Moussa Dadis Camara : partira, partira pas ?


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Il y a six mois, Moussa Dadis Camara s’emparait du pouvoir en Guinée, juste après le décès de Lansana Conté. Il avait alors été accueilli en libérateur par un peuple meurtri par 24 ans de dictature. Le capitaine Dadis qui, dans un premier temps, avait proposé d’organiser des élections en 2010, a finalement accepté de les faire fin 2009. A moins de six mois de cette échéance, des doutes planent sur le respect du calendrier. Et pour ne rien arranger, certaines déclarations du chef de la junte laissent sceptique une frange des Guinéens.

Cela ressemble à un bilan de mi-parcours. Mercredi, Moussa Dadis Camara, le chef de la junte militaire au pouvoir en Guinée, a convoqué un point de presse dans les locaux de la Radio Télévision Guinéenne (RTG) de Koloma, dans la commune de Ratoma, à Conakry. Etaient présents, des représentants de partis politiques, de syndicats, de la société civile et des corps diplomatiques. Le sujet phare de cette rencontre : l’organisation des élections législatives et présidentielles prévues en octobre et en décembre 2009.

«Je ne serai pas candidat en 2009»

« J’ai demandé à vous rencontrer parce que le processus de transition est en retard par rapport au chronogramme que vous-même avez établi ». Se montrant volontariste une fois de plus, le président s’est dit preneur de toute proposition pouvant permettre d’accélérer le processus. « Il n’y aura pas de report d’élections », a-t-il martelé. Pourtant, les opérations d’enrôlement et de vérification des fichiers électoraux, réalisées à 79%, selon Ben Sékou Sylla, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), sont suspendues. Et leur redynamisation dépend des entrées de fonds, a indiqué à Afrik.com le Premier ministre Kabiné Komara. Conséquence : il n’y a aucune certitude que les élections puissent se tenir à la fin de l’année.

Mais Moussa Dadis Camara veut y croire ou, pour le moins, donne l’apparence d’y croire. Une nouvelle fois, il assure que ni lui-même, ni aucun autre membre du CNDD ne sera candidat à la prochaine présidentielle. Plus loin dans son intervention, petit bémol, le capitaine précise : « je ne serai pas candidat en 2009. Je veux qu’on libère ce peuple maintenant pour que les institutions financières internationales lui viennent en aide. »

« Ce n’est pas vous qui m’avez donné le pouvoir »

« Je ne serai pas candidat en 2009 », a bien dit le capitaine Camara. Et si les élections venaient à être repoussées en 2010 ? Est-ce qu’il le serait, demande, tout naturellement, Karl Prinz, l’ambassadeur d’Allemagne en Guinée. Le capitaine Dadis, qui rappelle dans la foulée qu’il est avant tout un citoyen guinéen, pique alors une colère bleue. « Ce n’est pas vous qui m’avez donné le pouvoir. J’ai beaucoup de respect pour vous et pour ce que l’Allemagne m’a légué… vous parlez à un président. C’est une provocation, vous voulez créer des problèmes…», s’exclame Moussa Dadis Camara.

Depuis son discours de Boulbinet (commune de Kaloum), à Conakry, nombre de Guinéens s’interrogent sur les vraies intentions du président. Ils sont de plus en plus nombreux, leaders politiques, membres de la société civile…, à douter de sa volonté de céder le pouvoir aux civils à la fin de l’année. Moussa Dadis, dans son discours, avait menacé d’ôter son uniforme militaire pour se présenter à la présidentielle face aux opérateurs économiques et aux hommes politiques qui chercherait à déstabiliser son pouvoir. « Nul ne naît militaire », aime-t-il souvent à dire, d’ailleurs.

«Dadis ne veut pas partir »

Mamadou Mouctar Diallo, le leader de Nouvelle Force démocratique (NFD), est sceptique. « Moussa Dadis Camara, a-t-il indiqué à Afrik.com, ne donne pas l’impression de vouloir quitter le pouvoir ». Outre le fameux discours de Boulbinet, il en veut pour preuve les multiples manifestations de soutien, les Mamaya, des réjouissances pour faire du bruit en Soussou], qu’organisent les partisans du président guinéen. M. Diallo, un des responsables des [mouvements sociaux sanglants de janvier et février 2007 reproche au président Dadis d’avoir passé sous silence l’organisation des élections. «Depuis un temps, affirme-t-il, il [Moussa Dadis Camara] ne parle que des problèmes d’électricité, de riz… Parce qu’on lui a dit que ce sont les besoins fondamentaux des Guinéens». Conséquence: le Conseil national de transition (CNT) dont la mise en place était prévue pour fin mars au plus tard, est loin d’avoir été constitué. Pourtant c’est cet organe qui doit organiser les élections.

Mercredi, en réponse au président qui a affirmé n’avoir reçu aucune proposition de la part des « forces vives » concernant la formation du CNT, celles-ci lui ont rappelé qu’elles ont effectué, sans succès, plusieurs voyages au Camp Alpha Yaya dans le but de le rencontrer.

Les deux parties se renvoient la balle, et la fin 2009 se rapproche inexorablement. Avec la suspension de l’enrôlement des électeurs et le retard dans la mise en place du CNT, l’incertitude tend à s’installer en Guinée.

Par Stéphane Ballong et Ismaël Kabiné Camara

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