Mort d’Adama, viol de Théo: quand la police française dérape


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La société française est aujourd’hui sous tension et ce depuis l’affaire du jeune Théo, violé par la matraque d’un policier. Cette affaire en a réveillé une autre qui s’est déroulée à l’été 2016 : le cas du jeune Adama mort lors de son interpellation dans le Val-d’Oise. Une seule question ressort de ces deux affaires: pourquoi les forces de l’ordre censées assurer la sécurité ont-elles ainsi dérapé?

Pourquoi un simple contrôle d’identité ou une interpellation dérapent jusqu’à conduire à la mort d’un jeune homme ou à l’agression sexuelle présumée d’un autre? Cette question, les jeunes de banlieue se la posent en vain. Depuis l’été 2016 et la mort d’Adama à Beaumont-sur-Oise, ils n’hésitent plus à exprimer leur colère allant pour certains jusqu’à une forme de haine envers la police.

Haine de la police

Au fil des années et des affaires comme celles d’Adama et de Théo, une véritable relation de défiance s’est installée entre les forces de l’ordre et la jeunesse des quartiers populaires. Lorsque dans des cités de la région parisienne on demande à un jeune pourquoi il n’apprécie pas la police, sa réponse est quasi-systématiquement: « j’aime pas la police parce qu’elle ne nous respecte pas, elle nous voit comme des racailles« .

Les policiers souhaitent plus que tout que les jeunes les considèrent comme des personnes faisant simplement leur métier mais la confiance peine à s’installer. Les policiers ont même désormais peur d’aller dans certains quartiers de la région parisienne car les agressions contre eux sont de plus en plus fréquentes. Selon eux, les jeunes les regardent comme leurs ennemis. Au regard des derniers événements, la réaction des jeunes peut être compréhensible.

Mais l’attitude suspicieuse des forces de l’ordre s’explique aussi par le développement des trafics en tous genres dans ces mêmes quartiers, la multiplication des règlements de comptes, la présence d’une violence larvée entre cités voisines, bandes rivales, l’implication de délinquants de plus en plus jeunes dans une économie parallèle fondée sur le trafic de drogue, sur fond de chômage endémique. La spirale vicieuse s’accélère et les hommes chargés de faire respecter la loi sont de plus en plus confrontés à des trafiquants surarmés. La défiance cache souvent la volonté de protéger le commerce illicite des stupéfiants…

Une Justice qui protège la police ?

Le malentendu entre les banlieues et les policiers recouvre une forme d’hypocrisie. Comment les jeunes peuvent-ils respecter la police si lorsqu’elle dérape et commet une « bavure » elle ne paraît pas inquiétée par la justice? Cette dernière protège-t-elle la police? La question est vite résolue pour ceux qui se vivent alors comme victimes.

Dans l’affaire du jeune Adama, mort le 19 juillet 2016 lors de son interpellation dans le Val-d’Oise, la police n’a pas été inquiétée. Au départ, Adama était atteint d’une maladie mais les gardiens de la paix qui l’avaient arrêté crurent qu’il simulait : il fut secouru, mais bien trop tard. Selon les derniers éléments, Adama serait décédé à l’arrière de la voiture de la gendarmerie. Les forces de l’ordre n’auraient pas pris la peine d’appeler un médecin. Il semble donc bien qu’il y ait eu non assistance à personne en danger. Pourtant les acteurs de cette tragédie furent mis hors de cause.

En ce qui concerne l’affaire du jeune Théo d’Aulnay-sous-Bois, survenue le 2 février 2017, la justice doit encore rendre son verdict. Ce jeune de 22 ans s’est fait interpeller dans son quartier par des policiers de manière plutôt musclée. L’un d’entre eux aurait, selon les dires de Théo et les premières constatations des médecins « enfoncé une matraque télescopique » dans ses fesses. Une déclaration que réfute le policier évoquant seulement une maladresse de sa part. A ce jour l’affaire est toujours à l’examen… Mais elle fait couler beaucoup d’encre et mobilise la fureur des jeunes de la banlieue parisienne.

Indéniablement, l’affaire constitue un débordement grave, de la part d’une brigade qui avait déjà commis, semble-t-il, d’autres bavures. La dimension symbolique de l’agression subie frappe au coeur de l’imaginaire souvent homophobe des jeunes de banlieue. Elle explique aussi une mobilisation exceptionnelle autour de Théo, le Président de la République François Hollande ayant tenu à passer une demi-heure à l’hôpital à son chevet. Pour le rassurer, semble-t-il, sur le fait que la Justice ferait son travail en toute indépendance, sans subir de pression.

Le calme reviendra-t-il plus ou moins vite dans les banlieues françaises? Tout dépendra des conclusions de l’affaire du jeune Théo, toujours hospitalisé. Mais le problème politique, au premier sens du terme, subsiste : comment restaurer dans les cités un respect mutuel entre les jeunes et les policiers?

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