Phénomène Femen Tunisia : Amina, un objet de controverse


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Drapeau de la Tunisie
Drapeau de la Tunisie

Une jeune fille âgée de 19 ans a posté des photos d’elle, posant seins nus avec un message à l’encre noire sur le buste. Elle revendique son appartenance au mouvement international Femen. Les agissements de cette fille nommée Amina défrayent la chronique dans ce pays pudibond où l’image de la femme est, jusqu’à lors, sacrée.

Femen s’implante en Tunisie. C’est sur une page Facebook que l’apparition du mouvement Femen Tunisia a eu lieu la semaine dernière. Et la jeune activiste du mouvement féministe Femen Tunisia n’est autre qu’Amina, une pionnière en la matière. Cette jeune adulte de 19 ans fait alors l’objet d’une polémique en Tunisie pour s’être photographiée seins nus avec le message suivant sur le buste : « Mon corps m’appartient et n’est source d’honneur pour personne ».

Cette dernière compte bien ouvrir une antenne dans le pays, précise-t-elle. Sur la demande du mouvement international Femen et pour commencer son combat, Amina a diffusé sur le net des photos d’elle seins nus. Selon ses dires, d’autres photos suivront et apparaîtront bientôt sur la toile. Malgré un soutien quelque peu timide, des centaines d’internautes s’insurgent et s’indignent en postant, à leur tour, des commentaires insultants et obscènes à l’égard d’Amina.

Faisant l’objet de plusieurs attaques et menaces à son encontre, Amina a décidé de témoigner. Et pour ce faire, elle a choisi la chaîne Youtube d’Al Jadal.tn et l’émission « Labes » du 16 mars dernier sur Ettounsiya TV, pour s’expliquer sur les choix qui l’ont poussée à faire ces photos et surtout son engagement avec le mouvement Femen international.

Objet de symbole, elle affirme que son geste n’a pas pour objectif d’offenser les Tunisiens. Ayant pour seul leitmotiv; la défense des droits et des libertés des femmes, Amina dit réitérer ses agissements en se dénudant à nouveau, estimant, en plus d’être libre de le faire, que ce geste n’est guère obscène, sexuel ou à caractère pornographique. Au risque d’écoper de six mois à deux ans de prison, Amina revendique son geste comme « un message radical » qui n’aurait guère eu le même impact si « je n’étais pas dénudée ». La nudité, selon elle, serait plus efficace qu’un simple discours. Rejetant les valeurs conformistes qui enferment les femmes dans un rôle précis, Amina veut insuffler une image moderne à la femme tunisienne. Elle clame haut et fort que la femme tunisienne doit prendre conscience du rôle qu’elle détient et agir pour le façonner autrement.

« Notre fille est la victime d’un lavage de cerveau et d’une manipulation mentale »

La réaction de la famille ne s’est pas faite attendre. La famille d’Amina la répudie publiquement et refuse d’entretenir tout lien avec elle. Procédant de la même façon, une des tantes de la jeune fille s’est exprimée par le biais d’une vidéo postée sur la toile, dimanche 17 mars au soir, qu’elle a aussitôt supprimée. Dans cette vidéo, elle défend l’honneur et le nom de sa famille en précisant que cet acte n’implique qu’Amina seule. Sa tante en vient à incliner toute responsabilité des siens face au choix d’Amina. « Nous sommes une famille musulmane et nous ne pouvons pas accepter ces pratiques qui ont fortement touché non seulement notre image, mais aussi l’image de la femme tunisienne et de notre religion, l’islam. Notre fille est la victime d’un lavage de cerveau et d’une manipulation mentale. Il faut lutter contre ce fléau afin de sauver nos jeunes filles ! ».

Cette même tante, qui a tenu à s’exprimer en français pour que le plus grand nombre la comprenne, n’a pas mâché ses mots. L’incompréhension et la colère dans la voix, elle est venue à dire que sa nièce relevait d’un cas psychiatrique. Elle a ainsi formellement demandé aux médias; tunisiens notamment, de ne pas accorder une importance démesurée à cet acte isolé en Tunisie qui, d’une part, ternit l’image de la femme tunisienne et d’autre part, ferait fort jubiler sa nièce grâce à l’engouement produit.

« La jeune fille mérite la lapidation à mort »

Adel Almi, président de l’Association Centriste de Sensibilisation et de Réforme a affirmé, rapporte Tuniscope.com que « les médias devraient faire le tri avant de diffuser un contenu qui inspire l’aversion et le dégoût ». Aussi, il a invité Amina à subir un test de dépistage de drogue et un examen psychiatrique. Selon lui, « Amina a voulu se distinguer et attirer l’attention en posant nue. Ce qui traduit que la jeune fille n’a plus rien à perdre et ne peut être consciente de la sacralité de la femme. Ces agissements doivent être réprimés pour éviter d’éventuelles catastrophes » ainsi « Amina doit être flagellée une centaine de fois sachant que, vu l’ampleur de son péché, la jeune fille mérite la lapidation à mort ».

Femen, objet de polémique à l’échelle internationale

Le mouvement Femen prend de plus en plus d’ampleur mais est-il cependant utile et porteur de valeurs ? Faut-il se mettre nue pour que la condition des femmes évolue dans le monde ?

Vanessa Descouraux, correspondante de France inter en Égypte et Mona Chollet, journaliste et essayiste suisse, décortiquent ce mouvement et en déplorent fortement les agissements qui, au contraire, sembleraient desservir les femmes de tout bord, de tout âge et de toute croyance. Le mouvement Femen, en soi, ne présente nul fond politique solide et bien pensé qui ferait sens.

Au sujet d’Aliaa Elmahdy, la représentante du mouvement Femen Egypt, Vanessa Descouraux exprimait, sur Twitter, le 6 février dernier, sa colère en déclamant et en rappelant à juste titre que « Le féminisme, c’est ces femmes qui ont défilé dans les rues du Caire, pas les Femen ! ».

Quant à Mona Chollet qui réagit à la réplique d’Inna Chevchenko (« Nous vivons sous la domination masculine, et cela [la nudité] est la seule façon de les provoquer, d’obtenir leur attention ») confiée au Guardian, elle y dénote un affront direct fait à l’image de la femme. Et en ce sens, ces agissements ne défendent guère les femmes, leurs droits et leurs libertés. Elle rappelle et pointe du doigt la stupidité du mouvement, et en ces termes : « un féminisme qui s’incline devant la domination masculine : il fallait l’inventer. » Par là, on revient systématiquement à la réduction permanente des femmes à leur corps et leur sexualité, explique-t-elle. Est-ce là l’évolution souhaitée par l’ensemble des Tunisiens et Tunisiennes ? Ou par le reste du monde ?

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