Mandela, éternel militant de l’égalité


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L’héritage-clef de Nelson Mandela, décédé ce jeudi à 95 ans, restera son oeuvre de réconciliation en Afrique du Sud, mission à priori impossible dans une nation déchirée par des décennies d’oppression raciste et où les préjugés séparent encore les communautés.

L’Afrique du Sud de 1990, à la sortie de prison de Nelson Mandela, émergeait de trois siècles et demi de domination par la minorité blanche, dont plus de quarante années d’un système raciste institutionnalisé unique au monde : l’apartheid.

Aidé par le pragmatisme du dernier président de l’apartheid Frederik de Klerk, Mandela y imposa une transition pacifique vers la démocratie. « Le temps de soigner les blessures est arrivé. Le temps de combler les fossés qui nous séparent est arrivé. Le temps de construire est arrivé », lançait à son investiture, en mai 1994, le premier Président démocratiquement élu du pays.

Pour la première fois dans l’histoire, l’ensemble de la majorité noire avait pu voter

Tout au long de sa présidence, Mandela a multiplié les gestes de pardon, autant pour inspirer la majorité noire que pour rassurer la minorité blanche, encore détentrice des clefs financières et militaires de l’Afrique du Sud. Il alla rendre visite à l’ancien chef d’Etat Pieter W. Botha et prit le thé chez Betsie Verwoerd, 94 ans, veuve de l’architecte de l’apartheid Hendrik Verwoerd, qui interdit l’ANC en 1960.

Il organisa un banquet pour le départ à la retraite du chef des services secrets de l’apartheid, Niels Barnard, et reçut à déjeuner le procureur du procès de 1963 qui l’envoya à Robben Island, Percy Yutar. L’image du premier Président noir d’Afrique du Sud, endossant le maillot de l’équipe nationale des Springboks pour leur victoire à la Coupe du monde de rugby en 1995, épousant la joie des Afrikaners en même temps que leur sport historique, marque pour beaucoup l’apogée de l’euphorie réconciliatrice.

Mandela multiplia les attentions à l’égard de la communauté de près de 5 millions de Blancs, en majorité descendants des premiers colons hollandais et britanniques. « Nous aurions eu un bain de sang si la réconciliation n’avait été notre politique de base », rappela Mandela plus d’une fois à ses critiques, dans les courants africanistes ou dans la presse noire, qui lui reprochaient d’en faire trop pour les Blancs.

Le premier gouvernement post-apartheid fut éminemment multiracial

Noirs, Blancs, Indiens, Métis, et aujourd’hui encore, chaque communauté trouve sa représentation. En 2010, c’est une nation multiraciale qui entonnait, lors du Mondial de foot organisé en Afrique du Sud, les couplets de l’hymne national, combinant les langues xhosa, zoulou, sotho, afrikaans et anglais. Pour Mandela, l’événement planétaire fut une consécration, la fête partagée d’un sport longtemps relégué dans les ghettos noirs. Malgré son grand âge, il avait assisté, rayonnant, à la cérémonie de clôture à Johannesburg.

Dans ses écrits, Mandela a révélé combien il avait été inspiré par les palabres de son enfance, par le mode coutumier de règlement des conflits par compromis : « La règle de la majorité était étrangère. La minorité ne devait pas être écrasée par une majorité ». Il a aussi dit que « ses longues années solitaires » de prison avaient nourri sa pensée.

L’axe central de la réconciliation a été la Commission vérité et réconciliation (TRC) créée fin 1995 et présidée par l’archevêque Desmond Tutu, conscience morale de la lutte anti-apartheid. La TRC, qui entendit plus de 30 000 victimes et bourreaux, proposait le pardon et l’amnistie en échange d’aveux publics. Véritables catharsis, ses auditions ont toutefois laissé des zones d’ombre. Certains ont regretté que les responsables des atrocités de l’apartheid, chef d’Etat, ministres ou chefs de la police et de l’armée, n’aient pas été inquiétés.

Dans le pays que quitte Mandela, les relations raciales restent encore à fleur de peau. Depuis 2006, les Sud-Africains estiment qu’elles se dégradent, après un mieux au début des années 2000, et les mariages interraciaux restent une exception. Comme Mandela avertissait lui-même : « La guérison de la nation sud-africaine est un processus, pas un événement particulier ».

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