Pas d’histoire de l’esclavage à l’école sans rôle positif de la colonisation


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Quarante députés UMP ont demandé vendredi dernier au Président Jacques Chirac de retirer de la loi Taubira un article relatif à l’enseignement. « Par soucis d’égalité » avec la loi sur les rapatriés, votée le 23 février 2005 et réduit d’un article au début de l’année. Outre ce souci, pour Christian Vanneste, rédacteur de l’article retiré et signataire de la lettre, l’histoire enseignée à l’école vise « à former des citoyens et non des savants ». D’où la nécessité d’éluder certains passages.

L’article 2 de la loi sur les rapatriés relatif à l’enseignement du « rôle positif » de la colonisation a été déclassé au début de l’année 2006, après que le Conseil constitutionnel ait été saisi par le Premier ministre Dominique de Villepin. Dans sa décision du 31 janvier 2006, l’autorité administrative a décidé que « le contenu des programmes scolaires ne relève » pas du champ législatif mais réglementaire, permettant ainsi sa suppression par décret. « Au titre du parallélisme des formes, et par souci d’égalité de traitement », quarante députés UMP ont demandé vendredi à Jacques Chirac de faire de même avec l’article 2 de la « Loi Taubira ». Celui-ci indique que « les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent ».

Les quarante n’ont pas été suivis par les 324 autre députés UMP de l’hémicycle. Léon Bertrand, le ministre du Tourisme, a ainsi fait part de son « incompréhension », soulignant que « ce qui importe le plus aujourd’hui, c’est de trouver dans ces questions de mémoire une identité de fond qui permette à la société française d’avancer d’un même pas, en acceptant toute son histoire ». Même discours pour François Baroin, le ministre de l’Outre Mer, pour qui « Il faut célébrer cette date et la commémorer, ne pas renouveler, raviver ce qui pour beaucoup d’Antillais représentent des blessures ».

« L’histoire n’est pas un objet juridique »

Depuis 1990 et la loi Gayssot (13 juillet 1990), le débat s’est ouvert sur la légitimité de la loi d’édicter des vérités sur l’histoire. En décembre 2005, 19 historiens et intellectuels Français ont fait valoir dans un appel (Liberté pour l’histoire) que « L’histoire n’est pas un objet juridique. Dans un État libre, il n’appartient ni au Parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique. La politique de l’État, même animée des meilleures intentions, n’est pas la politique de l’histoire », avaient-ils fait savoir. Ils avaient alors demandé l’abrogation des lois du 13 juillet 1990 (Gayssot, sur le négationnisme), du 29 janvier 2001 (sur le génocide arménien), du 21 mai 2001 (Taubira) et du 23 février 2005 (sur les rapatriés). L’association compte aujourd’hui près de 700 membres, alors que d’autres chercheurs se sont démarqués, préférant traiter séparément les différentes lois et textes.

L’aspect qualitatif – « rôle positif » – présent dans la loi sur les rapatriés et absent de la loi Taubira aurait pu rendre leur comparaison peu aisée. Or, « il n’y a pas d’aspect qualitatif dans l’alinéa 2 » retiré « car le fait d’évoquer le rôle positif n’est pas exclusif du rôle négatif », explique Christian Vanneste, rédacteur de l’article et signataire de la lettre adressée vendredi au Président de la République. Une nuance introduite par l’adverbe « en particulier », selon lui.

« Au scolaire, on ne forme pas des savants mais des citoyens »

« La loi Taubira ne me gêne pas à condition que l’on garde l’article 4, poursuit le député du Nord (10è circonscription). Ce qui est scandaleux est que l’on ait fait disparaître un article qui redonne leur fierté aux Français – et à certains originaires d’Outre-Mer dont les parents ont combattu dans l’armée française – sur des événements récents, alors que l’on va enseigner que des parents ont participé à la traite négrière voilà plusieurs siècles. On peut enseigner le caractère horrible de l’esclavage, mais qu’on enseigne aussi les réalisations Outre-Mer ».

En ce qui concerne la fierté des enfants nés de parents colonisés par la France ? L’article supprimé n’était pas exclusif du rôle positif, répète Christian Vanneste, et « parfaitement équilibré ». Mais le « patriote » et ancien professeur de philosophie précise : « L’histoire n’est pas une science et elle est subjective. Au niveau scolaire, on ne forme pas des savants mais des citoyens. Avec le maximum d’objectivité possible, mais il ne s’agit pas de les monter les uns contre les autres. » Du coup, il préfère enseigner l’« éradication du choléra » en Algérie que « les activités d’Henri Alleg », résistant français à l’occupation dans ce même pays, ou les horreurs de l’esclavage. Les Français auront le temps de l’apprendre « après le Bac », là où la loi invite les chercheurs à investir tous les champs d’étude possible. Dans cet esprit, le membre du groupe parlementaire d’amitié franco-algérienne « admet que Bouteflika fasse des discours et fasse le tri dans les actions perpétrées par le FLN (Front de libération nationale, ndlr), car cela est constitutif de l’Etat algérien ». Une idée de l’histoire.

Les signataires sur le site de la LDH Toulon

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