Pourquoi Laurent Gbagbo doit partir


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Laurent Gbagbo doit partir. D’abord parce qu’il a perdu les élections et ensuite, parce que depuis l’arrivée au pouvoir des refondateurs dans « des conditions calamiteuses », selon les propres aveux de L. Gbagbo, la Côte d’Ivoire a sombré dans un chaos désastreux et affligeant.

Habitué à la confrontation permanente et aux rapports de force brutaux et violents, le « Boulanger » s’est enfermé dans ce schéma et n’a pas su prendre de la hauteur afin d’unifier le pays. Il a continué à avoir des attitudes d’opposant, oubliant de fait qu’il était chef d’Etat. Cette incapacité à gouverner doublée d’une incompétence viscérale a conduit notre pays dans une impasse infernale pendant plus de dix années. Pire encore, sa conquête du pouvoir pour le simple plaisir de le conquérir, sans aucun projet de société d’avenir ni de programme de gouvernement pour notre pays, a engendré des politiques improvisées, au gré des opportunités mal évaluées et suicidaires.

Arrivé au pouvoir de manière imprévue et surtout à la faveur d’un rejet unanime de l’armée à la tête du pays par la population ivoirienne, il était presque normal et prévisible que nous ayons un pouvoir vide de substance. L’ancien président et ses amis ont été les premiers à être surpris de se retrouver aux affaires après une ruse de « boulanger » que le général R.Guéï n’avait pas vu venir. Son avidité du pouvoir, légitime pour un homme politique de premier rang, a fini par payer ; mais à quel prix. Son accession au pouvoir s’est faite au détriment de plusieurs centaines personnes sauvagement assassinées qui manifestaient contre ce hold-up électoral. L’histoire se répétant toujours, sa fin de règne pitoyable se réalise également par des meurtres massifs commis par ses « Fauves des ténèbres », programmés pour tuer.

Entre 2000 et 2002, avant la rébellion des Forces Nouvelles, il avait largement le temps et les pouvoirs de mener une politique de rassemblement des Ivoiriens et de développement économique et social. Son parti avait les pleins pouvoirs dans le pays. Il détenait la Présidence de la République, la Primature, la totalité des membres du gouvernement, la majorité à l’Assemblée Nationale, le Conseil Economique et Social, le Conseil Constitutionnel et toutes les autres institutions du pays. En deux ans, Laurent Gbagbo pouvait au moins donner des signes de son projet de société ainsi que d’un programme de gouvernement afin d’obtenir une véritable légitimité qu’il n’a pas pu avoir par les urnes. Il le dit lui-même, son arrivée au pouvoir s’est faite dans un « cafouillage et dans des conditions calamiteuses » avec un taux de participation des électeurs très faible qui a mis en cause sa légitimité. Rappelons que lors de cette élection biaisée, messieurs Alassane D. Ouattara et Henri K. Bédié avaient été écartés. De fait, leurs électorats qui représentent plus de 60 % de l’électorat ivoirien n’avaient pas participé à cette parodie d’élection. L’argument qui est très souvent avancé par L. Gbagbo et son parti est qu’ils n’ont pas pu gouverner à cause de la rébellion qui a divisé le pays en deux. Et pourtant, avant cette rébellion, ils avaient tous les pouvoirs et ils n’ont pas montré le début d’une quelconque réalisation. Dix ans après, le constat reste le même. C’est-à-dire, toujours rien sur le plan du développement économique et social du pays.

Armé d’une solide expérience d’opposant, Laurent Gbagbo, une fois au pouvoir, aurait dû apaiser les tensions qui régnaient dans le pays, rassembler les Ivoiriens et réconcilier toutes les entités du pays afin d’asseoir une légitimité incontestable. Il a préféré s’aventurer sur des chemins étroits et parsemés d’embûches dont les conséquences ont été dramatiques. Cette incompétence en matière de gestion des affaires de l’Etat a conduit notre pays à des affrontements fratricides et meurtriers. En sa qualité de chef de l’Etat, il avait pour devoir de garantir l’unité du pays, la sécurité du territoire ainsi que de veiller à la paix sociale, au développement économique et à de bonnes relations internationales. Tout cela n’a pas été fait. Au lieu de privilégier la voie de la pacification et de l’unité, il a choisi d’agir en opposant, toujours en quête d’un pouvoir qu’il détenait déjà. Cela a été entièrement dommageable pour la Côte d’Ivoire qui espérait beaucoup de cet opposant historique.

