Madagascar : guerre des chefs sur fond de crise sociale


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Le bras de fer se durcit entre Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina. Le président malgache a accusé, mercredi, le maire d’Antananarivo d’être l’ « initiateur des troubles » qui frappent le pays. Depuis lundi, au moins trente-quatre personnes ont trouvé la mort dans la capitale, à la suite des émeutes, survenues en marge d’un rassemblement organisé par Andry Rajoelina. L’opposant au régime ne cesse d’inquiéter le pouvoir qui se sent de plus en plus menacé. Interrogé par Afrik.com, Sylvain Ranjalahy, le rédacteur en chef du quotidien L’Express de Madagascar, décrypte la situation politique malgache.

L’affrontement entre le président malgache et le maire d’Antananarivo continue. Marc Ravalomanana a accusé, mercredi, Andry Rajoelina d’être « l’initiateur des troubles » survenus dans le pays. Depuis lundi, au moins trente-quatre personnes ont péri lors des pillages et des émeutes, à la suite d’un grand rassemblement,organisé par le maire de la capitale contre le chef de l’Etat. Le mouvement de contestation a pris une ampleur inattendue. Andry Rajoelina draine, à présent, derrière lui des milliers de personnes. Des Malgaches déçus par Marc Ravalomanana et qui souhaitent le renversement du régime. Sylvain Ranjalahy, le rédacteur en chef du quotidien L’Express de Madagascar, revient sur la situation politique. Décryptage.

Afrik.com : Est-ce que cette crise ressemble à celle de 2002 ?

Sylvain Ranjalahy :
Non, je ne pense pas. La crise de 2002 a commencé après les résultats des élections présidentielles. En 2002, Didier Ratsiraka avait été devancé par Marc Ravalomanana par 51% contre 44%. Après une victoire contestée, le pays avait plongé dans une crise politique. Aujourd’hui, ce n’est pas la même chose. Il s’agit d’un affrontement entre deux personnalités politiques, le maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina, et le président malgache, Marc Ravalomanana. Finalement, c’est une histoire d’incompatibilité d’humeurs. Le mouvement de contestation est très localisé. Les émeutes n’ont, pour l’instant, pas pris une envergure nationale comme en 2002.

Afrik.com : Peut-on parler d’une crise sociale ?

Sylvain Ranjalahy :
Des magasins ont été pillés, vandalisés dans la capitale par des émeutiers qui ne sont pas des partisans d’Andry Rajoelina. Ce sont des bandes organisées, une armée de crève-la-faim, qui pillent en marge des rassemblements. C’est une explosion sociale. Marc Ravalomanana n’a pas tenu ses promesses et maintenant il le paye. Il était censé acheter une voiture à chaque famille malgache, il ne l’a pas fait. Les conditions sociales se sont dégradées : les revenus sont très bas, les soins médicaux et les frais de scolarisation coûtent très chers.

Afrik.com : Quelles sont les revendications du jeune maire Andry Rajoelina ?

Sylvain Ranjalahy :
Andry Rajoelina souhaite la revente de l’avion présidentiel « Force One », qui a coûté 68 milliards de dollars, pour acheter des vivres à la population. Il veut également que le contrat entre l’Etat et la compagnie sud-coréenne, Daewoo Logistics, sur l’octroi d’1,3 millions de terres arables pour un bail de 99 ans, soit rompu. Il considère que ces terres doivent revenir à la population malgache.

Afrik.com : D’après certaines personnes, Didier Ratsiraka serait derrière Andry Rajoelina et préparerait son retour sur la scène politique…

Sylvain Ranjalahy :
L’ancien président Didier Ratsiraka compte profiter de la crise politique pour s’emparer du pouvoir. Maintenant, je ne crois pas qu’il soutienne le maire d’Antananarivo. Andry Rajoelina n’est pas issu d’un parti politique, il est inexpérimenté et très jeune. Didier Ratsiraka n’aurait donc aucun intérêt à le propulser à la présidence.

Afrik.com : Andry Rajoelina n’exclut pas une prise de pouvoir. Est-ce que cette situation est envisageable ?

Sylvain Ranjalahy :
Comme je vous le dis, le maire est très inexpérimenté. Je ne pense pas qu’il puisse prendre le pouvoir. Depuis peu, il s’est entouré d’une équipe d’anciens politiciens. Mais, ces derniers le desservent, car ils n’ont pas la côte auprès de la population. Et puis, les Malgaches ne veulent pas avoir comme président Andry Rajoelina. S’ils ont voté pour lui, lors des élections municipales de décembre 2007 qui l’opposer au candidat présidentiel, c’était surtout pour défier Marc Ravalomanana. Ils ne sont pas pour Andry Rajoelina mais contre le président malgache.

Afrik.com : Le conflit entre Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana n’est pas récent…

Sylvain Ranjalahy :
Tout a commencé en décembre 2007, après les élections municipales. Le président malgache n’a pas accepté la défaite de son candidat à la mairie d’Antananarivo. Il a tout fait pour compliquer la tâche d’Andry Rajoelina. Il a confisqué les recettes de la commune qui finançaient l’assainissement de la ville. Les déchets n’ont pas pu être ramassés pendant un long moment. Et puis, Marc Ravalomanana a décidé de fermer la chaîne privée Viva appartenant à Andry Rajoelina. Un coup dur pour le maire d’Antananarivo qui a, à partir de ce jour, commencé à critiquer ouvertement le président.

Afrik.com : Pensez-vous que le dialogue soit possible entre les deux hommes ?

Sylvain Ranjalahy :
Malheureusement, non. Je pense que le dialogue sera très difficile en raison des caractères très forts des deux hommes. A Madagascar, des bruits courent sur une possible intervention de l’armée. On envisage la mise en place d’un directoire militaire. Le problème, c’est que les militaires ne sont pas d’accord, ils ont des problèmes internes à régler en amont. Vous savez entre la gendarmerie, l’armée et la police, ce n’est pas vraiment le grand amour.

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