Le Trio Joubran, au fil de l’oud


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Epineux est le chemin à parcourir entre Paris et Nazareth. Ce voyage, Le Trio Joubran l’a entrepris avec grâce et poésie.

Oud en main, Le Trio Joubran émerveille. Ces trois frères palestiniens, mondialement connus, transpercent les scènes à l’aide d’un outil peu connu en Occident : l’oud. Il s’agit d’un instrument de musique à cordes pincées extrêmement répandu dans les pays arabes, en Turquie et ailleurs.

Ces virtuoses du luth ont été les premiers palestiniens à se produire sur la scène de l’Olympia, le 7 février dernier. L’arrêt marqué d’un long voyage artistique d’un trio venu de loin. C’était « une fête avec le public », retient Adnan Joubran, l’un des membres du groupe (composé également de Samir et de Wissam Joubran) qui a accordé une interview à Afrik.com.

Pour ce premier concert à l’Olympia un flutiste et une troupe de onze danseurs ont pris part à un spectacle envoûtant. Pour célébrer son dixième anniversaire, Le Trio Joubran publie un coffret comprenant ses cinq disques, dont A l’ombre des morts. Un recueil harmonieux qui retrace dix ans de merveilles auditives. Entretien.

Afrik.com : Le Trio Joubran fête ses dix ans d’existence. Quels sont vos meilleurs souvenirs ?

Adnan Joubran :
On a fêté nos dix ans à l’Olympia. On était plus stressé que d’habitude. Peut-être parce que l’on s’est replongé dans des souvenirs qui remontaient à dix ans en arrière. Ce concert était symbolique pour nous. Il y a dix ans, j’étais aux jardins du Luxembourg, à Paris. C’était la première fois que je sortais de Palestine pour jouer à l’extérieur. C’était un très beau souvenir. On est désormais lancé pour dix de plus.

Afrik.com : Le 7 février, Le trio Joubran a marqué l’histoire de l’Olympia puisque vous avez été le premier groupe palestinien à monter sur la légendaire scène parisienne. Est-ce une fierté pour vous ?

Adnan Joubran :
Cela représente un triomphe pour tous les Palestiniens. Et ce n’était pas simplement un concert, mais une fête avec le public. Pour le trio, ce passage a été symbolique. Notre père n’arrêtait pas de nous répéter que celui qui ne passe pas à l’Olympia n’est pas un artiste accompli. C’est aujourd’hui chose faite. C’est aussi un endroit où sont passés de grandes personnalités arabes à l’image d’Oum Kalthoum.

Afrik.com : Que représente la musique pour vous ?

Adnan Joubran :
Un rêve, un cauchemar, une inconscience. A travers la musique, j’essaie de créer des images et de la poésie.

Afrik.com : Peut-on dire que l’oud est le secret de votre réussite ?

Adnan Joubran :
Peut-être pas. Notre projet va plus loin que le simple oud. Mais le son de cet instrument est sacré, proche de la voix. En occident, c’est quelque chose de nouveau qui rappelle la guitare mais avec de douces sonorités. Le fait d’être trois frères venus d’Orient est quelque chose d’original ici. On a réussi à transmettre un son riche.

Afrik.com : Qui vous a transmis ?

Adnan Joubran :
C’est notre père. Il était passionné par cet instrument. Il les fabriquait lui-même d’ailleurs, bien qu’il n’en jouait pas très bien (rires). Wissam a repris la relève et fabrique désormais nos instruments.

Afrik.com : Cela fait dix ans que vous vivez en France. Vous êtes un habitué maintenant…

Adnan Joubran :
Oui, mais j’ai tout de même des envies de retourner au pays. Peut-être pas pour maintenant. J’envisage de m’installer à Londres. Le rythme de vie et de travail que l’on a en Europe ne serait pas le même en Palestine. On a besoin de faire plus et plus encore. Mais je vis la Palestine en France à travers mes amis palestiniens notamment. On mange Palestine, on sent Palestine, on sort Palestine…

Afrik.com : Ressentez-vous un besoin de prouver quelque chose ?

Adnan Joubran :
En tant que Palestinien, oui. Mais c’est surtout pour montrer que l’on existe. Faire voyager la culture et le parfum de la Palestine. Montrer que le folklore est vivant. Il y a beaucoup d’artistes talentueux en Palestine. Certains ont plus de mal que d’autres à cause de la politique.

Afrik.com : Quels sont vos rapports avec Israël ?

Adnan Joubran :
Vous savez, le cas palestinien n’est plus un cas politique. C’est un cas avant tout humain. Tout le monde doit se poser contre la politique menée par Israël. Les Israéliens commencent petit à petit à s’opposer au gouvernement de leur pays et contre leurs actions.

Afrik.com : Que rêvez-vous pour la Palestine ?

Adnan Joubran :
Liberté bien sûr. Certes, la mort est une liberté. Mais ce que l’on demande c’est surtout une justice. Je rêve aussi d’être un artiste qui n’a pas à parler de la Palestine. J’aimerais monter sur scène et ne pas parler de mon pays. Mais tant que mon pays n’est pas libre, ça reste une obligation pour nous. Nous souhaitons poursuivre notre art et montrer que l’on existe. On ne mérite pas la mort. Nous sommes un peuple, un pays, un drapeau.

Afrik.com : A l’aide d’un oud, vous êtes parvenu à amener en Occident un parfum d’Orient. Nazareth peut être fier de vous ?

Adnan Joubran :
J’espère. Le maire de Nazareth nous a remis un grand prix d’honneur. On avait l’intention de faire un concert à Nazareth mais le gouvernement israélien nous l’a interdit.

Afrik.com : Dans le coffret qui retrace les dix ans de votre parcours, vous rendez hommage à l’emblématique poète palestinien Mahmoud Darwish. Que représente-t-il pour vous ?

Adnan Joubran :
Nous sommes fier d’avoir eu un poète comme Darwish pour représenter l’art arabe à travers le monde. On était amis et à travers lui j’ai appris à être un homme romantique. Sa mort a évidemment été un choc. On a tenu à lui rendre un hommage dans des concerts.

Afrik.com : A vous le mot de la fin…

Adnan Joubran :
« Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie ». (Mahmoud Darwish).

Site Internet du Trio Joubran : Letriojoubran.com

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