RDC : 60 ans après l’Indépendance, le plan BILSEN impacte-t-il ?


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Professeur Jef VAN BILSEN
Professeur Jef VAN BILSEN

Le plan « BILSEN » est celui qui consistait à retarder l’indépendance du Congo de 30 ans. Son géniteur répond au nom de Jef Van BILSEN. La question de l’indépendance congolaise n’était pas toujours la bienvenue dans les oreilles des colonisateurs, loin de là.

L’indépendance ? S’interrogeait dans un soupir le missionnaire du Sacré-Cœur et futur archevêque Petrus WIJNANTS en 1959 à l’intention de ses fidèles. Dans soixante-quinze ans peut-être, ou en tout cas, pas avant cinquante ans !

Par cette interrogation, s’agissait-il de l’impréparation de l’homme congolais à gérer la chose publique ? Ou c’était une façon de signaler aux Congolais qu’ils devaient désespérer avoir l’indépendance tant voulue ? On peut vivement regretter, note Jef Van BILSEN, que la Belgique n’ait pas eu la lucidité de prévoir à temps que le Congo allait, à son tour, être entrainé dans le mouvement de libération et de décolonisation des pays de couleur et que rien n’ait été entrepris pour préparer les cadres africains, ni pour reconvertir l’économie du Congo en vue de cette évolution nécessaire (Donatien DIBWE DIA MWEMBU, Le Congo colonial et postcolonial dans la mémoire populaire, dans la revue nouvelle, n° 1-2/ janvier-février. 2005).

De nos jours, il est nauséabonde de constater que les dirigeants Congolais ont du mal à mieux gérer la Res publica, ce qui pousse certains auteurs à accorder du crédit au plan BILSEN car jusqu’à présent, malgré ce qu’elle regorge comme ressources, la République démocratique du Congo est toujours classée parmi les pays sous-développés, autres fois dit de tiers monde.

Cela se dévoile par le non-respect de la loi (la constitution), le déficit budgétaire, le manque de croissance économique, le taux de chômage ascendant, la malnutrition, les élections sanglantes même si on pouvait dire qu’il n’y a pas de parfaite élection au monde, etc. et pourtant, dans une certaine mesure, elle a bénéficiée d’un héritage colonial plus ou moins considérable ; Citons cependant 20.000 établissements scolaires de tous niveaux, 3 universités (2 en activité, 1 en formation), près de 300 hôpitaux et de 2.000 autres formations médicales, 165.000 km de voies de communication terrestres et 3 aéroports internationaux, ainsi que trois grandes centrales hydroélectriques satisfaisant aux besoins des grands centres urbains et de l’industrie lourde.

Partant de ce qui précède, il sied de signaler qu’il avait fallu à la Belgique des siècles pour se constituer à elle-même une infrastructure comparable, qui fut tissée là-bas, par les coloniaux, endéans la durée d’une vie d’homme.

Les défis énormes à relever semblent ne pas être pris en compte d’où, la remise en question de l’indépendance dite précipitée refait surface. Jef Van BILSEN avait-il raison en proposant ce plan ? Ce plan était-il le bienvenu dans le chef des congolais ? La non-adoption de ce plan impacte-t-il sur le quotidien congolais ? Toutes ces questions nous tiennent à cœur et seront analysées dans les lignes qui suivent.

En effet, Jef Van BILSEN n’avait pas aussi tort qu’on le croirait, surtout que son plan n’était pas aussi mal qu’on le pensait du fait qu’il visait l’émancipation de l’homme Congolais ; mais la vraie question que l’on doit se poser est celle de savoir pourquoi ils n’ont jamais eu cette idée avant que l’indépendance soit réclamée par les Congolais ? Si à cette époque les Congolais n’avaient pas agis ainsi, est-ce que les colons auraient pu évolués dans cette optique ? Car avant cela, l’on se souviendra que le sujet Congolais souffrait de considération, il lui a été interdit de foutre ses pieds dans certains coins du pays, il a été à plusieurs reprises victime des actes inhumains tels que des massacres de masse, tortures et châtiments corporels, asservissement, villages rasés, rien ne fut épargné aux indigènes qui cherchaient à se soustraire au travail forcé, ne récoltaient pas assez de caoutchouc ou ne rapportaient pas suffisamment de pointes d’ivoire. La punition la plus répandue était la section de la main (Sarah DIFFALAH, Les mains coupées du Congo, une horreur de la colonisation. L’obs, 2018.). Si les villages ne rendaient pas la quantité de caoutchouc dont on avait besoin, on prenait les hommes mâles adultes et on leur coupait la main. La deuxième fois, on leur coupait l’autre main. Si la famille continuait à ne pas donner le caoutchouc, on tuait ; cette barbarie est un pan terrifiant de l’histoire souvent occulté. Probablement 10 millions de morts, un sacrifice humain inouï de cruauté, une véritable mécanique de mort mise en place pour permettre à un modeste royaume européen de satisfaire ses appétits économiques, tout cela sous la pression d’un monarque prêt à tout pour avoir sa part du gâteau africain.

