Les OPCVM sont « tendance » en Afrique de l’Ouest


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Le marché financier ouest-africain compte désormais miser sur les produits offerts par les Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) pour impulser une nouvelle dynamique à la collecte de l’épargne. Le groupe Ecobank s’inscrit dans cette mouvance et dispose d’une société de gestion d’actifs, Ecobank Asset Management, qui propose depuis 2007 deux FCP. Georges Kavege, qui dirige la structure, a participé au récent forum de l’investissement et de l’épargne qui s’est tenu les 14 et 15 septembre à Cotonou, au Bénin. Tout en soulignant la jeunesse du système financier dans la sous-région, il répertorie quelques obstacles au développement de ces produits financiers.

Ecobank Asset Management est la société de gestion d’actifs du groupe financier panafricain Ecobank. Elle gère deux FCP destinés au grand public et qui sont opérationnels depuis 2007. Prima Capital est dédié aux institutionnels et aux personnes fortunées et FCP Patrimoine s’adresse aux particuliers.

Afrik.com : A quel moment une banque comme la vôtre décide d’enrichir son offre d’OPCVM, car la démarche est assez récente ?

Georges Kavege :
C’est aujourd’hui la tendance sur un marché financier qui s’est installé tardivement. Notre Bourse, la BRVM (Bourse régionale des valeurs mobilières), n’a qu’une dizaine d’années. Dans un premier temps, l’accent a été mis sur les sociétés de gestion et d’intermédiation (SGI). Petit à petit, les banques et d’autres investisseurs ont décidé de compléter l’architecture bancaire qui se compose des banques commerciales et d’investissement, des SGI et des sociétés de gestion d’OPCVM.

Afrik.com : Que représente un forum (entretien réalisé le 15 septembre 2009) comme celui-ci qui souhaite promouvoir les OPCVM ?

Georges Kavege :
Cela correspond à l’air du temps et c’est une nécessité. Il faut diversifier ses avoirs : ni tout à la banque ni dans l’immobilier ou dans la bourse. Et la gestion collective constitue un très bon moyen d’optimiser cette diversification. Elle permet à un particulier, même s’il a très peu de fonds, d’accéder à des opportunités qu’on offre généralement aux sociétés ou aux personnes fortunées par les mécanismes de la bourse. On distingue traditionnellement deux types de gestion : la gestion sous mandat direct de portefeuilles de bourse et la gestion collective par le bais de SICAV et FCP.

Afrik.com : Proposer des FCP ou des Sicav à leurs clients ne semble pas très aisé pour les banques en Afrique de l’Ouest…

Georges Kavege :
Le marché bancaire n’est pas le marché boursier. L’activité de gestion des portefeuilles est une activité de bourse. Les banques n’ont pas vocation à fabriquer des FCP et des Sicav. Ce n’est pas leur métier. En revanche, elles peuvent distribuer ces produits financiers. Aujourd’hui, hélas, elles ne le font pas suffisamment. En tout cas pas au point que cela devienne naturel d’entrer dans une banque et de se voir proposer aussi bien d’ouvrir un compte d’épargne que d’investir dans une Sicav. Une des explications réside dans l’absence de culture financière et boursière. Sans oublier, la jeunesse de cette activité dans notre sous région. Il y a des sociétés qui, en 2004, n’avaient jamais encore entendu parler d’un FCP. Tous les acteurs du marché doivent poursuivre leurs efforts afin que ce qui est nouveau aujourd’hui se vulgarise demain.

Afrik.com : De même que distribuer le FCP de son concurrent, quand bien même l’opération suppose le paiement d’une commission, n’est pas chose courante dans le secteur bancaire sous-régional…

Georges Kavege :
L’architecture ouverte en matière de gestion collective existe partout dans le monde. La multigestion – avoir des gérants qui appartiennent à des sociétés distinctes et qui gèrent un produit pour le bien des investisseurs – existe depuis toujours également. Nous espérons que les confrères, bien que concurrents, acceptent de proposer un jour ou l’autre nos produits parce qu’ils répondent aux besoins de leurs clients et qu’ils ne sont pas en mesure de les satisfaire. Nous sommes disposés à collaborer selon ce modèle avec les partenaires qui répondront à certains critères d’exigence en matière de fiabilité et de transparence dans la gestion, d’intégrité des données publiées, et de bonne gouvernance.

