Malik voit la vie en calligraphie


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calligraphie du K et du N

Malik Nounouhi est de ceux qui ont la tête pleine d’idées. Des voyages au compteur. De la magie au bout des doigts. Du fin fond de son appartement au cœur de Paris, le jeune calligraphe marocain pose sur feuilles blanches ses pensées les plus profondes. Ses idéaux. Ses réflexions. L’étrange étranger calligraphie des phrases en arabe et donne naissance à des formes subtiles, chargées de son passé.

Ses armes sont ses calams, ses pensées et ses idéaux. Malik calligraphie des phrases, met en image des mots. « De l’encre couleur terre brûlée, du jaune ocre, et un peu de doré »… L’artiste pose délicatement à l’aide d’une pipette quelques gouttes de chaque couleur dans trois coupelles. Puis il choisit un carton plume soigneusement découpé. « Le carton plume est idéal. Il boit facilement l’encre, tout en restant rigide. Avant, je dessinais avec des tickets de métro de Marseille. Mais le carton plume se taille à la largeur que l’on souhaite », explique le jeune Marocain. Sa main trempe le carton dans l’encre terre, l’égoutte, hésite. Malik attend l’instant propice. « Il faut d’abord porter le mot en soi avant de le tracer », confie en murmurant l’artiste, qui reste concentré. « Ce n’est pas comme une peinture. En calligraphie, il n’y a rien d’envisagé à l’avance. Je ne me dis pas ‘je vais former un bateau, ou une maison avec les lettres’. Le geste calligraphique est un geste de souffle ». Ca y est, l’artiste se lance. Malik dessine la lettre « Alif », puis le « Ha ». Le novice y verrait une croix et un croissant, et ce n’est pas anodin. Car Malik trace le mot « Tasamohe », Tolérance en français. « Entre ces deux lettres du mot ‘tolérance’, on retrouve les symboles du Catholicisme et de l’Islam. J’essaie que ces deux formes soient le plus stable possible, parce que par principe, ces deux religions n’en forment qu’une seule. Il faudrait que toutes les deux se portent au lieu de se détruire », analyse Malik.

Un moment privilégié de retrouvailles avec soi-même

Quand on demande à l’artiste à quoi il pense lorsqu’il calligraphie en silence, il avoue avoir l’esprit toujours occupé. « Je travaille beaucoup la nuit. Je commence vers minuit et je termine vers 7 heures du matin. Ce sont des moments où je me retrouve face à moi-même, où je me parle intérieurement. Je revois ce que j’ai vécu, je pense aux gens que j’aime » confie-t-il. La calligraphie était, il y a quelques années, un moyen pour Malik de renouer avec ses racines, loin de son pays natal. C’est à 18 ans qu’il quitte l’ombre des figuiers marocains pour finir ses études en France. « J’ai découvert l’écriture arabe à l’âge de cinq ans, à l’école coranique. J’ai rencontré les encres et le roseau… mais j’étais à ce moment trop jeune pour saisir la signification des textes sacrés. C’est une fois arrivé en France que j’ai eu ce besoin de retrouver le calam [roseau taillé en biseau, ndlr], les pigments, les textes. Une sorte de retour aux sources », explique l’artiste marocain.

Calligraphie sans frontières

De vernissages en expositions, et d’expositions en rencontres, Malik se rend compte que son art intrigue. Certains veulent prendre des cours. Les demandes se multiplient et l’artiste ouvre des ateliers ponctuels, à Clichy, Marseille, Lille… Dans des centres culturels, des collèges, des centres aérés, Malik balade ses plumes et cartons dans toute la France. « Ce qui m’intéresse, c’est de discipliner le geste d’écriture chez les gens, qu’ils trouvent un geste équilibré, et se sentent ainsi à l’aise avec l’alphabet arabe ». Rendre la calligraphie accessible à tous. C’est un principe d’ « universalité » essentiel pour Malik.

« Ce qu’il y a d’universel, c’est que ce ne sont pas que des textes du Maghreb et de l’Orient. Ce ne sont pas des textes arabo-islamiques. Ce sont des mots empruntés à Gandhi, à Montaigne, Voltaire… ». Malik a, sur son bureau, un petit livre vert. Un livre de poèmes, de réflexions. Parfois il prend quelques phrases en modèle et les calligraphie. « Celle-là illustre une réalité poétique ». Il sourit. L’artiste présente une calligraphie faite de bleu et de jaune, finement arrangée. « Elle veut dire : quand les oiseaux dorment, ils chantent en silence. Et ce n’est pas l’extrait d’un poème, j’ai entendu cette réalité sur France Inter [une radio française nationale, ndlr] un matin ». Ses dessins sont inspirés de la vie de tous les jours. De sa vie, vécue ici et ailleurs. Sa dernière exposition, « Tolérance », fait l’apologie de l’Amour, du dialogue interreligieux. « Comme dit Sainte Thérèse d’Avilla : il faut pas trop penser, il faut beaucoup aimer. La vraie foi, la vraie religion, elle est dans l’amour, elle n’est pas dans autre chose ».

Contact : kalimalik@hotmail.com

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