Lutte contre l’immigration clandestine : Sarkozy dévoile son catalogue 2005


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En visite à Marseille, Nicolas Sarkozy a ébauché lundi un véritable programme de lutte contre l’immigration clandestine. « Immigration choisie », CDD immigrés, restriction des regroupements familiaux, efficacité administrative… le ministre français de l’Intérieur a ratissé large tout en restant flou sur les possibilités d’application des mesures qu’il préconise.

Phrases chocs, raccourcis techniques, personnification des « Français » et de leurs aspirations, à l’aise dans son rôle de chef, le ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy était en forme, lundi, à Marseille. C’est dans la ville cosmopolite de la côte méditerranéenne qu’il a esquissé, devant un parterre de personnel administratif consulaire et préfectoral, son programme de lutte contre l’immigration clandestine. « Immigration choisie », « Contrats à durée déterminée » immigrants, visas biométriques (ils incluent les empreintes digitales et la photographie du demandeur dans la vignette du document)… toutes les idées lâchées aux détours d’interviews, depuis son accession au département de l’Intérieur, étaient réunies dans le catalogue exposé lundi.

Accroissement de l’immigration économique

« Il appartient au gouvernement de fixer, en fonction des besoins de l’économie et de nos capacités d’accueil, le nombre de personnes admises à s’installer en France », a-t-il expliqué. Pour sélectionner ces immigrés, le premier flic de France « demande que les postes consulaires reçoivent instruction par circulaire de gérer les files d’attente de demandes de visas par un système de points, basé sur des « critères d’âge, de diplômes, de connaissance linguistique et d’expérience professionnelle ». Soucieux de ne pas accroître la fuite des cerveaux, il escompte délivrer des « cartes de séjour d’une durée de trois ou quatre ans ». Sans doute convaincu que les migrants ayant vécu trois ans en France n’auront pas la même envie d’y rester que les clandestins qui ont obtenu un visa tourisme de trois mois.

Le « ministre de l’Immigration», comme il s’est lui-même qualifié, avait pris soin d’obtenir une lettre du Premier ministre Dominique de Villepin précisant l’étendue de ses prérogatives, selon Le Figaro. C’est que le numéro deux du gouvernement est en désaccord avec le numéro un sur la question des « quotas », un mot que Nicolas Sarkozy n’a pas prononcé durant son discours. « Cela ne correspond pas à notre culture », avait estimé Dominique de Villepin, à l’époque où il était à l’Intérieur. « Pas de quotas ethniques ou par nationalité. Ce n’est pas l’esprit de notre pays, nous sommes fidèles à une tradition humaniste », a-t-il répété en juin 2005. Mais les deux hommes sont finalement tombés d’accord sur l’expression d’« immigration choisie », que le chef du gouvernement avait évoquée en son temps.

« On peut imaginer qu’un immigrant décide de venir en France pour une période de deux ans, quatre ans, voire un peu plus, mais pas forcément pour toujours », avait-il déclaré sur Radio Monté Carlo à la mi-décembre 2004. Ajoutant : « Si nous constatons qu’il y a des domaines où il y a un manque cruel, alors il faut identifier clairement et mesurer ces besoins, et, en fonction de cela, nous diriger vers des pays qui peuvent offrir ces capacités, qui n’ont pas vocation à venir remplir des besoins pour toujours ». C’est dans cette optique que Nicolas Sarkozy a annoncé la mise en place d’une mission d’évaluation des capacités d’accueil et des besoins économiques de la France, qui devra remettre ses conclusions dès mars 2006.

Restriction de l’immigration familiale

En contrepartie, le pensionnaire de la Place Beauvau souhaite « mieux maîtriser l’immigration familiale ». Il compte ainsi, pêle-mêle, et sans précision sur la méthode à suivre, renforcer la lutte contre les mariages blancs et refuser des titres de séjour en cas de suspicion de polygamie ou de maltraitance des femmes. Il prévoit surtout d’établir des conditions de logement et de ressources plus strictes pour le regroupement familial. Aux associations et spécialistes qui l’ont récemment avisé de l’impossibilité constitutionnelle (Constitution française, Convention européenne des droits de l’Homme) de contrevenir au droit des familles étrangères, Sarkozy a répondu en juin 2005 qu’«aucune norme constitutionnelle ne prévoit que la France doit accepter dans n’importe quelle condition tous les immigrés qui ont une raison personnelle de vouloir s’installer dans notre pays… »

Allant jusqu’à se vanter : « On me faisait les mêmes observations lorsque j’ai annoncé mon intention de faire passer de 12 à 32 jours le délai de rétention administrative. Il ne s’agit pas d’arrêter le regroupement familial, mais de le maîtriser ». Autre exemple du flou artistique sarkozien : l’invention du « risque migratoire », qui concerne les étrangers souhaitant s’installer en France après y être entrés avec un visa de tourisme. En sa présence, les consulats ne devront pas délivrer de visas. Comment le reconnaître et comment ne pas froisser les pays dont les ressortissants sont les champions du visa tourisme prolongé ?

Outre ces intentions, le ministre de l’Intérieur s’est directement adressé aux services consulaires et préfectoraux présents pour les inciter à « travailler ensemble ». En attendant la création d’une « direction d’administration centrale unique en charge de l’immigration, de l’asile, de l’intégration et de la nationalité ». Les visas biométriques, testés dans huit postes consulaires depuis avril dernier (Annaba, Bamako, Kinshasa, Lubumbashi, Minsk, Washington, San Francisco, Colombo), devront être généralisés pour l’ensemble des pays d’ici à 2007. Fier de l’augmentation de 72% des reconduites à la frontière en deux ans, il a appelé à un nouvel effort afin de l’accroître de 50% dans l’année en cours.

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