Les forts d’Oran à l’abandon


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Drapeau de l'Algérie
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Squattés par des familles entières, occupés ou rasés par l’armée, les forts d’Oran sont dans un état de délabrement avancé. Mauvaise passe pour ces vestiges historiques, garants de l’Histoire oranaise.

La plupart de la trentaine des forts d’Oran, bâtiments construits à travers plusieurs époques historiques et qui constituaient le système défensif de la ville, sont actuellement dans un état de délabrement avancé. A Bab El Hamra, quartier situé entre Sid El Haouari et Les Planteurs, existent quelques forts actuellement habités par des occupants indus. Celui de Santa Barbara, dont la construction remonte à l’époque de l’occupation d’Oran par les Espagnols (1550-1780), a été squatté par huit familles depuis le début des années 80, nous affirme un citoyen s’intéressant aux richesses historiques de sa ville.

Le fort de Santiago, se trouvant dans le même périmètre et bâti à la même époque, connaît le même sort. Six familles y trouvent refuge et ont fini par dénaturer son aspect par un autre matériau de construction. Quant à celui de Saint-Grégori, se trouvant lui aussi à Bab El Hamra, il est dans un état de dégradation totale. Pas loin de là, le fort Saint Pedro, sur les hauteurs de la vieille Casbah, dont on doit la construction en 1737 à Valiego, gouverneur espagnol de la place d’Oran, n’échappe pas à la règle puisqu’il abrite, lui aussi, des familles issues de l’exode rural des années 80, aggravant la crise du logement. L’état de ce monument historique est encore rattrapable.

Saint-Pierre se fissure

Derrière la forteresse Saint-Pierre, une muraille défensive du côté sud de la Casbah, s’abritent des familles qui ne sont pas logées. Plus bas, le Donjon rouge élevé en 1439, à l’époque mérinide, subit toutes sortes de détériorations puisqu’il est squatté par les 14 familles qui ont participé à l’élévation de la carcasse de l’hôtel Château-neuf depuis la fin des années 70. Pour la petite histoire, à quelques dizaines de mètres existe le siège de la circonscription géographique, institution censée protéger les monuments et les vestiges historiques. Dans ce même endroit, et plus exactement dans l’enceinte du Château-neuf, le fort Saint-Louis est devenu méconnaissable parce qu’il est en ruines.

A l’extrémité du quartier Derb, ancien quartier juif, le fort Saint-André, datant lui aussi de l’époque espagnole et occupé par l’armée, se trouve dans un mauvais état de préservation. A ce sujet, l’armée a joué un rôle contradictoire dans la conservation de ces monuments. C’est grâce à elle que certains d’entre eux ont pu échapper aux actes de vandalisme et à toutes sortes d’atteintes. Fort Lamoune, sur la route de la corniche juste à la sortie d’Oran, a été transformé en cabaret à l’époque du célèbre Frik Bachir, ancien wali d’Oran, au point que cet édifice historique donnant sur la mer a été surnommé « fort l’amour ».

L’amour en larmes

Depuis trois ans, l’armée a récupéré le site pour en faire un siège de la gendarmerie nationale. Quant au fort Saint-Phillip, il a été tout bonnement rasé par l’armée au début des années 70, et une coopérative de consommation au profit des militaires a été construite sur l’assiette du terrain qu’il occupait. Dans cet ordre d’idées, le fort de Santa Cruz bâti en 1563 fait l’objet de toutes sortes de saccages depuis qu’il a été abandonné par l’armée en 1993. La pierre taillée avec laquelle il est construit semble être prisée parce qu’elle est revendue à ceux qui construisent des villas dans des endroits chics d’Oran, nous dit-on.

A noter que cet édifice est classé depuis 1954. D’une manière globale, ces monuments historiques n’ont jamais été classés. Pour cause, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’armée française les a occupés, nous explique-t-on. Au lendemain de l’indépendance, ces édifices symbolisaient l’occupation coloniale et ses affres. Cette méprise a ouvert la voie à leur abandon, ce qui est fort préjudiciable.

Ziad Salah

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