ONU : les larmes de Kofi Annan


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Kofi Annan a prononcé mardi 19 septembre 2006, en ouverture de la 61ème Assemblée générale de l’ONU à New-York, un discours d’adieux émouvant qui dressait un tableau contrasté du monde contemporain.

Cette 61ème Assemblée générale de l’ONU prend un sens très particulier pour l’Afrique, puisqu’elle verra le remplacement à la tête de l’Organisation du diplomate ghanéen Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies depuis dix ans.

Un discours bilan

Au moment de remettre son mandat, Kofi Annan a dressé un bilan contrasté de ces dix années, dépeignant un monde en proie à des déséquilibres et à des désordres profonds.

« Quand j’ai pris la parole pour la première fois en 1997, l’humanité faisait face selon moi à trois grands défis : que la mondialisation profite à tous, qu’un nouvel ordre mondial de paix et de liberté soit établi, et que les droits et la dignité des individus soient protégés… »

A juger le chemin parcouru, Kofi Annan ne s’est pas vraiment décerné de satisfecit : « Les ravages de la guerre se poursuivent… » et c’est sans doute le plus grand échec aujourd’hui des Nations Unies que de ne pas parvenir à maintenir la paix entre leurs membres. Concernant les effets de la mondialisation, il n’est pas certain qu’elle n’ait pas d’abord accentué les inégalités et fragilisé les nations les moins solides…

Enfin pour ce qui concerne les droits humains, Kofi Annan a pointé du doigt de nouvelles atteintes de la part de grandes nations, redoutant que « la lutte nécessaire contre le terrorisme ne serve de prétexte à écorner ou à abroger les droits fondamentaux »… Une manière de viser Guantanamo ?

Un monde déchiré

Evoquant les blessures les plus vives du monde actuel, le Secrétaire général de l’ONU a cité le conflit en cours dans la province soudanaise du Darfour, qui est sans doute l’un des plus grands défis lancés aujourd’hui à la conscience de la communauté internationale.

Et Kofi Annan n’a pas oublié non plus le conflit israélo-palestinien, pointant au Moyen-Orient l’échec majeur de l’ONU : « Tant que le conseil de sécurité sera incapable de mettre fin à ce conflit… en convaincant les deux parties d’accepter et de mettre en oeuvre ses résolutions, le respect envers les Nations Unies continuera de décliner. »

L’émotion du diplomate

Peu habituelle dans les enceintes internationales, l’émotion était palpable dans les dernières minutes du discours du Secrétaire général ghanéen, qui avait les larmes aux yeux en décrivant sa tache, au cours des dernières années, la comparant à celle de Sisyphe, condamné à rouler perpétuellement en haut d’une montagne un lourd rocher, qui toujours retombe…

« Ensemble nous avons poussé de lourds rochers vers le haut de la montagne, même si certains nous ont échappé et sont redescendus… Même si j’aspire à me reposer du fardeau de ces rochers obstinés dans la prochaine phase de ma vie, je sais que la montagne me manquera. »

Nombreux sont les chefs d’Etat présents aujourd’hui à New-York qui écoutaient avec émotion ces paroles à la fois sages et résolues, dépourvues de résignation. Des dix années de Kofi Annan à la tête des Nations Unies, tous gardent en mémoire son engagement personnel à la fois ferme et prudent pour désarmer les conflits entre les nations et, autant qu’il le put, pour rééquilibrer les rapports Nord-Sud… Lui qui sut plusieurs fois faire entendre, au besoin contre certaines des plus puissantes nations du Conseil de sécurité, la voix de la raison et du droit.

Tous connaissent en effet les limites de l’exercice et les moyens comptés de l’Organisation… Même si la tâche que vous aviez fixée n’est pas achevée, Kofi Annan, combattant suprême de la paix, vous partez dans l’honneur!

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