La grande déception des anciens compagnons de lutte et intellectuels proches du FPI

Beaucoup de ses anciens compagnons de lutte pour l’instauration du multipartisme en Côte d’Ivoire, déçus par ses choix politiques xénophobes et sans issues, ont préféré tout simplement militer dans d’autres mouvements politiques ou s’investir dans la société civile en attendant des jours meilleurs. La plupart de ces intellectuels ont préféré se désolidariser de ces actions identitaires et nationalistes qui ne semblaient plus se justifier lorsqu’ils avaient enfin accédé au pouvoir. Certains ont même rejoint les Forces Nouvelles que Laurent Gbagbo accuse d’être à l’origine de son échec. Le constat est le même pour beaucoup de jeunes ivoiriens appelés « Patriotes ». Ces jeunes, de bonne foi et qui se sont laissés abuser par cet illusionniste et son parti, ont fini par réaliser qu’ils étaient tout simplement utilisés pour la conservation d’un pouvoir qui n’avait aucun projet de société pour eux. Aujourd’hui, bon nombre d’entre eux ont pris leur distance avec le FPI et ses idées nationalistes auxquelles ils n’adhèrent plus. Ils croyaient se battre pour sauver leur pays que le FPI disait être attaqué par « des forces étrangères ». En réalité, ils étaient tout simplement induits en erreur. Ils ont pourchassé, frappé, violé, pillé et chassé les Français et d’autres étrangers de la Côte d’Ivoire. Ils y croyaient.

Lorsqu’ils apprenaient quelque temps après que Laurent Gbagbo négociait avec des grands groupes appartenant à ceux qu’ils avaient chassés du pays, pour les faire revenir, avec de juteux contrats, ils sont restés désabusés. Certains se sont alors posé des questions sur la pertinence de leurs actions « commandos » dans les rues. Pendant qu’ils demeuraient toujours sans emploi, sans aucune ressource pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, ils constataient avec dégoût et désenchantement que les barons du pouvoir en place s’enrichissaient de manière insolente et arrogante. Pendant qu’ils assistaient leurs amis blessés dans les affrontements de rue, ils constataient toujours que ceux qui les envoyaient se battre étaient très loin de leurs préoccupations immédiates. Pendant qu’ils pleuraient leurs amis morts en croyant défendre leur pays qu’on a dit attaqué par « des forces étrangères », ils se rendaient compte qu’ils devaient eux-mêmes se débrouiller pour couvrir tous les frais des obsèques. Pendant que les parents de ces jeunes pleuraient leurs enfants morts pour rien, ces mêmes barons continuaient toujours à étaler de manière abjecte leurs richesses et envoyaient leurs propres enfants étudier dans les pays occidentaux, notamment en France ou aux Etats-Unis qu’ils accusent par ailleurs être les ennemies de la Côte d’Ivoire.

Aujourd’hui, alors que le Conseil de Sécurité de l’ONU vient de voter une résolution pour des frappes aériennes en Libye afin d’arrêter le massacre des populations, voilà que le M.Kadhafi annonce qu’il arrête ces tueries. Curieusement, au même moment, Laurent Gbagbo demande lui aussi un « schéma de dialogue inter ivoirien avec le dépôt des armes du Commando Invisible et F.N., seul gage de sortie pacifique de la crise post-électorale » selon lui, après avoir tué et fait disparaître plusieurs centaines de personnes. Pendant qu’il demande ce dialogue, ces « Fauves des ténèbres » continuent à tuer et piller les domiciles de ses adversaires politiques. Le domicile du journaliste Venance Konan vient d’être lâchement pillé. En manque d’argent pour rémunérer ses jeunes « patriotes », Gbagbo leur autorise à se « servir » en semant la terreur. Alors que le rapport de force semble s’inverser et que la peur commence à changer de camp en Côte d’Ivoire, on peut se poser des questions sur cette déclaration de ce spécialiste de la mauvaise foi et de la duperie.

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