Afrik.com : Vous regrettez aussi que les compagnies d’assurance n’investissent pas plus dans votre produit compte tenu de leur capacités financières ?

Georges Kavege :
Prima Capital est destiné aux institutionnels, au premier rang desquels les compagnies d’assurances-vie. Mais c’est vrai que je déplore, comme d’autres confrères, qu’elles ne soient pas nombreuses à le faire dans les proportions aussi importantes que leur permettent leurs capacités financières. Les compagnies d’assurance-vie ont de l’argent mais elles privilégient d’autres canaux d’investissement. Mais encore une fois, nous espérons que les choses changeront.

Afrik.com : La communication doit être un outil pour faire bouger les lignes selon vous. Qu’est-ce qu’Ecobank Asset Management fait dans cette optique ?

Georges Kavege :
Trois mois après le lancement de notre activité, nous avons réuni 40 directeurs généraux et 40 directeurs financiers de la zone CIMA (Conférence interafricaine des marchés d’assurances). Non pas pour vendre uniquement le produit, qui n’avait pas encore fait toutes ses preuves aux dire de certains, mais pour sensibiliser les participants à ces nouveaux produits que sont les FCP. Au bout d’un an, j’ai fait des insertions dans les médias francophones de l’Uemoa (Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest) où le groupe est installé. A cela s’ajoute, des opérations sporadiques et régulières de promotion. Ce n’est bien évidemment pas suffisant. Une autre piste à explorer est la formation de journalistes spécialisés dans la finance. Ils viendraient vers nous pour récolter des informations et en assureraient une diffusion plus large au profit du consommateur.

Afrik.com : Les Africains ne mettent pas leur épargne à la banque. Quelle est votre explication ?

Georges Kavege :
Ces trente dernières années, le taux de bancarisation en valeur absolue est resté le même dans nos pays : entre, semble-t-il, 4 et 6%…

Afrik.com : C’est peut-être parce que les banques ne prennent pas de risque comme les institutions de microfinance qui ont décidé de prêter aux plus modestes ?

Georges Kavege :
Le métier de la banque n’est pas de prendre des risques. Au contraire. La crise financière l’a prouvé. Les régulateurs sont unanimes pour dire qu’elle s’est produite parce que les banques n’ont pas fait leur métier. A savoir gérer de l’épargne et prêter de l’argent dans de bonnes conditions à des personnes solvables. A côté, il y a les autres métiers financiers qui sont la bourse, la gestion de portefeuilles, d’OPCVM, les produits dérivés et structurés… Les gens n’osent déjà pas aller à la banque pour juste y déposer leur argent. Vous comprenez alors pourquoi ils sont encore moins nombreux à investir en bourse ou dans les FCP. C’est peut être une question de culture aussi. Que dire d’autre ?

Afrik.com : La culture a bon dos…

Georges Kavege :
Il y a un fait historique. Nous n’avons pas créé les banques et les bourses. Les premières banques se sont établies au moment des indépendances ou juste avant. Une soixantaine d’années alors qu’on parle de siècles ailleurs ? Si on ne dit pas que c’est culturel, que dire d’autre face à cette réalité ? On peut aussi se demander si les banquiers et les autres acteurs du marché ont pris les dispositions nécessaires pour que la banque soit à la portée de tout le monde. Certainement que nous ne sommes pas exempts de reproches.

Afrik.com : Reproche possible : une inadéquation de l’offre par exemple puisque la microfinance a démontré que les plus pauvres épargnent ?

Georges Kavege :
Les banques offrent des produits et des services inadaptés aux moyens et aux besoins d’une grande partie de nos populations. Celle-là même qui n’est pas bancarisée. Le succès de la microfinance tient au fait que les banques n’ont pas su capter cette clientèle depuis 20, 30 ou 40 ans. Elles ne savent pas les gérer parce que les règles qui les gouvernent ne prévoient pas ce cas de figure. La plupart de nos économies sont informelles alors qu’une banque ne peut pas prêter à une PME qui n’a pas de bilan, à un particulier qui n’a pas de caution ou ne présente pas de garanties. Peut-être aussi que les banques n’ont pas été très imaginatives non plus. Il y a une dizaine d’années, il faillait avoir des millions pour ouvrir un compte, les banques s’installaient dans les quartiers les plus huppés des villes africaines. Il y avait une sélection parmi les clients potentiels. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas parce que tout le monde a compris que la banque de détail constitue l’avenir du secteur bancaire en Afrique.

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