
Alors que Donald Trump brandit la menace d’une intervention militaire pour “sauver les chrétiens” du Nigéria, de nouvelles attaques meurtrières ont visé des lieux de culte. L’ONG Portes Ouvertes alerte sur une violence quasi quotidienne, nourrie par un enchevêtrement de tensions religieuses, socio-économiques et climatiques.
Une nouvelle tragédie a endeuillé la communauté chrétienne du Nigéria, mardi 18 novembre. Des hommes armés ont pris pour cible l’église du Christ Apostolique à Eruku, dans l’État de Kwara, tuant au moins deux personnes et en blessant grièvement une troisième. L’attaque, survenue vers 18 heures en plein culte, a partiellement été captée par la retransmission en direct. Sur les images, les fidèles chantent avant de se disperser dans la panique alors que des tirs éclatent, un assaillant armé d’un fusil semi-automatique poursuivant les fuyards.
Une violence endémique dans un contexte explosif
Les victimes, identifiées comme M. Aderemi et M. Tunde Asaba Ajayi, viennent allonger une liste déjà tragiquement longue. D’après des témoins, les assaillants s’exprimaient en langue fulani, signe des tensions persistantes entre communautés dans le centre du pays.
Cette attaque survient alors que Donald Trump accuse Abuja de “tolérer les meurtres de chrétiens” par des “terroristes islamistes”, menaçant le Nigéria d’une intervention militaire américaine. L’ex-président s’appuie sur les chiffres de l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2025 de l’ONG Portes Ouvertes, selon lesquels 3 100 chrétiens ont été tués au Nigéria en 2024, sur un total mondial de 4 476.
“C’est une réalité quasi quotidienne pour les chrétiens du nord du Nigéria depuis près de deux décennies”, déplore Jo Newhouse, porte-parole de l’organisation pour l’Afrique subsaharienne. Portes Ouvertes plaide toutefois pour une réponse humanitaire plutôt que militaire, insistant sur “la reconstruction et le soutien aux victimes plutôt que l’escalade des violences”.
Enlèvements massifs et insécurité généralisée
La veille du drame d’Eruku, 25 jeunes filles ont été kidnappées lors d’une attaque contre l’école publique de Maga, dans l’État de Kebbi. Les assaillants, “une bande de criminels lourdement armés”, ont tué le directeur adjoint de l’établissement avant d’emporter les élèves, ont plusieurs chrétiennes, selon les partenaires locaux de Portes Ouvertes.
Cette attaque rappelle le cas emblématique de Leah Sharibu, chrétienne toujours captive depuis son enlèvement par le groupe État islamique en 2018.
Si le Nigéria figure au 7ᵉ rang de l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2025 (Info Chrétienne), les observateurs appellent à ne pas réduire le conflit à sa seule dimension confessionnelle. Amora, représentante de Portes Ouvertes sur le terrain, évoque “des attaques coordonnées visant à pousser les chrétiens à fuir leurs terres dans le cadre d’un agenda expansionniste”.
La réalité est complexe : les affrontements entre agriculteurs et éleveurs ont fait plus de 10 000 morts et déplacé 300 000 personnes en dix ans explique le Centre d’Études Stratégiques de l’Afrique. La désertification pousse les éleveurs peuls, majoritairement musulmans, vers le sud, sur les terres agricoles souvent chrétiennes, exacerbant la compétition pour l’accès aux ressources.
Washington menace, Abuja temporise
Les menaces de Trump ont divisé la scène internationale. Aux États-Unis, un lobby conservateur réclame depuis des mois une “réponse ferme” face à ce qu’il qualifie de génocide des chrétiens. À Abuja, le président Bola Ahmed Tinubu se dit prêt à renforcer la coopération antiterroriste avec Washington, mais rappelle que “la souveraineté du Nigéria ne saurait être compromise”.
Portes Ouvertes, de son côté, salue la prise de conscience américaine tout en refusant toute “instrumentalisation politique de la souffrance des victimes”. L’ONG plaide pour la justice, la protection des civils et la réhabilitation des communautés brisées.
Devant l’ampleur des violences, l’organisation humanitaire exhorte le gouvernement nigérian à protéger églises et villages, à renforcer l’aide aux déplacés et à soutenir les enquêtes sur les crimes commis par Boko Haram, ISWAP et les milices fulanis radicalisées.
Dans un pays de plus de 230 millions d’habitants, partagé entre un sud majoritairement chrétien et un nord à domination musulmane, la paix durable passera par une approche globale : sécurité, développement rural, adaptation climatique et réconciliation intercommunautaire.




