Les chaudes connexions d’Alger


Lecture 3 min.
Drapeau de l'Algérie
Drapeau de l'Algérie

Le moteur de l’Internet s’appelle le sexe. A Alger, les cybercafés ne désemplissent pas. Ce que la télévision officielle censure, la Toile l’expose en toute simplicité. Les connexions sont dopées par les sites  » érotiques « .

De notre envoyé spécial.

 » J’ai été obligé d’installer des rideaux. Les clients aiment la discrétion. Je ne veux pas savoir ce qu’ils consultent « , tranche Ali, propriétaire d’un cybercafé dans la banlieue d’Alger. L’objet de sa discrétion est le cybersexe. Les jeunes internautes algériens sont friands de sites  » chauds « . Dans un sursaut de gentillesse, Ali, la trentaine bien entamée, affirme qu’il est très facile de savoir si les sites  » traitant de la sexualité  » ont la cote.  » Vous n’avez qu’à regarder les derniers sites consultés. Il suffit de vérifier les dernières adresses. Personnellement, je ne le fais jamais. Je ne suis pas un gendarme « , confie Ali, avec un sourire énigmatique. Inutile d’être grand lexicologue pour comprendre que le sexe est le lieu d’atterrissage pour de nombreux internautes. Comme par magie, les adresses ont toutes le mot sexe dans leur dénomination.

Gendarme sexuel

Omar ne se cache pas. Sur son écran défilent des images à faire rougir son plus proche voisin.  » Ces sites sont une arnaque. Ils te mettent l’eau à la bouche et au bout de 30 secondes, une fois que t’es bien accroché, il faut passer à la caisse pour regarder la suite. J’aimerais bien payer mais il n’y a pas de carte de crédit en Algérie « , s’offusque Omar,  » grand mateur  » selon sa propre définition. Il avoue connaître tous les  » programmes de lancement « .  » Les sites changent rarement leurs vitrines. Au bout d’un moment, t’as fait le tour et tu connais tous leurs appâts « , analyse Omar, nullement blasé. Il confie avoir découvert les sites pornographiques pendant ses recherches universitaires. Depuis, il surfe en initié.  » Jamais pendant les examens !  » promet-il.

Une rue plus loin, Planet Evasion, autre cybercafé, affiche toujours complet.  » Il ne faut pas dire n’importe quoi. Les jeunes viennent ici pour leurs études et pour trouver une astuce pour décrocher un visa pour l’Europe. Ils sont plus friands de chat (discussion en ligne, ndlr) que de son féminin « , affirme Chérif, cybercafetier, avec pudeur. La présence de planches rabattables, qui permettent une totale isolation de l’internaute, écorne son discours.  » Je ne suis pas un censeur moral. Que chacun regarde ce qui lui plaît ! Vous les journalistes, vous avez des idées perverses. S’isoler ne veut pas dire être voyeur !  » s’énerve la patron de Planet Evasion. Vérification de l’astuce d’Ali : le sexe est omniprésent.

Cyberculture

Les cybercafés ont revu leurs prix à la baisse. De 100 dinars (1 FF) de l’heure, la connexion est passée à 60, voire 55 dinars.  » Les jeunes sont frustrés. Ils ne ratent jamais le film d’épées (porno) de Canal +. Ils le regardent même quand il est crypté, alors pour les sites  » osés « … « , se moque Hamid, enseignant à la Fac centrale.  » Il y a trois ans, certains imams ont fait des prêches incendiaires contre les télévisions occidentales et  » el-intarnit  » – ils voulaient arabiser le concept -, comme principales sources de déviationnisme. La plupart des croyants ne savaient même pas ce que c’était Internet. Du coup, les jeunes sont allés vérifier les critiques des imams… « , ironise Hamid.

A Alger, les cybercafés ferment très tard et les tarifs sont divisés par deux.  » Les gens s’évadent comme ils peuvent. Certains par Internet et d’autres par avion. Les jeunes ne peuvent pas même pas rentrer chez eux car les appartements sont bondés. Ils sont dix, quinze dans des deux pièces. Cliquer représente pour eux une bouée de sauvetage. Et s’ils consultent des sites porno, ce n’est pas bien grave et ils auront au moins appris à utiliser Internet. Ils s’arrêteront un jour et iront visiter des sites plus intéressants. Pourquoi pas le votre ?  » analyse lucidement Hamid.

Il est minuit. Les cybercafés sont encore ouverts. Il reste encore quelques irréductibles pour pianoter.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News