Profession : dresseur de hyènes


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Mummy Ahmadu et Mallam Mantari Lamal avec Mainasara, Pieter Hugo
Mummy Ahmadu et Mallam Mantari Lamal avec Mainasara, Pieter Hugo

Le photographe sud-africain Pieter Hugo a immortalisé dans sa série « Des Hyènes et des hommes » une troupe de dresseurs de hyènes au Nigéria. Ce groupe d’hommes est accompagné d’une fille de 6 ans qui chevauche les hyènes comme s’il s’agissait de poneys.

Un groupe d’hommes qui déambule dans les rues de Lagos au Nigéria, avec des hyènes en laisse. Une fille de 6 ans qui chevauche ce redoutable chasseur. La scène a de quoi surprendre. Captivé par le spectacle, un ami nigérian du photographe sud-africain Pieter Hugo lui en envoit des images en 2005. Fasciné, l’artiste se renseigne et apprend que cette bande est accusée par la presse nigériane de piller des banques, de dealer de la drogue ou de servir d’hommes de main à des créanciers qui les utilisent pour terroriser les mauvais payeurs. Pieter Hugo décide de se rendre au Nigeria.

Voilà la genèse de la série The Hyena and other men (Des Hyènes et des hommes), qu’il terminera en 2007. En fait de malfrats, il découvre une troupe de saltimbanques gagnant leur vie en exhibant des hyènes, babouins et autres pythons. Le photographe parvient à s’intégrer à ce groupe composé d’hommes d’une même famille élargie, tous dresseurs de père en fils, accompagnés d’une petite fille de 6 ans qui s’allonge sans peur sur les charognards.

Mummy Ahmadu et Mallam Mantari Lamal avec Mainasara, Pieter HugoChaque membre de la troupe a des cicatrices et des plaies sur le visage, les jambes et les mains, qui rappellent que l’animal peut à tout moment redevenir sauvage. Les dresseurs ont toujours un bâton pour se défendre en cas de besoin. La petite fille a quant à elle « été baignée dans une potion d’herbes traditionnelles qui garantit sa sécurité pour le reste de ses jours », explique le dresseur Abdullahi Ahmadu.

Une potion pour capturer les hyènes

Pour capturer leurs hyènes, les dresseurs se baignent avec cette potion et chantent des incantations pour se protéger du dangereux mammifère. L’animal, « pas encore habitué aux humains, va combattre. On lui administre alors une potion sur le corps, et il devient immédiatement obéissant », poursuit-il. Les dresseurs vendent ces herbes traditionnelles à la fin de leur spectacle de rue, mais également des poudres et talismans contre le mauvais sort.

Abdullahi Mohammed avec Mainasara, Pieter Hugo Jatto avec Mainasara, Pieter Hugo

Lors de son premier voyage, en 2005, Pieter Hugo photographie la performance des dresseurs, mais aussi les foules de curieux qui les encerclent et les embouteillages occasionnés. Puis le photographe a estimé que «ces images n’avaient que peu d’intérêt. Je me détournais de ce qui me fascinait, l’hybridation entre l’urbain et la vie sauvage. » Dès lors, en 2007, il décide de faire des portraits des dresseurs avec leurs hyènes dans des environnements urbains déserts tels que des ponts ou des terrains vagues. Chaque titre de photographie inclut le nom de l’animal : Abdullahi Mohammed avec Mainasara ou Mallam Galadima Ahmadu avec Jamis, par exemple. Des portraits doubles qui soulignent la relation entre dresseur et dressé, mêlée de crainte et de respect mutuel.

Christelle Gérand
LIRE LA BIO
Journaliste française indépendante, Christelle Gérand s’est d’abord illustrée au début des années 2010 sur Afrik.com, où ses enquêtes sociopolitiques lui ont ouvert les portes du grand reportage Formée à l’Institut France-Presse après une double licence d’histoire et de philosophie, elle a affûté son regard critique lors de piges à New York puis à Paris avant de poser ses valises à Addis-Abeba en 2017 Depuis la capitale éthiopienne, elle sillonne la Corne de l’Afrique et au-delà pour livrer des formats longs qui mêlent récit, données et images, publiés dans des médias de référence comme Le Figaro, Mediapart, GEO, Le Monde diplomatique ou Causette Toujours attentive aux enjeux environnementaux, sanitaires et humanitaires, cette grand-reporter met sa plume et sa caméra au service d’une ambition : rendre visibles les mécanismes profonds — conflits, injustices ou dérèglements écologiques — qui façonnent l’Afrique contemporaine.
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