Maurice Kamto, homme politique à l’essai


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Lundi, le 13 aout dernier, l’ancien ministre de Paul Biya a vu sa conférence de presse dispersée aussi facilement que le serait un attroupement de badauds dans un marché populaire. Ceci ne nous apprend pas grand chose sur les limites que le président camerounais a fixées à sa démocratie, on est en revanche édifié sur l’inconsistance de cet énième opposant camerounais, qui perd les Camerounais dans les faits généraux, la part du feu, de la politique nationale, décriés depuis longtemps, au lieu de surprendre son monde en les bravant.

Des hommes politiques sans détermination qui ne vont jamais au-delà des libertés qu’on leur consent, qui ne disent jamais plus de choses que l’on ne voudrait entendre, bref qui comptent sur les seuls médias pour amplifier leur opposition, voilà la tribu que vient d’intégrer l’auteur de L’urgence de la pensée : réflexions sur une précondition du développement en Afrique. Comment le Hilton hôtel de Yaoundé a-t-il pu être évacué sans violence, avec simplement de la malice et de l’intimidation ?

C’est à croire qu’aucune opposition n’est possible devant les hommes en tenue. Même avec Maurice Kamto, l’opposition camerounaise n’est pas toujours au point. On croyait pourtant à un supplément de science, de scientificité, en tout cas de méthode dans la transgression et l’opposition que camperait l’universitaire. Il faudra encore attendre pour savoir qui sera le biyatiste qui nous sauvera de Biya.

Un accouchement douloureux

Maurice Kamto est la seule personnalité d’envergure du MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun). Mais Maurice Kamto politiquement est un caisson vide, un intellectuel qui ne parvient pas à passer l’épreuve du feu. Il a réussi à rallier quelques gagnepetits de la politique (Olivier Bilé, Sosthène Médard Lipot Consulting) et d’anciens prétendants à la magistrature suprême, n’ayant jamais pu constituer des dossiers de candidature valides (Fabien Assigana, Eteki Otabéla), il a su convaincre le politologue et commerçant, sympathique politicien par ailleurs, Fogue Tedom, de changer la dénomination de son parti, il a recruté des petits jeunes aux dents longues comme Stéphane Akoa, et puis c’est tout.

Garga Haman Adji, Eric Mathias Owona Nguini, et d’autres n’ont pas dit non, mais n’ont rien fait qui prouve qu’ils pensent oui. En privé, Maurice Kamto dit avoir des soutiens jusque dans le RDPC, mais ces allégeances subreptices ne lui sont d’aucune utilité, de fait il s’agit de rivaux politiques à part entière, caressant chacun le rêve d’un destin national. Tous ceux qui se taisent en manière de désolidarisation au régime ne diffèrent pas de ceux qui critiquent, parfois violemment, sans jamais donner dans l’action politique. Ils travaillent tous pour Paul Biya, fût-ce à leur corps (et esprit) défendant.

Il ne s’agit pas de faire aimer une option, mais de faire respecter sa voie. Or, comment respecter la voie de Maurice Kamto quand il devient à ce point évident qu’il se cherche lui-même encore ? Quand on ne sait rien de ses engagements sociaux, quand son nom résume la même chose que son parcours développe : juriste-savant ? Piètre arithméticien, il imagine qu’en additionnant des personnalités ayant échoué dans leurs propres initiatives, il séduira les Camerounais, si peu difficiles, mais en attente d’un vrai rêve national.

Maurice Kamto est un intermittent de la politique, il communique par à-coups, et il faut avoir l’ouïe particulièrement développée pour l’entendre, il faut aller le chercher, comme en d’autres circonstances on procédait dans les bibliothèques pour s’abreuver de ses lumières. Maurice Kamto combat en se regardant combattre, il joue les clandestins et, pour ses réunions, va quand même solliciter des autorisations qu’il acquiert d’ailleurs.

Ses lieutenants estiment que c’est pour éviter les fuites que les informations sont données au dernier moment. Est-ce pour cela que c’est au dernier moment que sa réunion publique n’a pas eu lieu ? A-t-il les moyens de fonctionner comme un mouvement terroriste, ou comme le pauvre Martin de Brassens, « en faisant vite, en se cachant » ? Il est permis d’en douter. Alors pourquoi ne met-il pas en permanence les informations concernant son parti et son action à la disposition de tous ? Le flou artistique profite au régime de Yaoundé, celui-ci sera toujours le bénéficiaire de tout doute créé dans l’esprit des Camerounais.

Certains partisans du professeur prétendent que celui-ci est actionnaire du quotidien camerounais Mutations. Vendredi 10 août, on a eu l’impression qu’il ne pouvait même pas orienter l’animation éditoriale de ce journal, puisque la cérémonie prévue pour lundi était présentée sur le mode conditionnel. On le « soupçonnait » (sic) dans un discret entrefilet de préparer le lancement officiel de son parti. Maurice Kamto serait-il un étudiant en quête de performances sans cesse manquées qu’on lui diagnostiquerait une névrose d’échec. Courageux mais pas téméraire, Maurice Kamto agit comme s’il voulait prouver qu’on ne lui a pas donné l’occasion de réussir, au lieu de tremper ses mains dans le cambouis et de se battre comme tous ceux qui ont aimé leur peuple l’on fait, avec conviction et assurance ; comme on dit, en bon français, il doit montrer plus de gnaque.

« La nuit précède le jour » : lapalissade ou vraie révélation ?

Ce lundi 13 août, l’on a surtout relevé que l’obscurité a succédé à la lumière. Sitôt que les autorités de police eurent ordonné que l’ « obscurité » soit, la nuit fut dans la salle Bouma. Le leader du MRC a dû sortir pour voir à nouveau son « jour ». Il a purement et simplement pris acte, il a courageusement obtempéré, avec des accents prophétiques dans sa voix qui cachait mal un sentiment d’humiliation et d’inaudible protestation.

Maurice Kamto n’est pas la nouvelle terreur politique du Cameroun, il ne s’est pas encore illustré comme un poids lourd de l’opposition. Chaque fois que les agents provocateurs de monsieur Biya ont tenté l’intimidation, il a cédé sans moufter. De lui, on a lu quelques textes dans la presse, mais aucun livre, aucune action d’éclat, rien d’innovant, rien qui sonne comme une rupture.

Sa démission du précédent gouvernement même était intervenue comme une révolte bien encadrée, à la veille d’un remaniement ministériel. Il veut convaincre en se soumettant, pratiquement en rasant les murs : sera-t-il jamais crédible tant qu’il n’aura pas été fessé, outragé, enfermé ? C’est très facile de refaire le Cameroun à partir de son bureau, tout le monde peut avoir des illuminations, mais la confrontation physique, le monde réel, c’est une autre paire de manches.

En vérité, Maurice Kamto ne veut pas se poser comme un opposant à Paul Biya dont il revendique une part de l’héritage (Bakassi), mais se voit plutôt comme un successeur, il est actuellement le seul dans ce créneau-là, il ne le dit pas, mais il le pense tellement fort que tout le monde l’entend, en le voyant faire. Il n’a pas l’intention de participer a la chute du régime, il veut profiter de la chute de celui-ci, le professeur, en somme, est dans des équations politiques personnelles.

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