Quand l’Orient va à la rencontre de l’Occident à travers la musique


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Alors que l’interdiction de construire des minarets vient d’être votée par une majorité de Suisses, les musiciens du Rumi Ensemble sont la preuve que le mélange des cultures peut être vecteur de beauté. Ce jeudi 8 octobre, sur les bords du Rhône, à Genève, une ancienne usine hydroélectrique métamorphosée en espace culturel recevait douze musiciens iraniens et scandinaves. Mêlant le chant soufi au son du santour et du tar (cordes), du ney (flûte), du daf et du tombak (percussions), aux sons des instruments à cordes d’un quintet norvégien, ils donnaient une nouvelle vie aux images du grand reporter photo iranien Reza Deghati, qui a parcouru le monde avec son objectif depuis près de 30 ans.

Par Mehra Rimer

Tout au long du concert, les vers du grand poète mystique persan Rumi, prônant la tolérance et l’amour, chantés sur cette musique fusion, se sont mêlés au message de Javid Afsari Rad, compositeur, virtuose de santour et fondateur de l’ensemble musical.

Le morceau « Axis of Love » qu’il a composé le jour où les Etats-Unis ont décidé d’attaquer l’Afghanistan résonnait dans la salle, comme une réponse à la terminologie dominante de l’époque. Le morceau souligne que tout le monde veut la même chose pour ses enfants, que tous les conflits ont une solution et que la vengeance ne résout rien.

Comment lui est venue l’idée de créer l’Ensemble Rumi ? La musique de Javid Afsari Rad est à l’image son parcours. Il a étudié le santour et la musique traditionnelle iranienne auprès des plus grands maîtres en Iran. Au moment de la première guerre du Golfe entre l’Iran et l’Irak, le jeune étudiant qu’il était alors s’exile en Norvège pour se consacrer aux études de musicologie à l’Université d’Oslo, où il entame une brillante carrière de musicien.

En Norvège, sa réaction première fut de sauvegarder ses racines et son patrimoine. Il refuse à plusieurs reprises des propositions de jouer dans des ensembles mixtes avec des musiciens d’autres pays. « On veut s’intégrer dans le pays d’accueil mais en même temps, la volonté de sauvegarder son identité reste très forte, dit-il. Par purisme, au début, je ne voulais jouer que de la musique persane authentique».

Mais en Norvège, sa soif de culture, son amour de la musique le poussent à assister à de nombreux concerts. En s’ouvrant aux autres, il découvre que la musique de son pays – vieille de plus de 2000 ans – a aussi évolué au cours des siècles grâce aux étrangers. Javid prend conscience que la rencontre avec d’autres cultures et d’autres musiques, peut être enrichissante musicalement et spirituellement.

Ainsi en jouant avec des musiciens venus d’ailleurs, il a compris qu’il contribuerait à sa manière à faire évoluer la musique de son pays et donner de l’Iran une autre image en Occident, et permettre qu’on en découvre une plus belle facette

De là ont débuté différentes expériences avec des musiciens, du Brésil, d’Inde, de Chine ou encore d’Afrique – qui ont donné naissance, en l’an 2000, à l’album Combonations interprété par dix musiciens de dix pays différents.

En 2007 et en 2008, Javid remporte le prix « Artiste de l’année » en Norvège. Pour le 800ème anniversaire du mystique Rumi en 2007, on lui propose de mettre en musique les vers du poète soufi, et de préparer une tournée avec des musiciens scandinaves et iraniens. C’est ainsi qu’est né l’Ensemble Rumi, qui parcourt l’Europe depuis plusieurs semaines. L’Ensemble célèbre l’amour et la tolérance, et bien sûr Rumi, grand philosophe et poète persan mystique qui fonda l’ordre des Derviches Tourneurs.

La coïncidence avec l’exposition de Reza est un hasard, mais Javid s’en réjouit car il estime qu’il existe une véritable harmonie entre ses photos et sa musique. D’ailleurs tous les bénéfices de la soirée sont allés à une association en faveur des enfants afghans.

Aux yeux de Javid, dans le monde actuel, il est très important de renforcer les messages de paix. Et aujourd’hui, il y a un enseignement à tirer des paroles de Rumi, dont les poèmes d’amour et de tolérance sont plus que jamais d’actualité.

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Cet article a été écrit pour le Service de presse Common Ground (CGNews), 11 décembre 2009, www.commongroundnews.org

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