Ndary Lo, l’art de la vie


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Le plasticien sénégalais Ndary Lo lance le daptaïsme, compression d’adaptation et de dadaïsme. Des sculptures longilignes faites à partir de matériaux de récupération, avec le fer en dominante. Pour la première fois, l’artiste expose individuellement à Paris. C’est au Musée Dapper que ça se passe.

Des marcheurs filiformes, qui semblent être portés par une force mystérieuse. Des ventres enferraillés, remplis de têtes de poupées récupérées. Des femmes longues aux visages flous… Ndary Lo promène sa silhouette longiligne au milieu de ses oeuvres. Pour sa première exposition individuelle à Paris, le plasticien sénégalais a choisi de montrer les différentes  » périodes  » de son travail : les Marcheurs, les Echographies et les Femmes. Il en profite aussi pour expliquer le  » daptaïsme « , philosophie et pratique artistique qu’il a inventées.

Le daptaïsme, ou comment s’adapter à toutes les situations.  » J’ai transformé le mot  » adapter  » en clin d’oeil au  » dadaïsme « . C’est une vraie philosophie, qui repose sur du vécu. En 1997, j’ai participé à une exposition collective à Madagascar. Il y avait un atelier dans une clairière. Impossible pour moi de travailler ma matière fétiche, le fer, car je ne pouvais pas le souder. J’ai vu des artistes sculpter le bois et je me suis mis à faire pareil. A la fin de l’atelier, chacun polissait sa sculpture. La mienne était toute rugueuse et je l’ai recouverte des capsules de Coca-Cola que j’avais ramassées pendant trois jours. Ça a donné un très bel effet et un des artistes présents m’a dit : toi, tu t’adaptes vite !  »

Pas de restriction sur les matériaux

Pour Ndary Lo, tout est prétexte à la création, qui se nourrit de ses expériences personnelles. Récemment, un accident de voiture lui a permis d’exploiter pour ses Marcheurs le mastic en fer qu’ont utilisé les garagistes avant de repeindre la carrosserie de son véhicule. Il se sert du fer à béton qu’il trouve sur les chantiers près de chez lui et les fers à cheval reviennent très souvent dans ses créations.  » Mes parents habitent Rufisque. Là-bas, les calèches servent de taxis, il y a beaucoup de chevaux et on trouve des fers partout dans les rues.  » Lors de ses promenades sur les plages dakaroises, il récupère et entasse ce que la mer rejette. Sacs, sandales en plastique, vêtements…  » Je n’ai pas de restriction sur les matériaux, du moment qu’ils m’inspirent.  »

Ainsi, il emploie des têtes de poupées abandonnées par les enfants et des os récupérés à Gorée.  » Lorsque j’étais sur l’île, j’ai trouvé des os sur la plage. Bien sûr, ils provenaient des restaurants du front de mer mais j’ai préféré les voir comme symboliques, représentant mon aïeul l’esclave. Depuis je n’utilise que des os qui proviennent de cette île.  » Chaînes à vélo, lampes à pétrole, la liste s’allonge au gré de ses trouvailles.

L’art et la vie

Ndary Lo se dit  » guidé par la sincérité « , sans chercher à avoir un style particulier. Seul dans sa grande maison de la banlieue de Dakar, au bord de la mer, Ndary Lo crée.  » Je ne fais que ça, je ne parle que de ça. Je ne rêve que de ça. L’art remplit ma vie. Je deviens moi-même au contact de la sculpture.  » Longtemps, pourtant, il a contrarié sa passion.  » Comme j’étais très bon à l’école et mon papa était un peu caractériel, je n’osais pas lui dire que je voulais être artiste.  »

Après quatre ans d’études d’anglais pour avoir la conscience tranquille, il intègre les Beaux-Arts de Dakar. Aujourd’hui, son père est fier. Le succès ne se dément pas depuis sa première exposition il y a six ans. Après la consécration en 1999, avec le Grand Prix du chef de l’Etat pour les arts, Ndary Lo est devenu une sommité dans le milieu artistique dakarois. Et dire qu’aux Beaux-Arts, son travail de récupération était mal vu. Jugé peu académique.

L’Art en marche, sculptures de Ndary Lo du 13 février au 21 juillet 2002 au Musée Dapper, 35, rue Paul Valéry – 75116 Paris. Du mercredi au dimanche de 11h à 19h.

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