Maroc: plus de 130.000 fonctionnaires analphabètes!


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Caricature de Rik

Au Conseil de gouvernement d’hier, Anis Birrou, le secrétaire d’Etat à l’Alphabétisation, se frottait les mains. Et pour cause, l’analphabétisme a reculé de plus de 4 points depuis 2004. Toutefois, la dernière l’enquête nationale sur l’analphabétisme révèle des réalités bien moins satisfaisantes, telle l’importance du nombre de fonctionnaires ne sachant ni lire ni écrire.

Le taux d’analphabétisme a baissé à 38,45% contre près de 43% enregistrés lors du recensement de la population et l’habitat en septembre 2004. C’est du moins ce qui ressort des résultats de l’enquête nationale sur l’analphabétisme que le secrétaire d’Etat à l’Alphabétisation a présentés hier devant le Conseil. Cette performance concerne la population âgée de 10 ans et plus.

Il est incontestable que les résultats de cette enquête donnent à réfléchir. Selon l’activité professionnelle, les analphabètes sont dans l’agriculture à hauteur de 59,8%, dans l’artisanat à 30,3% et les services à 26,9%.

Cependant, la révélation de taille est ailleurs: 22,7% des fonctionnaires de l’administration publique et des collectivités locales sont analphabètes. Soit plus de 130.000 personnes sur une population totale de fonctionnaires de près de 610.000. Un phénomène ahurissant pour la gouvernance publique. Pour y faire face et à l’image de villes sans bidonvilles, un projet d’administration sans analphabètes est dans le pipe. En tout cas, l’enquête recommande de mettre en œuvre des programmes spécifiques pour cette catégorie de population.

L’enquête a également mis en relief les contrastes régionaux. Ainsi, la zone de Taza-Al Hoceïma-Taounate compte 52,3% de personnes ne sachant ni lire ni écrire (catégorie 10 ans et plus) et 59,6% pour les 15 ans et plus. La région du Grand Casablanca est la mieux lotie avec des taux de 22,9% pour les plus de 10 ans et 25,5% pour les plus de 15 ans. Elle est suivie par Rabat-Salé avec des taux inférieurs à 30%.

Selon les résultats, l’enquête a montré le lien entre le recul de l’analphabétisme et la couverture du programme national d’alphabétisation. D’où la nécessité d’étendre ce programme à l’ensemble des régions avec une priorité orientée vers le monde rural. D’ailleurs, l’enquête recommande notamment le renforcement de la communication pour toucher le maximum de public cible et particulièrement les 22% des sondés qui ne connaissent pas l’existence des cours d’alphabétisation.

Les causes de l’analphabétisme

Par ailleurs, les résultats de l’enquête nationale confirment l’accélération de la baisse du taux d’analphabétisme par rapport à la cadence à laquelle le phénomène a régressé durant les années antérieures au recensement général de la population et de l’habitat de septembre 2004. Au lieu de 1,2 point entre 1994 à 2004, le taux est passé à 2,25 entre 2004 et 2006.

Sur les raisons du non accès à l’alphabétisation, l’enquête est prolixe. D’abord, l’information n’est pas disponible pour tout le monde. C’est ce que confirment les 22% des enquêtés. A cela s’ajoute le milieu rural largement désavantagé dans ce domaine. Ensuite, la non disponibilité des centres d’alphabétisation. Une cause citée par 46,4% des enquêtés pour expliquer leur non participation aux programmes. Enfin, les horaires des cours ne sont pas appropriés. L’organisation des cours en dehors des horaires scolaires (après la tombée de la nuit d’octobre à mars) compromet la participation des jeunes filles et des femmes mariées. Cette raison est évoquée par 44% des femmes au foyer.

Il est à rappeler que pour les enquêtés, l’analphabétisme est un handicap qui affecte le comportement religieux (90,4%), les relations au sein de la famille et entre les générations. Selon l’enquête, cette catégorie de la population estime que l’importance de l’alphabétisation est primordiale pour fonder une famille (70,4%), pour mieux éduquer les enfants (82,9%) et pour trouver un travail (85,1%).

Méthodologie : L’échantillon de l’enquête menée par le Secrétariat d’Etat à l’Alphabétisation était composé de 12.000 ménages, représentant toutes les régions. La méthodologie choisie est l’échantillonnage à deux degrés. Celui-ci consiste en un premier tirage des unités primaires et au tirage des ménages à enquêter dans chaque unité.

Mohamed Chaoui, pour L’Economiste

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