Marc Faivre : « En quittant la France pour le Sénégal, je deviens un Toubab »


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Marc Faivre, dessinateur et portraitiste, a décidé de poser ses valises au pays de la Teranga pour 20 ans. Sa passion l’a conduit à quitter son pays natal, la France, pour rejoindre le continent africain. Ce fut une véritable révélation. Rencontre avec ce natif de Lyon devenu « un toubab » au Sénégal.

Marc Faivre, originaire du sud de la France, plus précisément de Toulon, a du quitter sa ville natale pour Neuilly-sur-Seine. C’est dans cette ville que se situe sa galerie d’art, où il expose ses dessins et portraits de lieux, de femmes, d’atmosphères. Après un séjour de plusieurs années en Afrique et notamment au Sénégal, Marc Faivre revient en France afin de présenter son travail au public.

Afrik.com : Qu’est ce qui vous a poussé à devenir dessinateur, portraitiste ?

Marc Faivre :
Tout d’abord, en parallèle de mes études, je me suis intéressé au dessin, jusqu’à envisager de faire des études d’art. Cela m’a conduit a intégré une agence de publicité en tant qu’assistant illustrateur (Infographiste aujourd’hui). Le portrait est une discipline majeure dans les Arts Graphiques. Cette discipline oblige à dessiner sans retenue, outil d’une observation du modèle très précise. Etant une personne sociable, les rencontres et les échanges font partie de mon quotidien. De ce fait, j’entretiens une complicité avec le modèle qui durant vingt à trente minutes m’autorise à être au plus près de son identité, de son mystère. Le modèle et moi-même découvrons ensemble le portrait finalisé, la ressemblance constatée. De ce fait, notre satisfaction sera partagée.

Afrik.com : Votre passion vous a poussé à quitter votre pays natal pour l’Afrique et plus particulièrement le Sénégal, un changement important dans votre vie…

Marc Faivre :
En 1984, je découvre ce contient en visitant le Togo, puis le Sénégal lors de deux brefs voyages. Cinq ans plus tard, je quitte la France pour le pays de la Teranga via le port de Marseille. Mon attention première lors de ma découverte du Sénégal fut orientée vers les milieux des musiciens pour lesquels j’ai une profonde admiration. J’ai pu rencontrer quelques chanteurs de la musique sénégalaise : Cheick Lo, les Frères Guissé, Souleymane Faye, Baaba Maal, Youssou Camara. La famille des Arts m’a permis de me faire connaître. Lors des répétitions, des concerts, je réalisais des croquis d’atmosphère.

Afrik.com : Qu’est-ce qui a changé votre séjour au Sénégal dans l’exercice de votre métier de dessinateur-portraitiste ?

Marc Faivre :
Mon vécu à Saint Louis me plaça auprès du peintre Jacob Yacouba qui parraina ma première exposition à Dakar. Mes séjours dans la capitale m’ont fait apprécier tant de rencontres avec les artistes de la place à la suite de ma sélection pour la Biennale des Art Dak’Art 2012. Dans ce contexte, mon savoir-faire de portraitiste fut sollicité auprès de particuliers aisés des Almadies ou bien des commerçants de Soumbédioune. Je réalisais des portraits soit dans l’instant ou pour une commande d’après photo. Aussi, je développais mon enthousiasme vers une autre démarche, celle de la fresque murale, le « portrait », pouvait apparaître sur toute surface. Je décorais ainsi des pirogues, des boutiques, des salles d’hôtel ou de bar-spectacles, tel que le célèbre Ponty-Village de Saint Louis, sur les bords du Fleuve Sénégal…Tant de visages expressifs, beaux, courageux, fiers et spirituels m’ont procuré une joie formidable de me savoir dessinateur-portraitiste sans oublier les portraits des pêcheurs de Ndor que j’ai eu l’émotion de réaliser tant ces hommes sont habillés de bravoure et de robustesse.

Afrik.com : Votre passion vous a conduit à participer à la 2ème édition de la Foire Africaine de Paris, que pensez-vous de cette événement où le continent africain est à l’honneur ?

Marc Faivre :
Dès l’annonce de la deuxième édition de la Foire africaine, je fus intéressé de renouveler mon implication, satisfait d’avoir participé au lancement de l’événement en octobre 2011. Je fus associé à un stand partagé, en collaboration avec l’Association Awo Concept pour laquelle j’intervins comme professeur de dessin. Il s’agit d’une proposition de formation pour apprendre à tresser et recevoir des conseils de soins beauté. Nous proposons une approche de « stylisme capillaire » pour mieux aborder l’acte de tresser. Un ensemble de portraits-féminins évoquant différentes coiffures furent le décor de ce stand animé par la présence de visiteuses désireuses d’être coiffées « à l’africaine ». Assurément le public était bien là pour cette seconde édition. Mon observation comparative me permet de relever que l’agencement des stands, des allées et l’impact du podium n’était pas efficace. Sûrement, avec le souci de toujours améliorer, les organisateurs sauront progresser pour affirmer ce rendez-vous africain indispensable et énergisant, puisant dans tous ces pays du Continent.

Afrik.com : La vie de la population sénégalaise a-t-elle évolué de 1989, date à laquelle vous y êtes aller jusqu’à aujourd’hui ?

Marc Faivre :
Le Sénégal, ses populations ont participé au progrès de ma personne car j’y fus résident de 1989 jusqu’en 2006. Je me sens « Sénégalais » parfois car mon implication dans le quotidien fut de vrai, sans postiche et artifice. Tant de fois mon allure de Blanc fut confrontée à mon isolement, situation particulière mais riche d’enseignement. En dehors des « refrains » connus sur les expatriés français, mon identité d’artiste parvient non pas à éteindre l’intitulé « Toubab », mais elle me place dans une case plus énigmatique et de ce fait moins cataloguée d’emblée…….
Mon attention sur la société sénégalaise est celle d’un non-spécialiste , pour vous présenter des données, je laisse ça aux experts, « cousins de la série-télé » ! Tant de face à face et dans la foule ma silhouette. J’ai fait le constat d’un vrai changement dans l’appréciation, dans l’échange Noir-Blanc/ Blanc-Noir car nous sommes encore là. Il me plaît de faire un gros plan sur cette communication entre le Nord et le Sud, entre nos allures d’hommes qui s’observent et font des commentaires.
L’appréciation de l’Autre, avec de certitudes nocives, a évolué, c’est certain. Loin nous sommes de L’Epoque Senghor ! Les rappeurs, les portables, les réseaux du Net, les peurs du coin de rue, l’argent affole de part sa présence, de part son absence, les discours politiques et le vacarme des armes, tout cet « attirail » qui encercle nos plus belles pensées et espérances sont hélas responsable de climats incertains entre les hommes pourtant d’accord d’être connectés.

Afrik.com : Quels sont vos projets actuellement ?

Marc Faivre :
C’est en automne 2013 que mon travail de dessinateur-peintre se présentera au public. En septembre, il y aura la parution d’illustration dans un livre relatant les divers métiers effectués par les Noirs-Africains vivant en France. Leurs observations sur la société française (Editions Télémaque Diffusion Gallimard) y seront rassemblés. En octobre, je présenterai des dessins dans une exposition collective avec un artiste togolais et burkinabé organisée par l’Association Cori & Art. Aussi je progresse vers l’organisation d’une exposition rassemblant des pastels et des dessins à la craie, encouragée par Mme Croiziers, mécène et collectionneuse d’Art Contemporain, exposition envisagée pour conclure l’Année.

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