
Le 28 mai est désormais un jour férié national dédié à la mémoire des peuples Herero et Nama, victimes d’un génocide colonial oublié pendant plus d’un siècle. Dans un geste fort, Windhoek affirme sa volonté de justice et de reconnaissance, alors que les négociations avec l’Allemagne restent tendues. Une mémoire douloureuse, érigée en socle de dignité nationale.
Le 28 mai 2024 marque une date historique en Namibie : pour la première fois, le pays a décrété une journée fériée dédiée à la mémoire des victimes du génocide perpétré entre 1904 et 1908 contre les peuples Herero et Nama par les colonisateurs allemands. Ce geste fort s’inscrit dans une volonté de reconnaître la souffrance, d’initier un deuil collectif et de raviver une mémoire longtemps ignorée sur la scène internationale.
Une première journée nationale de commémoration
C’est dans les jardins du Parlement de Windhoek que s’est tenue cette première Journée de commémoration du génocide, avec veillée aux bougies et minute de silence. La symbolique du 28 mai n’est pas anodine : c’est le 28 mai 1907 que l’administration coloniale allemande a ordonné la fermeture des camps de concentration, sous pression internationale, après des années de brutalité inhumaine et un taux de mortalité effroyable.
La présidente namibienne, Netumbo Nandi-Ndaitwah, a présidé la cérémonie, rappelant que cette journée ne devait pas être un simple événement symbolique, mais le début d’un processus de guérison et de justice historique. Les familles des victimes, les leaders communautaires et les diplomates ont été invités à prendre part à cette commémoration, désormais appelée à devenir un rendez-vous annuel.
Un génocide longtemps ignoré par la communauté internationale
Entre 1904 et 1908, les troupes coloniales allemandes ont réprimé dans le sang les révoltes des Hereros et des Namas contre la spoliation de leurs terres, l’exploitation des femmes et les violences quotidiennes. Les représailles furent d’une extrême brutalité : plus de 60 000 Hereros et 10 000 Namas ont été exterminés. Des centaines de crânes ont été envoyés à Berlin à des fins pseudo-scientifiques, dans le cadre d’expériences racistes visant à démontrer la supériorité blanche.
Malgré cette atrocité, il aura fallu attendre 2021 pour que l’Allemagne reconnaisse, pour la première fois, qu’un génocide avait bien été commis. Toutefois, aucune excuse officielle n’a été présentée, et aucune réparation directe n’a été offerte aux descendants des victimes.
Des réparations toujours en négociation
Face à la reconnaissance tardive de sa responsabilité, l’Allemagne a proposé en 2021 un plan d’aide au développement d’un montant d’un milliard d’euros sur trente ans. Une offre immédiatement rejetée par la Namibie, jugée insuffisante et inadaptée aux attentes des descendants des peuples décimés.
Depuis, les négociations se poursuivent, dans un climat mêlé de douleur, de frustration et de résilience. Pour Windhoek, il ne s’agit pas uniquement d’un soutien financier, mais de justice réparatrice, de reconnaissance symbolique et de dignité retrouvée. La journée du 28 mai devient ainsi une tribune pour continuer à réclamer des comptes.