Lettre au monsieur de la FAO


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Globe terrestre
Globe terrestre représentant une partie de l'Afrique

Ainsi, les pays riches ne veulent pas nous aider. Mais ils affirment qu’ils nous aiment et qu’ils sont de tout coeur avec nous. Qu’ils comprennent notre drame. C’est drôle mais moi, je ne le comprends pas. Mon drame, c’est la famine. Que faut-il comprendre de ce drame ? Je sais qu’on en meurt. En grand nombre et dans l’indifférence. Surtout dans la douleur. Mourir à petit feu. Rêver d’un grand bol de riz. Douleur indicible de voir les siens – frères, soeurs, parents…- partir très loin. Dans le monde des desséchés. C’est vrai que la compréhension et l’amour des pays riches nous sont d’un précieux secours dans ce voyage.

Monsieur, je vis en Afrique australe. Nous sommes 13 millions de personnes à souffrir de la famine dans cette région. Il est donc inutile que je vous donne mon nom. Même s’il est impoli de ne pas se présenter. A un moment, mes frères ont hanté vos journaux télévisés. Vous vous rappelez ces images d’adultes allumettes -on aurait dit que leurs os allaient se casser au moindre effort- ou ces images d’enfants aux ventres ballonnés d’eau et aux yeux dans le vague. Comme s’ils ne faisaient déjà plus partie du monde. Aujourd’hui, je leur ressemble beaucoup. Ma famille aussi. Mes compatriotes idem. Nous sommes un peuple fantôme.

Monsieur, je sais que vous avez été obligé d’écourter votre sommet de deux heures pour permettre à vos hôtes italiens, à la demande de leur grand chef Silvio Berlusconi, de regarder Italie-Mexique à la télévision. Désolé, on n’a pas fait exprès de crier famine pendant la Coupe du monde. Sur la tête de mes ancêtres qu’on ne pousse pas le vice jusque-là. C’est indépendant de notre volonté, vous pensez bien.

Monsieur, je crois qu’il est inutile de me répondre. Le facteur s’est absenté pour très longtemps. Si je reçois, en plus de la compréhension et de l’amour, une aide quelconque du G8, je me dirai que c’est grâce à vous. Sinon, votre réponse me parviendrait -j’en ai peur- un peu tard. Là où je serai, le courrier n’arrive pas.

Sans illusion, un habitant de l’Afrique australe.

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