Mieux comprendre le Togo


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Drapeau du Togo
Drapeau du Togo

L’expérience politique du Togo contemporain est scindée en deux époques : vingt ans de débats et de vie politique pluraliste, trente-huit ans d’un régime personnel autoritaire de plus en plus contesté… Dans la lignée duquel l’accession de Faure Gnassingbé à la Présidence fait fondre les rêves de démocratie. Petit retour en arrière sur soixante ans d’histoire.

L’historien-géographe Jean Sellier publie aux éditions La Découverte un formidable « Atlas des Peuples d’Afrique« , riche d’informations multiples, à la fois historiques, géographiques, économiques, humaines. Remontant parfois au plus lointain moyen-âge, cet ouvrage constitue une Bible pour qui veut mieux comprendre les évolutions politiques ou administratives en cours dans l’Afrique contemporaine. C’est principalement sur cet ouvrage de référence que s’appuie la synthèse que nous vous proposons.

Les premiers partis du Togo…

Le Togo moderne naît administrativement en 1946, lorsqu’il passe sous la tutelle des Nations-Unies. Plusieurs partis se forment alors : le Comité d’Unité Togolaise (CUT) de Sylvanus Olympio, un Ewé de Lomé, le Parti Togolais du Progrès (PTP) de Nicolas Grunitzky, un Ewé de l’intérieur (Atakpamé), et l’Union des chefs et des populations du Nord (UCPN). Grunitzky remporte les élections de 1951.

A la suite du référendum d’autodétermination de 1957, le destin du Togo « français » se dessine : à la différence du choix effectué par le Togo « britannique » dès 1956, il ne se rattachera pas à la « Côte de l’Or » et ne rejoindra pas le futur Ghana : il conduira seul son avenir souverain. Naît alors la République autonome du Togo, avec Grunitzky comme premier Premier Ministre.

Sylvanus Olympio Premier Ministre

Les élections législatives de 1958, organisées sous le contrôle de l’ONU, voient l’effondrement du parti de Grunitsky au profit du CUT de Sylvanus Olympio, qui en bonne logique devient Premier Ministre. C’est lui qui dirige le Togo au moment où son indépendance est proclamée, en 1960.

C’est logiquement Sylvanus Olympio qui dirige la rédaction de la Constitution de la République du Togo, qui devient une démocratie de type « présidentiel », à la tête de laquelle Olympio engage une politique autoritaire, provoquant des impatiences voire des mécontentements dans la région Nord du pays, qui se sent délaissée par un gouvernement dominé par les Ewé de la région de Lomé.

Le premier Coup d’Etat de l’Afrique contemporaine

En 1963, Sylvanus Olympio refuse la réintégration dans l’armée togolaise des soldats qui avaient combattu au sein de l’armée française pendant la guerre d’indépendance algérienne. Ces soldats, majoritairement issus des Kabré du Nord du Togo, organisent alors un Coup d’Etat qui se solde par l’assassinat d’Olympio. Ce Coup d’Etat est le premier de toute l’histoire de l’Afrique noire après les Indépendances.

Rapidement, les militaires font alors appel à Grunitsky, élu président en 1963, après l’adoption d’une nouvelle Constitution. En pratique, Grunitzky a un mode de gouvernement plus libéral, acceptant l’existence d’une opposition. Le Togo respire…

1967 : le Coup d’Etat d’Etienne Gnassingbé Eyadéma

Pourtant en 1967, l’armée s’empare à nouveau du pouvoir. C’est un jeune lieutenant-colonel d’origine Kabré, Etienne Gnassingbé Eyadéma qui s’impose comme Président de la République. Il commence par supprimer les partis politiques, puis crée un parti unique, le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), selon une formule à laquelle il fait adhérer les chefs coutumiers, puis qu’il fait ratifier par référendum en 1972.

C’est le début de deux décennies de pouvoir présidentiel à peu près absolu, les Togolais originaire du Nord du pays tenant la plupart des leviers de commande de l’Etat, alors même qu’ils ne représentent approximativement que 20% de la population, contre environ 45% pour les Ewé du Sud… Mais cette organisation est de plus en plus dénoncée par l’opposition togolaise, qui se réclame des anciens partis historiques ou de leurs chefs de file disparus.

Une décennie trouble…

Après les manifestations violentes de 1990 contre le pouvoir du Général-Président Eyadéma, la décennie 1990-2000 va voir se succéder les épisodes d’ouverture (réunion d’une conférence nationale en 1991, dissolution du RPT…) et les périodes de consolidation d’un régime que l’armée ne veut pas voir évoluer vers la démocratie… De nombreux épisodes sanglants ponctuent la décennie : grève générale fin 1992, suivie de violents affrontements à Lomé ; exode de plus de 200 000 togolais du Sud vers l’étranger ; puis d’une série d’élections présidentielles contestées, remportées par Gnassingbé Eyadéma, accompagnées de législatives boycottées par l’opposition en 1993, 1998, 1999, 2003…

En réalité, depuis plusieurs années maintenant la vie politique togolaise se partage entre les effets de manche et les dénonciations des leaders démocratiques réfugiés à l’étranger, à commencer par Gilchrist Olympio, fils de Sylvanus Olympio, et un pouvoir essentiellement imposé par l’armée, dont il ne faut pas s’étonner si elle a voulu, à la mort de Gnassingbé Eyadéma, imposer son successeur, en la personne de son fils Faure Gnassingbé.

Le Togo n’est pas encore mûr pour une démocratie sereine, semblent penser les militaires. A moins que plus prosaïquement ils songent que toute remise en cause de la gestion passée de feu Eyadéma risquerait de fragiliser leurs privilèges dans la société togolaise ? Une société togolaise qui pendant ce temps s’enfonce dans la crise, alors qu’un malaise social grandissant s’ajoute à une politique publique de moins en moins efficace, qui se traduit par une dégradation progressive des infrastructures essentielles, réseau routier, centres urbains, équipements de santé, d’éducation, de communication… Un contraste saisissant avec le Bénin voisin, dont le dynamisme économique ne se dément pas !

Pour commander le livre Atlas des peuples d’Afrique de Jean Sellier

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