Ramadan au Sénégal : quand le poisson se fait rare et cher


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Etatl de poisson
Un étal de poisson au marché central de Thiès (Sénégal)

En ce début du mois de ramadan, alors qu’ils doivent faire face à trente jours de rude pénitence, privés de nourriture durant toute la journée, comme tous les musulmans du monde entier, les Sénégalais ont du mal à trouver du poisson pour agrémenter la marmite et espérer une rupture du jeûne devant un délicieux mets. Le prix du poisson a connu une montée en flèche, sans compter que la denrée est devenue rare. C’est le cas au marché central de Thiès où les consommateurs sont dans le désarroi. Reportage.

Samedi 17 avril 2021, il est exactement 10 heures GMT lorsque l’équipe d’AFRIK.COM débarque au marché central de Thiès, ville située à 70 km de Dakar. Du fait d’un trafic dense, partagé entre les moto et les taxis, difficile de traverser la route qui sépare le quartier 10ème RIAOM du marché qui, à cette heure déjà, battait son plein. Fruits et légumes, viande, poisson, aliment de bétails, des denrées de toutes sortes sont commercialisées dans ce marché, le plus fréquente de la région.

Entres le quartier 10ème RIAOM et Diakhao, au beau milieu des voies ferrés, pourtant empruntées par les quelques trains en partance ou en provenance de Dakar, se trouve le marché au poisson. Dès les premières heures du matin, souvent à l’aube, les camionnettes frigorifiques remplies de poissons quittent, qui la Petite Côte, notamment Mbour, Joal ; qui d’autres Saint-Louis, plus au Nord du Sénégal, pour venir approvisionner le marché central de Thiès en poisson.

A notre arrivée, le marché était déjà noir de monde. Outre les vendeurs de poisson, d’autres détaillants de condiments et autres légumes se bousculent avec les clients au niveau des petites allées de ce temple du commerce. Un véritable vacarme y règne, entretenu par des microphones dont font usage certains marchands ambulants pour faire la promotion de leurs produits.

« Saupoudrer et balayer ! Oui, en un seul geste, on se débarrasse de tous ses cafards ! », lance un ambulant à travers son microphone. Tout autour, ce sont des opérations de marchandage, car les prix ne sont pas fixes, encore moins fixés. Le poisson dont raffolent les Sénégalais, en ce mois de ramadan, car devant leur permettre de déguster du délicieux riz-au-poison, plat national de ce pays d’Afrique de l’Ouest, après la rupture du jeûne, n’est pas à la portée de toutes les bourses.

Des sardinelles, il y en a à la pelle, pour un prix raisonnable 500 FCFA le tas de 3 voire 4 petits poissons. Pour les plus gros poissons, choix du Sénégalais lambda, notamment le barracuda ou la carpe, les prix sont hors norme. S’agissant de la carpe, seule une marchande en disposait. « Le plus gros coûte 35 000 FCFA, mais le plus petit peut se vendre à 30 000 FCFA », souffle Ndèye Badiane, 54 ans, vendeuse de poisson, qui confie faire ce métier depuis le bas âge.

« Je ne connais que ça, la vente de poisson. C’est ce que faisait ma grand-mère, de même que ma mère. C’est une tradition dans notre famille », lance-t-elle. « Je ne disposais que de quatre carpes et j’ai pu écouler les deux. Je les ai payées très cher, la dizaine à près de 300 000 FCFA. Difficile de s’en sortir avec ce prix d’achat », se plaint-elle avant de rendre « grâce à Dieu ». Elle dit espérer écouler les deux autres carpes avant le début de la soirée.

A trois pas d’elle, Astou Diop, elle aussi vendeuse de poisson. Sur son étal, ce sont des barracudas qu’elle monnaie à 40 000 FCFA la pièce, s’agissant de ceux atteignant une longueur d’un mètre. Pour les plus petits, le client capable de débourser 20 000 FCFA peut espérer rentrer avec un de ces poissons prisés au Sénégal et se taper un bon ndogou (rupture du jeûne). « Je n’ai pas les moyens de me payer un barracuda entier, c’est trop cher ! », s’exclame Penda Dia, venue faire son marché.

« Il y a pourtant un peu plus d’un mois, ici même, j’ai acheté un barracuda très grand à 25 000 FCFA. Aujourd’hui, un barracuda de la même taille se vend à 40 000 FCFA, c’est vraiment exagéré », se plaint Penda. « La surenchère n’est pas à notre niveau, c’est plutôt du côté des pêcheurs et autres mareyeurs. Nous avons acheté le poisson très cher. Cela m’étonnerait d’ailleurs qu’on puisse s’en sortir », justifie Astou Diop.

Si certains, à la besace moyenne, se contentent d’acheter des dorades pour s’assurer un dîner à la hauteur des attentes, d’autres parviennent à se payer une part de poisson, notamment de barracuda, qui est aussi vendu en détail. La part entre 2 000 FCFA et 3 000 FCFA. Ce qui importe, ce samedi, comme tous les jours du mois de ramadan, c’est d’avoir à déguster un bon plat de thiébou dieune (riz au poisson), le soir, après la rupture du jeûne, dans ce pays de plus de 16 millions d’âmes, dont 95% sont des musulmans.

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Journaliste pluridisciplinaire, je suis passionné de l’information en lien avec l’Afrique. D’où mon attachement à Afrik.com, premier site panafricain d’information en ligne
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