Lobbying pro-africain : le poids des arguments, le choc des bulletins de vote


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Drapeau des Etats-Unis
Drapeau des Etats-Unis

En cette année électorale, les Afro-américains retiennent plus que jamais l’attention des partis politiques. Cette sollicitude n’est pas étrangère aux succès actuels du lobbying pro-africain. Seconde partie de notre série « Afrique et USA », paraissant chaque vendredi.

L’an 2000 marquera un temps fort de l’engagement pro-africain aux Etats-Unis. La mobilisation des lobbys a permis non seulement le vote d’une loi de coopération commerciale, mais peut-être la tenue d’une méga-conférence, le Sommet national sur l’Afrique, qui s’est tenu du 16 au 20 février dernier en présence de Bill Clinton. Le chef de l’Etat fédéral est, selon les lobbys eux-mêmes, à la tête de l’administration ayant porté le plus d’attention à l’Afrique dans l’histoire américaine. Clinton lui-même fut, en 1998, le premier président des Etat-Unis à se rendre sur le continent au cours de son mandat. Il vient d’y retourner (au Nigeria), et pas moins de sept ministres l’accompagnaient. Plus récemment, Bill Clinton a payé de sa personne en venant à Arusha (Tanzanie) soutenir le plan de paix au Burundi défendu par Nelson Mandela.

Les lobbys pro-Africains ne sont pas seuls, bien sûr, à l’origine de cet intérêt mais leurs discours inlassablement répétés jouent un rôle essentiel. Mora Mc Lean, présidente de l’Institut Africa-America, détaillait fin août leurs arguments frappants dans une lettre adressée au Washington Post : « Les Etats-Unis importent autant de pétrole depuis l’Afrique qu’ils n’en achètent dans tout le Golfe Persique. (…) Le chiffre d’affaires du commerce afro-américain dépasse celui du business avec les pays de l’ancienne Union soviétique. (…) Les pays africains jouissent du plus fort taux de croissance observé à l’échelle mondial. (…) Le sida ne connaît pas de frontières, et le destin de l’épidémie en Afrique concerne donc directement la santé et le bien-être des Américains. (…) La diaspora des nouveaux immigrants africains aux USA est parmi celles qui se développent le plus vite, les plus diplômées et celles qui réussissent le mieux. »

Des intérêts bien compris

En somme, le lobby pro-Africain n’ignore pas que la poursuite de ses buts politiques (le développement de l’Afrique) va forcément de pair avec l’intérêt bien compris de l’économie comme de la société américaines. Ses thèses pragmatiques ont d’autant plus de succès que l’Amérique vit actuellement une campagne présidentielle. Comme toujours, celle-ci est très serrée et les voix des minorités y sont moins dédaignées que jamais. Traditionnellement, les Noirs votent en majorité pour les candidats démocrates. C’est aussi dans les rangs démocrates que l’on trouve les hommes et femmes politiques afro-américains les plus célèbres, tel le révérend Jesse Jackson (ancien candidat à l’investiture présidentielle) où les maires tout-puissants de nombreuses grandes villes comme Detroit, Atlanta ou Philadelphie.

La crème de l’establishment démocrate trustait, de fait, les places d’honneur à la tribune du Sommet national sur l’Afrique : outre Bill Clinton, on a pu y voir Al Gore, Jesse Jackson, ou encore un représentant de Bill Bradley, alors candidat à l’investiture. Mais on y a aussi beaucoup applaudi Ed Royce, le président républicain de la sous-commission de l’Afrique à la Chambre des Représentants. Ce dernier ne s’est pas privé de rappeler que les divisions politiciennes n’avaient pas cours dans la sous-commission : « Nous sommes tous conscients que l’Afrique a besoin d’un soutien uni. »

Républicains contre la discrimination

Par ailleurs, Bill Mc Cain, qui a été le principal challenger de George W. Bush dans la course à l’investiture républicaine, n’a jamais manqué une occasion de dénoncer l’inégalité des chances offertes aux Afro-américains par rapport aux autres composantes de la population, ni l’acharnement judiciaire dont souffrent les jeunes Noirs. Et puis, un nombre de plus en plus important de Noirs votent républicain depuis les années 80. Le populisme reaganien est passé par là, l’essor économique de la communauté noire aussi.

Personne, outre-Atlantique, ne doute plus que les Afro-américains représentent un électorat et une clientèle. Mais pour les experts du marketing politique ou commercial, le thème du soutien à l’Afrique est le bienvenu ; ils espèrent qu’il les aidera à cerner les contours d’une communauté noire désormais éclatée. Demandez donc au constructeur automobile Ford pourquoi il sponsorisait bruyamment le Sommet National sur l’Afrique de cet hiver.

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