Si et seulement si la Belgique par le biais des colonisateurs avait vraiment pour finalité lors de la colonisation l’émergence du peuple Congolais, les atrocités ayant fait couler des larmes à cette époque n’allaient pas avoir lieu, alors, il est question d’interroger vraie l’intention des colonisateurs.

Et puis, les Congolais, ayant déjà été au courant de la décolonisation, n’ont pas pu s’en passer; d’où il est de claire évidence que ce genre de projet ne déplaise à ceux qui aspirent devenir libres puisque sous la colonisation, les hommes du Congo se sentaient comme des cafards livrés dans un poulailler, donc, ce moment était le plus propice de se sauver de cet enfer au risque d’y rester pour toujours et par après, ne plus avoir d’opportunités d’y placer une croix.

En outre, l’incapacité des autorités congolaises à sortir cette grande nation du gouffre relève dans une certaine mesure de l’impréparation de l’homme Congolais à la gestion de la République comme le reconnaitrai Jef Van BILSEN, car à cette époque, il y avait même pas un bon nombre de dignes fils du Congo intellectuels, détenteurs d’un diplôme considérable ou encore d’un titre louable et surtout qu’ils n’ont jamais eu la chance de travailler dans l’administration du pays, du coup, tout ce qui est de gérance apparait parfois flou dans la tête des dirigeants congolais.

De nos jours, gérer la chose publique demeure un calvaire, voilà pourquoi plusieurs auteurs soutiennent que cela est dû à la non-adoption du plan BILSEN qui au stade actuel, ne cesse d’impacter sur l’ensemble du quotidien congolais puisque n’ayant pas pris part à des postes
clefs liés à la gestion de la patrie, on ne sait par où commencer, par où évoluer, ensuite par où terminer, ce qui veut dire que tout ce qui résulte de la gouvernance du pays n’est pas fruit du professionnalisme dans une certaine mesure et le résultat ne peut qu’être ce que l’on voit
présentement.

En bref, il est nécessaire de signaler que la situation congolaise actuelle évolue au rythme d’un adage qui dit : « quand le vin est tiré, on le boit » ou d’un autre qui stipule : « de l’eau renversée, demeure irréversible » ; cela signifie simplement que l’heure n’est plus aux pleures, mais plutôt à la relève car même si on a connu un mauvais décollage, rien ne justifie que l’atterrissage sera catastrophique. L’envol vers le vrai développement de la République Démocratique du Congo repose entre les mains de sa population, entre autre ceux qui possèdent la prise des décisions. Le sens élevé du patriotisme, la compétence et la volonté politique sont parmi les piliers de la révolution gouvernementale (la bonne gouvernance).

Le Congo, étant un pays au centre des intérêts du continent africain ainsi que du monde entier, et comme l’a dit Frantz FANON, « l’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Zaïre (actuelle République Démocratique du Congo) » ; il doit mettre en place des stratégies susceptibles de déclencher son propre progrès et celui de l’Afrique y compris celui de l’univers pris dans sa globalité car il a en son sein les atouts et potentialités hors du commun tels que les cours d’eau en abondance, la forêt équatoriale considérée comme le second poumon mondial à l’instar de la foret amazone, la diversité climatique, le soleil permanent et tant d’autres.

Glodie ZangaPar Glodie ZANGA
Chercheur et politologue en formation à l’université catholique du Congo (UCC).

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