Pourquoi les enseignants camerounais abandonnent-ils leur poste de travail ?


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Enseignant
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Les cas d’abandon de poste sont devenus très fréquents au Cameroun, notamment dans les rangs des enseignants. Constat fait par la ministre des Enseignements secondaires, Pauline Nalova Lyonga, qui a brandi la menace.

Autrefois, les Camerounais sortaient difficilement de leur pays. Ceux qui obtenaient des bourses d’études à l’étranger regagnaient le bercail une fois leur apprentissage achevé. Malgré les offres d’emploi alléchantes qui leur étaient présentées, ils n’y restaient pas. Mais depuis quelques années, nous notons pour le déplorer que les Camerounais, tous secteurs confondus, qu’ils soient diplômés ou pas, qualifiés ou pas, cherchent à s’expatrier. D’où l’appel à dénonciation lancé par Pauline Nalova Lyonga, ministre des Enseignements secondaires (Minesec), le 30 mai dernier. Suite donc à cette dénonciation, il en ressort que « 1571 personnels enseignants sont déclarés en position d’abandon de poste de travail et signalés hors du pays ».

L’enseignement au Cameroun, un secteur à problème

C’est la quintessence du communiqué N°104/23, publié le 23 octobre 2023. Les enseignants concernés sont sommés par la tutelle de venir clarifier leur situation administrative dans le délai imparti, à compter de la date de signature du présent communiqué. Ils devront pour cela être « munis de la fiche de cartographie des postes de travail dûment signée par leurs chefs hiérarchiques respectifs et toute autre pièce justificative de leur position administrative actuelle », dit-elle. Elle menace de prendre des « mesures disciplinaires » à leur encontre, s’ils ne se présentent pas dans les délais fixés.

« Si vous voulez récolter du miel, ne donnez pas le coup de pied à la ruche ». Le ministre des Enseignements secondaires, à travers son communiqué, vient de donner un coup de pied à la ruche, alors que ses collègues des autres ministères (Enseignement primaire et supérieur), gardent encore le silence. Le corps enseignant camerounais (primaire, secondaire et supérieur) a beaucoup de problèmes (le paiement total des rappels, des arriérés de salaire, l’indexation automatique et la revalorisation du salaire, l’introduction d’une indemnité sociale, l’introduction d’une prime d’eau, d’électricité, la revalorisation de la prime de recherche, l’automatisation des avancements,..), lesquels sont bien connus par les autorités. Pour calmer notre colère, ou nous amener à suspendre nos mouvements de grèves interminables, les autorités promettent toujours, mais ne tiennent jamais à leurs promesses », déclare une enseignante.

Nouvelle forme de grève très silencieuse des enseignants

« Nous ne voulons pas être des « chairs à canon ». Nous voulons aussi voir nos enfants grandir. Retenons que si vos valeurs ne sont pas reconnues dans votre pays, vous ne pourrez qu’aller vous chercher ailleurs. Et ce n’est qu’une réaction normale, pour quelqu’un qui a encore tous ses sens, pour ne pas dire ʺun bagage intellectuel considérableʺ. Sans être le  porte-parole des personnels enseignants, mais étant de ce corps, c’est donc ce qui explique ces cas d’abandon de poste, de non-prise de service, de non-reprise de service, d’absence », a-t-elle ajouté.

« Ma fille, élève en classe de CE1 dans une école publique de Douala, me dit, de temps en temps, que la maîtresse leur a partagé le pistache pour casser, ou encore, elle leur demande de dormir, pendant qu’elle tricote. Parfois, elle les laisse jouer jusqu’à la fin de l’heure. Et lorsqu’on sonne, elle leur demande d’arranger leurs sacs. Je vois en ce que ma fille me raconte une nouvelle forme de grève très silencieuse, insoupçonnable, mais d’une violence qui ne dit pas son nom. Laquelle consiste à aller à son lieu de travail, mais ne rien faire », indique un parent.

Quand l’école perd son utilité

« Comment peut-on transmettre des connaissances ou se donner à fond, lorsqu’on n’a pas la paix du cœur ? Ne dit-on pas que « ventre affamé n’a point d’oreilles ? ». Si les conditions de travail de l’enseignant ne sont pas bonnes, alors, ne nous attendons à rien de bon de nos enfants ! Certains pourront même avoir des diplômes, mais le niveau n’y sera pas. Et la nature ayant horreur du vide, les enfants ne peuvent que développer ce que nous décrions de nos jours (vente et consommation de drogue, jeux de hasard, de cartes, agression des enseignants, bagarres entre élèves,…). L’école perd ainsi son utilité !», a-t-elle ajouté.

Selon le patriarche Roger Djim, « Personne ne peut voir la mort venir et rester sur place ». « Aucun poisson ne peut nager dans de l’eau chaude ». Pourquoi ne pas régler le problème des enseignants une fois pour toute ? Pourquoi toujours promettre et ne jamais réaliser ? Qui qu’on soit dans la vie, tous, nous passons dans le moule de ces « Seigneurs de la craie » C’est comme cela que j’explique l’expatriation des personnels enseignants camerounais. Et c’est le pays qui perd des « têtes bien pleines et très bien faites ». Mais là où le bât blesse, c’est que même étant hors du pays, ces enseignants, même ceux qui sont tous les jours à leur poste, mais ne font rien, passent à chaque fin du mois à la caisse. Alors, posez-vous cette question, « avec la complicité de qui ? ».

« Alors, pour ma part, ces menaces qu’on brandit face aux enseignants, ne servent à rien ! Par contre, elles sont considérées comme du ʺcarburant versé sur le feuʺ », a-t-il conclu.

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