Nigeria : difficile de lutter contre la contamination au plomb


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Les efforts fournis en vue de soigner les enfants intoxiqués au plomb et de décontaminer les zones polluées à Zamfara, un Etat du nord du Nigeria, sont entravés par la réticence des communautés à déclarer les cas, le gouvernement ayant interdit l’exploitation illégale de l’or, une pratique lucrative.

Le saturnisme, lié à l’exploitation minière informelle, a coûté la vie à plus de 400 enfants de moins de cinq ans depuis le mois de mars 2010, selon les Nations Unies. Ayant constaté un grand nombre de cas de convulsions et de décès chez les enfants des villages de Dareta et Yargalma, dans l’Etat de Zamfara en mars 2010, l’organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF), spécialisée dans les soins médicaux, a commencé à mener des investigations.

« Les chiffres sont bien plus élevés que cela », a dit à IRIN El-Shafi’i Muhammad Ahmad, coordinateur des programmes de MSF à Anka dans L’Etat de Zamfara. « Les communautés nient ces décès ou les imputent à des esprits et autres croyances ».

« La réticence des communautés à déclarer… les cas de maladies ou de décès causés par le plomb, et … à dévoiler où elles mènent leurs activités d’exploitation entrave sérieusement les efforts que nous déployons dans le but de déterminer les communautés à risque et d’organiser les opérations de décontamination », a dit Ian von Lindern, directeur de TerraGraphics, la société américaine d’ingénierie environnementale qui dirige les opérations de décontamination. « Dans certains cas, il faut deux semaines pour convaincre une communauté de parler ».

En outre, de violentes averses n’ont fait que retarder davantage les opérations de décontamination. Sept villages, désignés par TerraGraphics (Abare, Sunke, Dareta, Tungar Daji, Duza, Yargalma et Tungar Guru), devaient être décontaminés en priorité à compter de juin 2010, mais l’organisme n’a pu opérer qu’à Dareta et Yargalma, les pluies ayant rendu les autres villages inaccessibles.

TerraGraphics, avec le soutien du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), aide les autorités de l’Etat de Zamfara à décontaminer les zones polluées. Une équipe dépêchées par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) est arrivé à Anka le 23 septembre pour analyser l’eau souterraine.

Les enfants en première ligne

Le saturnisme a différents effets à court terme : il entraîne notamment des convulsions, la perte de conscience et la cécité ; à long terme, il provoque différentes affections graves, telles que l’anémie, des insuffisances rénales, des lésions cérébrales et l’impotence, a dit El-Shafi’i Muhammad Ahmad de MSF.

La contamination, particulièrement dangereuse pour les jeunes enfants en raison de leur faible immunité, peut entraîner la mort. MSF dirige des centres de santé dans les villes d’Anka et de Bukkuyum pour soigner les enfants atteints de saturnismes sévère et aigu.

Dans l’Etat de Zamfara, les hommes ramènent chez eux du minerai d’or, extrait des mines, que leurs épouses pilent à l’aide d’un marteau ou d’une meule avant de le laver à l’eau pour en retirer le sable et conserver l’or. Les jeunes enfants, généralement aux côtés de leur mère, inhalent cette poussière, a expliqué M. Ahmad à IRIN.

Quelque 3 600 enfants de moins de cinq ans vivent dans les sept villages les plus touchés, selon une enquête réalisée par Terra Graphic, mais quatre autres villages ont récemment été désignés comme zones à risque important. Selon une étude réalisée conjointement par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le ministère de la Santé de l’Etat de Zamfara, les enfants de 180 villages pourraient avoir été intoxiqués au plomb ; cela signifie que pas moins de 30 000 personnes pourraient être atteintes.

Un commerce lucratif

Les communautés d’agriculteurs et d’éleveurs du sud de l’Etat de Zamfara, riche en minerais, se livrent à l’exploitation artisanale de l’or, une pratique illégale, et au traitement du minerai d’or depuis plus de 20 ans.

Il s’agit en effet d’un commerce plutôt lucratif : il faut à peu près deux heures pour extraire environ un gramme d’or, que les mineurs vendent à 23 dollars. En comparaison, 50 kilos de mil, qu’il faut quatre mois pour cultiver, se vendent à 40 dollars, a expliqué Umaru Na-Ta’ala, qui vit au village de Kirsa, où 50 enfants sont morts et où 20 décès à la naissance ont été recensés depuis le début de l’année 2010.

Les villageois n’ont fait état de ces décès qu’en juillet, lorsque des membres d’un « groupe de travail anti-plomb » étatique – composé de chefs locaux et de représentants des ministères de l’Environnement et de la Santé, de MSF, de TerraGraphics et de l’OMS – se sont rendus dans leur village. « Nous craignons qu’en parlant de ce problème, nous n’incitions le gouvernement à sévir contre nos activités d’exploitation minière », a dit M. Na-Ta’ala à IRIN.

TerraGraphics décontamine les habitations et les villages en retirant trois centimètres de terre végétale – la profondeur de contamination habituelle – qu’elle remplace par de la terre propre. La société procède ensuite à l’enfouissement des sols contaminés, loin des villages.

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