est un sport de combat, une guerre sans pitié. Ce n’est pas l’amour du prochain mais la haine de l’autre, du rival, du “frère” qui guide l’homme politique. Pour avancer et triompher, il doit combattre, détester et au final, “tuer” le rival qui lui est le plus proche ».

Cette analyse faite par les deux auteurs rappellerait sans doute au lecteur les idées défendues dans Le Prince, des siècles plus tôt par Machiavel pour qui, le chef a le devoir de tout faire pour conserver le pouvoir, y compris aller contre la morale. Pour Machiavel, la fin justifie les moyens en politique.
La stratégie déployée depuis quelques semaines par le Président congolais, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, semble prouver à suffisance qu’il est un fervent adepte de la conception machiavélique du pouvoir et de la politique. Le chef de l’État congolais a démontré une remarquable aisance à se débarrasser de ses alliés, rivaux potentiels.

Vital Kamerhe, la première victime

Dans sa volonté de conserver le pouvoir d’État, même après 2023, Félix Tshisekedi devait se débarrasser de son principal allié, Vital Kamerhe. Et l’affaire des travaux des 100 jours a été la raison toute trouvée pour plonger et mettre au bagne celui qui était censé être le candidat du Cap pour le changement (CACH) à la Présidentielle de 2023. En effet, conformément à l’accord de Nairobi conclu en novembre 2018 entre les deux hommes, Vital Kamerhe s’est désisté en faveur de Félix Tshisekedi, sachant que si ce dernier est élu président de la République, il serait nommé Premier ministre, et deviendrait cinq ans plus tard, c’est-à-dire en 2023, le candidat de leur coalition, le CACH. Mais il a oublié que le pouvoir corrompt, que le pouvoir aguiche ; et quand l’espace de quelques minutes pour ne pas dire quelques secondes, on peut voir une chose et son contraire en politique.

Il n’est pas inutile de rappeler ici que Vital Kamerhe lui-même, est un habitué des palinodies, ce qui lui a d’ailleurs valu le surnom très évocateur de “Kamerheon”, en rapport avec le caméléon, animal reconnu pour sa faculté à changer de couleurs. Signataire, au même titre que Félix Tshisekedi, de l’accord de Genève qui désignait Martin Fayulu comme le candidat unique de l’opposition au scrutin de décembre 2018, il a fallu seulement 24 heures pour que Vital Kamerhe se rétracte, à la suite de son futur allié, le 12 novembre 2018. C’est alors que les deux hommes se sont réunis quelques jours plus tard pour signer l’accord de Nairobi, le 23 novembre 2018.

Dirons-nous que Vital Kamerhe a été pris à son propre piège ? En tout cas, promu directeur de Cabinet de son allié devenu Président, et non pas Premier ministre comme prévu, il aura passé à peine un an à ce poste avant d’être embastillé, depuis avril 2020. Le problème, c’est que, le temps donne raison aux militants de l’UNC, le parti de Vital Kamerhe, qui, depuis le début, criaient au complot politique ourdi contre leur leader. Vital Kamerhe est maintenu derrière les barreaux pour un dossier apparemment vide, alors d’autres personnalités impliquées dans ce dossier ont recouvré leur liberté, après avoir bénéficié de la grâce présidentielle. Même affaibli par la maladie, le principal allié du chef de l’État ne bénéficie pas d’une évacuation sanitaire. L’épisode qui est venu siffler la fin du feuilleton est la nomination, cette semaine de Guylain Nyembo en lieu et place de Vital Kamerhe à la direction de cabinet du Président Tshisekedi. Un rival en moins ne fait pas de mal au locataire du Palais de la Nation. Vital Kamerhe étant mis hors d’état de nuire, il fallait régler le cas du Front commun pour le Congo (FCC).

Joseph Kabila, deuxième victime

Le deuxième allié de taille de Félix Tshisekedi, avec lequel il partageait la gestion du pouvoir d’État était le FCC de l’ancien Président, Joseph Kabila. S’il est vrai que la collaboration FCC-CACH n’a pas été un long fleuve tranquille depuis le début, le chef de l’État congolais a réussi méthodiquement à briser cette coalition. Le dernier acte qui libère totalement le Président Tshisekedi de tout engagement envers le FCC est la destitution par l’Assemblée nationale du Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, qui, après un moment de résistance, a fini par déposer sa démission ce vendredi 29 janvier 2021.

Désormais, Félix Tshisekedi, libéré de ses anciens alliés, s’est constitué une nouvelle majorité confortable au Parlement. Il a réussi à s’affranchir de la tutelle, il est vrai un peu encombrante, de Joseph Kabila. Plus de promesse de passer la main à Vital Kamerhe en 2023. D’où le retour de notre question liminaire : Félix Tshisekedi est-il un allié dangereux ou tout simplement un stratège politique ?
A chacun d’apprécier.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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