Mory Kanté, le griot globe-trotter


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Mory Kanté
Mory Kanté

Mory Kanté est l’un des plus grands ambassadeurs de la musique africaine. A 51 ans, celui que l’on surnomme « le griot électrique » reste toujours un fidèle artisan de la modernité. Quatorze ans après son tube planétaire « Yéké Yéké », l’artiste poursuit sa route, imperturbable, universel, heureux. Interview.

Tout le monde se souvient du méga tube « Yéké Yéké ». 1987, déjà. Mory Kanté est intronisé star par le grand public. Une star mondiale, nouvel ambassadeur de la musique africaine. Loin de s’endormir sur les lauriers de sa gloire, l’artiste guinéen balade dès lors sa cora électrique aux quatre coins de la planète. Homme de scène par excellence, ses tournées ne durent pas moins de quatre ans et écument plus de trente-cinq pays. Dans sa démarche artistique, Mory innove, encore et toujours, se servant de tous les outils que lui apporte une modernité qu’il entend bien s’approprier. Griot de son état, griot dans l’âme et dans son oeuvre, l’auteur, conteur, compositeur, interprète est un passionné. Une passion qu’il entretient et qui l’entretient. Son huitième album, « Tamala », est bientôt dans les bacs.

Afrik : On vous surnomme « le griot électrique ». Mais à trop introduire de modernité dans votre musique, ne pourrait-on pas vous accuser de trahir la musique africaine ?

Mory Kanté : Quand les Européens viennent en Afrique ils samplent (ils prennent des échantillons de son, ndlr) partout – ils vont même jusqu’à sampler le chant des Pygmées – on dit qu’ils font des recherches. Mais quand un Africain utilise les outils modernes dans son travail on l’accuse de pervertir la musique africaine. Je ne vois pas pourquoi. La modernité est là pour tout le monde.

Comment définiriez-vous, alors, votre style de musique ?

Je fais de la musique authentique moderne africaine. Il faut raisonner au niveau universel et il faut que l’Afrique s’exprime, qu’elle soit présente dans l’arène de la musique universelle.

Avant, la musique africaine n’était qu’un produit brut. Des musiques de villages, des musiques ancestrales, traditionnelles, tribales. Maintenant, grâce à la technique, nous pouvons offrir un produit que tout le monde peut consommer.

Après « Yéké, Yéké », avez-vous eu du mal à gérer votre succès ?

C’est moi qui ai créé « Yéké Yéké » et non l’inverse. Ce sont les gens qui veulent rendre le succès difficile à gérer. Pour ma part, je sais qui je suis. C’est à moi seul de faire le bilan et pour moi il est positif. J’ai fait beaucoup de concerts et de nombreux albums (l’artiste revient tout juste du festival de Rotterdam- le plus grand festival gratuit en Europe, ndlr).

Est ce que vous acceptez toujours votre image de griot ?

Je suis né griot. C’est en moi, ça le restera. Le griot parle de la vie de tous les jours et se met en devoir d’informer les gens. Et c’est ce que j’essaie de faire à travers mes chansons.

En 1990, vous représentiez la France avec Khaled au concert de Central Park à New York. Mais vous avez également représenté l’Afrique devant le Pape lors d’un concert au Vatican. Qui représentez-vous exactement ?

Disons que je suis certes un musicien africain mais surtout un musicien tout court. Certes, je représente les griots dans la musique africaine, mais les griots sont en définitive de tous les pays.

Vos tournées sont en général très longues, près de quatre ans. N’avez-vous jamais pensé à vous reposer et profiter d’une retraite bien méritée ?

Je ne suis heureux que sur scène, c’est là mon paradis. Et puis ce qui m’intéresse, c’est créer. La bonne retraite, c’est créer. Quand on crée, on se sent renaître. Il n’y a pas d’achèvement dans ma carrière. L’essentiel est de trouver sa vitesse de croisière et de la garder. Rester au minimum du maximum. Cela vous permet de rester en forme dans votre tête et dans votre corps. Alors quand je serai vieux, je continuerai toujours à jouer de ma cora. Si ce n’est pas pour les autres, je jouerai simplement pour moi.

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