Les prisonniers burkinabè s’évadent en toiles


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L’association Olorun, à Ouagadougou, fait peindre les détenus et se sert de l’art pour insérer et réinsérer les jeunes. Ou comment mettre les arts au service de la société.

Les murs de la prison de Ouagadougou ont retrouvé des couleurs. L’espace pénitentiaire de la Maco s’est transformé, du 20 décembre 2000 à fin janvier 2001, en atelier de peinture. Suite à l’incarcération d’un homme de sa connaissance, le Français Christophe de Contenson, créateur de l’association Olorun qui réinsère les jeunes grâce à l’art, convainc le régisseur de la prison de tenter une thérapie par l’art pour les détenus. L’objectif : peindre une immense fresque sur les murs de la prison.

 » 80 des 800 détenus que compte la Maco avaient envie de peindre « , raconte Christophe de Contenson.  » Les prisonniers avaient besoin de s’occuper car à la prison il n’y a pas d’activités. La Maco est un endroit triste : même s’il y a l’eau courante et l’électricité, le traitement demeure très rude.  »

S’évader par la peinture

Certains détenus se sont lancés dans l’aventure pour laisser un message aux suivants. D’autres pour expurger leur culpabilité. Pour tous, l’initiative d’Olorun a créé une bouffée d’oxygène.  » Les prisonniers adorent rencontrer des gens de l’extérieur. Nous étions tous les jours avec eux et cela a créé des liens très forts. Pour ceux qui ne sont pas visités par leurs familles, c’est très important. Rapidement, j’ai reçu toutes sortes de confidences, sur les relations avec les gardes, les magouilles en cours. Le régisseur tombait des nues !  » explique Christophe de Contenson.

Les sujets choisis par les hommes tournent autour de ce qui les a menés en prison : meurtre, vol, viol.  » Ils voulaient parler d’eux-mêmes, parler du regard que l’on porte sur eux car ils veulent qu’on les aime et qu’on leur pardonne « , rapporte Christophe de Contenson. Les prisonniers demanderont aux artistes d’Olorun qui les ont encadrés de leur peindre une fresque représentant un paysage, afin de pouvoir rêver et s’évader le temps d’un regard.

Libéré sur parole

Les femmes, elles, ont plus de mal à prendre le pinceau.  » Elles étaient très inhibées. Il faut savoir que la majorité des prisonnières sont des exciseuses et des infanticides ( à cause des mariages précoces et forcés, des enfants non-désirés). Peindre leurs maux les a destabilisées. Avec ce travail sur elles-mêmes, certaines ne pouvaient plus dormir de la nuit.  » De leur côté, les mineurs ont peint autour de l’amitié, de l’espoir et surtout de la mère et de son absence.

Suite à cette expérience, sept détenus,  » dotés d’un réel talent « , ont été retenus par Olorun. Ils ont travaillé avec des peintres plus confirmés sur le thème de la liberté et ont exposé leurs oeuvres lors du Fespaco, en mars 2001. Suite à cet atelier, l’un des détenus a été libéré sur parole et les autres sont sortis plus tôt de prison. Une réussite. Sur les sept, trois travaillent à Olorun.

 » Nous avons créé des émules « , explique Christophe de Contenson.  » Prisonniers sans frontières et l’Unicef veulent nous emboîter le pas et faire travailler les détenus. Nous faisons tresser des paniers un peu design par les femmes. Mais tout cela ne sert à rien sans suivi psychologique sur place. S’il n’y a pas d’encadrement, la récidive est inévitable.  »

Contre l’afro-pessimisme

Chez Olorun, les artistes touchent 90% du prix de vente de leurs oeuvres. C’est donc un vrai projet de développement qui vise à les rendre indépendants financièrement. L’association a ouvert ses premiers ateliers en 95.  » Nous voulions utiliser l’art pour insérer et réinsérer les jeunes.  » Et depuis trois ans, ça marche très bien.  » L’idée, c’est de donner du travail aux gens sans verser dans le misérabilisme. Je suis de la génération de l’afro-pessimisme et je ne supporte pas qu’on donne de l’Afrique cette vision. Les jeunes Africains n’ont pas de modèles. Olorun veut leur montrer que la réussite est possible en Afrique « , clame Christophe de Contenson.

Aujourd’hui, plus de trente artistes travaillent chez Olorun à Ouagadougou.  » Nous devrions bientôt ouvrir des structures similaires au Mozambique et en Ethiopie.  » Autre projet :  » un livre de design,  » branché  » pour que les gens n’aient pas de l’Afrique que des livres sur les arts premiers « .

Olorun veut rendre au Burkina la légitimité de son nom : le  » pays des hommes intègres « .

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