Le Togo sanctionne le trafic d’enfants


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Issa Ousoumanou Zourkénini

Le 16 juin, est célébré chaque année la journée de l’enfant africain. L’occasion pour Afrik.com de revenir sur une décision marquante de la justice togolaise. Les tribunaux de Sokodé et de Kara, dans le nord du pays, ont condamné mardi cinq trafiquants d’enfants à des peines de prison ferme et des amendes. Une grande première depuis l’adoption par le parlement Togolais, le 03 août 2005, d’une loi réprimant le trafic et l’exploitation des enfants.

Notre correspondant à Lomé

« Ces procès sont l’aboutissement des différentes actions menées par la société civile togolaise depuis plusieurs années. (…) C’est un message fort que nous voulons envoyer à tous les trafiquants, afin de les décourager dans leurs actes », a déclaré Cléophas Mally, responsable de l’organisation non gouvernementale WAO – Afrique, spécialisée dans la défense des droits des enfants.

Issa Ousoumanou Zourkénini À Sokodé (300 Km de Lomé), un cas a été signalé. Celui d’un jeune cultivateur Togolais de 27 ans nommé Issa Ousoumanou Zourkénini. Il a été condamné à 24 mois de prison ferme pour avoir tenté de convoyer dans la nuit du 24 janvier 2007, à Ogbomotcho (Nigeria) où il réside, 5 enfants, tous scolarisés.

Pendant ce temps, quatre autres trafiquants ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Kara (428 km au nord de Lomé). Ils courent des peines allant de 7 à 24 mois assorties d’une amende de 300.000 CFA (459 €) à 1. 000.000 CFA (1527 €). Trois d’entre eux sont reconnus coupable pour avoir convoyé des mineurs vers le Nigeria, et le dernier arrêté pour viol et proxénétisme sur une mineure de 14 ans. Ils avaient tous été interceptés l’année dernière par la police togolaise.

Le poids de la misère et des traditions

En août 2005, le parlement togolais a voté une loi qui punit le trafic et l’exploitation des enfants. Les auteurs ou complices de ce trafic illicite sont passibles des peines d’emprisonnement d’un mois à cinq ans de prison, assorties d’amendes qui vont de 5.00.000 CFA (764 €) à 10.000.000 CFA (15 268 €).

«Nous nous réjouissons de l’application de la nouvelle loi. C’est une décision de justice qui servira de leçon aux autres trafiquants», a déclaré à Afrik.com Françoise Gnonfame, responsable du Réseau de lutte contre la traite des enfants au Togo (Relutet), visiblement satisfaite de l’issue des procès.
Quant à Sylvain Anson-Anomah, 13 ans, Président du Club Excellence, une association de jeunes oeuvrant pour l’épanouissement de l’enfant, il a déclaré : « Nous sommes fiers de la peine d’emprisonnement requise contre ces trafiquants d’enfants. La justice a gagné. Ce verdict nous réconforte dans notre lutte contre le trafic des enfants ».

La persistance de la pauvreté, l’environnement économique difficile et les coutumes togolaises consistant à envoyer les enfants vivre chez les tantes, oncles, cousins et autres membres de la famille sont autant de facteurs qui contribuent à l’accroissement de ce phénomène.

« Certains parents, en complicité avec les trafiquants, poussent leurs enfants dans ce trafic et espèrent en retour de la part des trafiquants des promesses, pour la plupart des cas une moto, une télévision, ou encore une radio cassette », a expliqué Kossi Batchabani, le Directeur Régional des Affaires Sociales de Sokodé. enfants victimes du trafic

Solim, un jeune garçon de 13 ans victime de cette traite, affirme avoir été « vendu » par sa tante à Kabiru, un Nigérian qui se faisait passer pour son oncle. A Kano où il était exploité dans les plantations de cannes à sucre comme métayer, il avait la promesse de recevoir une bicyclette s’il arrivait à exploiter 9 hectares en 7 mois. Aujourd’hui, grâce à l’ONG Plan Togo, ses bourreaux ont été arrêtés.

Un effort de longue haleine

La majorité de la population togolaise semble satisfaite des sanctions prises par le gouvernenent. « L’homme est un être sacré. Et il est inconcevable qu’il soit vendu pour quelque motif que ce soit. Nous ne sommes plus au temps des colons », a indiqué Sélom Avanou, chauffeur de taxi à Lomé.

Le ministère de la Protection sociale estime à plus de 3.000 le nombre des enfants interceptés chaque année par les forces de l’ordre aux différentes frontières. « Malgré ce record inquiétant, le mal reste toujours menaçant », a indiqué Awal Ibrahim, le procureur du tribunal de première instance de Sokodé. Il ajoute que les organisations de défense et de promotion des droits des enfants doivent redoubler d’effort pour mener une lutte sans merci contre ces trafiquants.

Considéré comme l’une des plaques tournantes régionales du trafic des mineurs, c’est la première fois que des procès de trafiquants d’enfants voient le jour au Togo. De sources judiciaires, on annonce un autre procès ce samedi au tribunal de Lomé. Cette série de procès en cette période de l’année ne tient pas du hasard. Elle entre dans le cadre de la journée de l’enfant africain célébrée tous les 16 juin.

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